Ce lundi 10 octobre devant la cour d’assises spéciale de Paris, l’ancien procureur de la République de Paris François Molins est interrogé sur des prélèvements d’organes sur des victimes dont les familles n’ont jamais été informées.
L’ancien chef de l’État François Hollande et son ministre de l’Intérieur de l’époque Bernard Cazeneuve sont également appelés à témoigner lundi après-midi mais c’est l’audition de François Molins, prévue pour durer toute la matinée, qui concentre l’attention des parties civiles.
À l’époque de l’attentat qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés le 14 juillet 2016, François Molins, aujourd’hui procureur général près la Cour de cassation, soit l’un des plus hauts magistrats français – était procureur de la République de Paris, chargé des affaires de terrorisme au niveau national.
C’est lui qui a ordonné de faire une autopsie « quand la cause du décès n’était pas totalement évidente », pour « les patients pris en charge médicalement, même brièvement » avant leur décès et lorsqu’il y avait « suspicion d’atteinte » par arme à feu, a affirmé à la barre, au début du procès, l’ancien directeur de l’institut médico-légal (IML) de Nice, Gérald Quatrehomme.
Sur chaque corps autopsié, des organes ont été prélevés et placés sous scellés, au cas où des analyses complémentaires seraient nécessaires à l’enquête, a poursuivi le médecin. Cela n’a pas été le cas.
Témoignages déchirants des familles
Si la justice peut autoriser les prélèvements d’organes pour rechercher les causes de la mort, les familles de Nice n’ont jamais été informées de ces actes, ont rappelé à la barre de nombreuses parties civiles dans des témoignages déchirants.
« Je cherche à comprendre comment le système médico-judiciaire a pu en arriver à une telle absurdité : découper ma fille de 12 ans en morceaux pour déterminer qu’elle est décédée d’un ‘polytraumatisme compatible avec la percussion avec un engin à haute cinétique’. Tout ça pour ça. Mais on le savait déjà ! », avait ainsi déclaré à la barre Anne Gourvès.
En 2018, elle avait découvert « avec effroi un procès-verbal de mise sous scellés d’organes ». « Les organes vitaux de ma fille ont été prélevés et personne ne nous en a informés », s’était-elle indignée.
Elle avait dressé la liste effrayante des organes prélevés sur le corps de sa fille : encéphale et dure-mère, cœur, foie, poumons, reins, bloc cervical, glandes surrénales, rate…
Le corps de sa fille Amie n’avait pas été abîmé malgré le choc du camion. On lui avait promis qu’il n’y aurait pas d’autopsie puisque les causes de sa mort ne faisaient aucun doute.
Anne Gourvès a fait une demande de restitution des organes, assortie d’un test ADN – qui lui a été refusé. Un document médical (qui évoque une personne de sexe féminin âgée d’une vingtaine d’années) l’a fait même douter du fait qu’il s’agissait bien de ceux de sa fille.
La semaine dernière, Christophe Lyon qui a perdu six membres de sa famille lors de l’attentat a lui aussi raconté avoir appris avec « horreur », à l’occasion de la déposition de Gérald Quatrehomme, que les organes de son père autopsié reposaient encore à l’IML de Nice.
173 organes « sains » prélevés
Des autopsies ont été pratiquées sur quatorze victimes, dont quatre enfants. Au total, 173 organes ont été prélevés.
« La majorité des organes qui ont été prélevés sont des organes sains, (…) qui n’ont pas été touchés ni par des balles, ni par des lésions, ni par des hémorragies. Donc se pose la question réelle de quelle est la nécessité de ces prélèvements ? Moi, je n’en vois pas. Et d’ailleurs le professeur Quatrehomme n’a pas vraiment répondu à cette question lors de son audition », a estimé Virginie Le Roy, avocate d’une centaine de parties civiles et de l’association Promenade des Anges.
C’est pourquoi « j’ai fait citer le procureur Molins pour qu’on ait un complément d’information » et pour comprendre ce qui s’est passé, a-t-elle ajouté, soulignant que l’opacité sur ces prélèvements avait généré beaucoup de « fantasmes ».
Lors de son audition, Gérald Quatrehomme s’était retranché derrière le « protocole général habituel », sans convaincre les avocats des parties civiles.
« Pourquoi l’utérus et les ovaires ont été prélevés sur une enfant de six ans ? », l’avait ainsi interrogé Me Le Roy, sans obtenir de réponse.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.