Depuis plus d’un an, je soutiens que la Fed resserre l’offre de dollars américains. Lorsque j’ai lancé cette idée pour la première fois, elle a été accueillie avec un grand scepticisme et, pour l’essentiel, elle l’est toujours.
La Fed a longtemps été le punching-ball des tenants de la hard money et de la finance alternative parce que, franchement, elle l’a toujours mérité. Pendant presque toute la dernière génération, jusqu’en juin 2021, la Fed a fait office de banque centrale du monde.
Mais nous arrivons rapidement à un moment où beaucoup de gens commencent enfin à réaliser que le fameux « Fed Put » , la croyance selon laquelle la Fed vient toujours à la rescousse du marché, ne va pas se manifester de sitôt, voire pas du tout.
Chaque fois qu’une crise majeure se profilait à l’horizon, la Fed était toujours là pour fournir au monde les dollars nécessaires pour éviter que les choses ne s’effondrent complètement. Cela a été particulièrement vrai à la suite de l’affaire Lehman Bros. et de la crise immobilière de 2008, qui a mis fin à la norme de réserve de dollars post-Bretton Woods instaurée par la politique monétaire extrême de Paul Volcker au début des années 1980.
La crise de 2008 a entraîné les contrecoups de l’été 2011, lorsque les États-Unis ont perdu la note AAA de leur dette et que l’or a grimpé à plus de 1900 $ l’once, de crainte que la crise de la dette souveraine en Europe ne prenne le devant de la scène.
Seule une déclaration de politique coordonnée des banques centrales des principaux acteurs – la Fed, la BCE, la Banque du Japon, la Banque nationale suisse et la Banque d’Angleterre – a empêché le système de s’effondrer. Sous la direction de Ben Bernanke puis de Janet Yellen, la Fed durant la présidence Obama a prouvé à maintes reprises qu’elle n’était pas disposée à laisser le prix des actifs chuter, de peur que cela n’entraîne le système bancaire dans sa chute.
Pour ce faire, ces banques centrales ont tour à tour augmenté leurs bilans par le biais de l’assouplissement quantitatif, jusqu’à ce que le mandat de Janet Yellen se termine fin 2017 et que Jerome Powell prenne la présidence de la Fed. La crise démographique imminente des retraites américaines a obligé Yellen à entamer le cycle de resserrement que Powell a accéléré.
Les taux zéro ont alimenté les programmes de rachat d’actions et un boom massif des actions dans le monde entier. Et avec cela, les couches supérieures de la pyramide d’Exter se sont étendues tandis que la base a été étayée non pas par une augmentation du prix de l’or ou des réserves, mais par la base monétaire, M0.
Nous ne pouvons pas appeler l’assouplissement quantitatif « argent en circulation » car la plupart, sinon la totalité, de cet argent a été stérilisé sous forme de réserves bancaires. Donc, il doit aller au bas de la pyramide, même s’il s’agissait principalement de la dette publique. Il est donc préférable de considérer l’ère des banques centrales coordonnées comme une tentative de consolider une tour de dette penchée avec plus de dette, plutôt que d’alimenter de nouvelles activités productives en amont de la chaîne de valeur, sur la base d’une réserve d’épargne élargie (réserves d’or).
De plus, afin d’éviter que le prix de l’or ne dévoile le bluff collectif des banques centrales, nous avons accepté la fiction de produire de « l’or papier » avec cet assouplissement quantitatif plutôt que d’ajouter de l’or physique aux réserves. C’est pourquoi nous avons vu le ratio de l’or papier par rapport aux réserves de change exploser.
Il était dans l’intérêt de presque tout le monde de continuer à utiliser l’or comme une garantie de change plutôt que comme un actif de réserve. Tant que personne ne voulait de l’or réel, l’effet de levier pouvait s’étendre et la pyramide restait plus ou moins droite.
Cette politique a clairement une limite car, à un moment donné, quelqu’un va dévoiler le bluff sur la valeur de la dette créée par l’assouplissement quantitatif et demander comment nous allons pouvoir nous procurer des biens alors que toute notre activité disponible est utilisée pour le service de la dette.
D’où viendra la croissance réelle ?
De la croissance ? Comment allons-nous même rester à flot ?
C’est le piège de l’assouplissement quantitatif, qui signifie qu’à un moment donné, il y aura des comptes à rendre, car vous ne pouvez pas chauffer votre maison ou nourrir vos enfants avec des euros ou des dollars numériques.
Il fallait que l’une des principales banques centrales rompe avec le cartel des banques centrales. C’est ma thèse depuis plus d’un an.
Et seule la Fed avait une réelle motivation pour rompre avec la cartellisation des banques centrales, car c’était elle qui supportait le plus gros de la perte de confiance.
Pendant des années, nous avons entendu dire que Mario Draghi était le magicien de l’Europe. L’euro restait beaucoup trop fort. Le mercantilisme de l’Allemagne était toujours alimenté par son levier fou du gaz russe bon marché.
La Banque nationale suisse a profité de cette période pour devenir le plus grand fonds spéculatif en actions du monde.
La Banque du Japon a été autorisée à faire du yen la monnaie de portage par excellence grâce à son contrôle insensé de la courbe des taux, qui se poursuit encore aujourd’hui.
Et la Banque d’Angleterre a été autorisée à perpétuer le mythe selon lequel la livre était une monnaie soutenue par autre chose que les services financiers et les affaires de la chambre de compensation de la City de Londres.
Mais la crédibilité de la Fed a disparu par degrés chaque fois que l’Europe a attrapé un rhume et que la Fed s’est présentée avec la soupe de poulet monétaire. Aujourd’hui, la Fed est confrontée à la même crise de confiance que Volcker lorsqu’il a succédé à Arthur Burns.
Mais nous avons deux générations de participants au marché qui n’ont jamais été confrontés à cela. Ils ont été imprégnés par le fait que la Fed assure toujours leurs arrières. J’ai déjà mis en garde par le passé au sujet de cette idée que nous avons des personnes qui approchent de la retraite et qui n’ont jamais eu à faire face à un véritable marché baissier des bons du Trésor américain.
Alors, pensez-vous vraiment que nous avons atteint le point où une majorité de personnes sont convaincues que le « Fed Put » sur les marchés appartient au passé ? Je ne le pense pas.
Je suis atterré par la complaisance des spreads de crédit. Les gens n’ont-ils vraiment pas compris que l’UE est prête à engager sa population dans la désindustrialisation, la famine et la militarisation dans une campagne chimérique visant à débarrasser le monde de l’énergie russe ?
Pensez-vous vraiment que la Fed va renflouer ces gens cette fois-ci ? Pourquoi le feraient-ils ? Peu importe que vous considériez les États-Unis comme des prédateurs détruisant l’Europe ou comme se défendant contre des globalistes eurocentriques néo-féodaux, le résultat est le même.
Comme le disait le type dans Seinfeld, « Pas d’eurodollars pour vous ! » .
Le fait que les présidents de la Fed aient toujours pivoté au premier signe de troubles de l’Europe dans le passé ne veut rien dire. Ce qui compte, ce sont les menaces auxquelles la Fed répond en ce moment. Et si vous traquez ces menaces, la meilleure ligne d’action est claire.
Pas de pivot. Pas de « Put » . Plus de banque centrale du monde.
Le plus grand risque résiduel sur les marchés aujourd’hui est la complaisance, cette analyse normée selon laquelle la Fed ne fait que parler fort et ne le pense pas vraiment.
C’est pourquoi, après la hausse des taux de juillet, tant de gens ont cru aux conneries selon lesquelles la Fed avait déjà changé de cap, non pas parce que la Fed l’avait réellement fait, mais parce que beaucoup avaient besoin de le croire étant donné la position de leurs portefeuilles.
Mais les incitations sont là, surtout dans le contexte géopolitique plus large, à savoir qu’il y a un nouveau monde à l’horizon qui offre un tas d’incitations positives pour les banques et les entreprises américaines si la Fed maintient le cap sur ce point.
Cela est particulièrement vrai si l’Europe continue sur la voie qu’elle a empruntée sans pivoter sur la politique énergétique. La Russie vient tout juste de commencer à tourner la vis à l’Europe.
Les gens qui réagissent à ces arguments n’abordent jamais ce point. Et si l’avenir des États-Unis était plus brillant au sortir d’un ralentissement prolongé et d’une réorganisation qui se donnerait la priorité sur le maintien de l’Empire ?
La Fed peut-elle faire pression sur le Congrès en l’absence d’achats par des banques centrales étrangères ?
Et si l’hypothèse de l’identité de celui qui dirige l’Empire était erronée et qu’il ne s’agissait pas des États-Unis mais des mêmes personnes qui consolident le pouvoir en Europe en ce moment ?
Le monde se dédollarise après tout. Nous venons d’assister à un sommet de l’OCS à Samarkand qui s’est déroulé sans accroc alors que tous les principaux participants étaient en proie à de nouveaux conflits dans la région de la Russie.
Et pourtant, Poutine n’a pas été ostracisé. C’est plutôt le contraire, en fait.
Pour ceux qui pensent que je suis à côté de la plaque, dans un monde multipolaire où le dollar est affaibli mais pas détruit, un Fed Put mondial n’est-il pas superflu ?
J’ai rassemblé une grande partie de tout cela dans un récent échange sur Twitter avec Michael Gayed, en retraçant une partie de l’histoire et en donnant un bref aperçu de la façon dont nous sommes arrivés à aujourd’hui et de la façon dont les États-Unis peuvent sortir de leurs problèmes actuels. Peut-être, je dis bien peut-être, que c’est le fait de réaliser qu’il existe un moyen de s’en sortir qui a déclenché l’intérêt de tant de personnes pour ces idées.
Tom Luongo
Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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