09 octobre 2022

Guerre d’Ukraine – Le pont de Crimée a été remis en service après moins d’une journée d’interruption

Le trafic a repris sur le pont de Crimée - un nouveau commandant en chef pour les troupes russes sur le front d'Ukraine - chronique de la bataille d'Ukraine - Le plan de paix d'Elon Musk -un texte passionnant de "Big Serge" sur le contexte de la mobilisation russe - M.K. Bhadrakumar annonce la fin de l'Union Européenne - Michael Hudson explique que le "bancor" de Keynes sera réalisé par les BRICS.

Au soir du 8 octobre, la circulation automobile et ferroviaire reprend sur le pont de Kertch

Mise à jour au soir du 8 octobre sur le pont de Kertch par le canal Telegram Actualités Internationales et françaises

Le camion qui a explosé sur le pont de Crimée avait été inspecté par la police sans qu’elle ne détecte d’explosifs. Le camion n’était pas passé dans les détecteurs et les rayons X. Le camion transportait de l’engrais, ce qui est en lui-même un explosif, donc un moyen parfait pour cacher l’arme du crime.
L’enquête se poursuit : le chauffeur du camion avait reçu l’ordre de transporter des engrais à destination de la Crimée, ce qui signifie qu’il est très possible qu’il n’était pas informé qu’il faisait partie du vecteur de l’attaque.

[Exit le kamikaze bandériste : cela rend le danger de ce conflit un peu moins grave.]

Les autorités russes mettent en place une surveillance accrue des ponts de Kertch, du réseau électrique et du gazoduc alimentant la presqu’île.

Le premier train de fret transportant une cargaison lourde est passé sur la voie ferrée intacte entre 19h30 et 20h locale, en avance sur ce qui était prévu (20h-20h30).

Tous les touristes en Crimée se voient offrir une nuitée d’hôtel gratuite payée par la province criméenne.

Il semble évident que l’objectif principal des occidentalo-kiéviens a été manqué : l’explosion devait avoir lieu sur l’arche du pont, ce qui aurait pu provoquer des dégâts beaucoup plus longs à réparer.

Un nouveau commandant en chef pour les unités russes engagées dans la guerre d'Ukraine

Cette semaine, l’annonce de la promotion de Kadyrov au grade de “colonel général” (équivalent de général de corps d’armée), avait fait penser qu’il fallait prendre au sérieux l’idée d’un remaniement du commandement de la campagne d’Ukraine. Kadyrov avait, en effet vertement critiqué le commandement pour l’échec de Krasni Liman. Cela confirmait l’analyse que nous avions proposée d’un remaniement imminent

De fait, le général Sergei Sourovikine  passe du commandement du front sud à celui de toute l’opération militaire.  Il a été le commandant du groupe d’intervention de l’armée russe en Syrie. 

La bataille d’Ukraine 

Lu sur le blog d’Erwan Castel

(dont sont extraites les cartes ci-dessus)
 
Il y a sans conteste une ténacité des forces ukro-atlantistes à poursuivre “coûte que que coûte” leurs attaques avec un courage qu’il serait malhonnête de ne pas remarquer et des procédures tactiques occidentales efficaces fondées sur des appuis modernes d’artillerie  et de renseignement aérien, une combinaison entre des unités terrestres autonomes et mobiles pratiquant une techno guérilla ainsi qu’une numérisation de plus en plus importante du champ de bataille (assistance drone et satellite, IFF embarqué, situation en temps réel jusqu’au 1er échelon tactique des unités adverses).
 
La guerre opérative est revenue à une phase dynamique sur les fronts Nord et Sud avec notamment aussi, le retour sur le champ de bataille de la composante blindée qui anime autant les assauts ukro-atlantistes que les contre-attaques et freinages russes voulant prioritairement éviter l’encerclement de leurs forces et offrir à l’Etat- Major de Kiev des “victoires à la Pyrrhus“.

4 octobre 2022 – 

+ Région de Kharkov – selon le canal Telegram et site internet “AviaPro”:

On sait que les troupes ukrainiennes accumulent activement leurs forces dans cette direction, avec probablement l’intention de prendre le contrôle de l’ensemble du territoire de la région de Kharkov. Des forces et du matériel supplémentaires sont également activement transférés ici, cependant, après la frappe de ce soir sur l’infrastructure ferroviaire de Kharkov, qui n’a été utilisée que pour le transport de matériel militaire et de personnel militaire supplémentaire, les forces armées ukrainiennes ont subi de lourdes pertes“. 

On notera que les Russes se sont totalement repliés de l’oblast de Kharkov, pour consolider leur ligne de défense. 

+ offensive dans la région de Kherson ( Au cours de l’offensive, les forces armées ukrainiennes sont entrées sur le territoire de la colonie de Trifonovka, de Davidov Brod) mais: 

++ encerclements tactiques – 

++pertes importantes en hommes et matériels pour les Ukrainiens. 


Erwan Castel résume la situation: 

1 / Sur le front Nord
En face de ces mouvements offensifs ukro-atlantistes, les forces alliées (qu’il convient d’appeler “forces russes” depuis les rattachements des territoires) dont les moyens et les effectifs sont seulement en cours de réorganisation n’ont pas d’autre choix que de rompre le combat lorsque celui ci risque d’aboutir à leur encerclement. C’est ce qui s’est passé sur le front Nord après le 7 septembre, date de l’enfoncement du secteur de Balaklaïa où, pour ne pas augmenter les pertes déjà subies et importantes, l’Etat Major russe, à défaut de n’avoir pas su anticiper l’offensive ukro-atlantiste dans sa juste menace, a su anticiper enfin ses conséquences en ordonnant un repli vers la ligne formée par la rivière Oskol.
Cette mesure a permis d’éviter l’encerclement de nombreuses unités russes comme par exemple la 1ère Armée blindée de la Garde qui était stationnée autour d’Izioum. Malheureusement les sous effectifs russes et le manque de temps n’ont pas permis d’établir une ligne de front solide sur l’Oskol et les forces de Kiev ont pu ainsi poursuivre leurs progressions inertielles à travers 2 têtes de pont réalisées dans les secteurs de Koupiansk et Krasni Liman. Aujourd’hui, les combats se déroulent sur les frontières occidentales de la République Populaire de Lougansk récemment rattachée à la Fédération de Russie.
2 / Sur le front Sud
La situation sur le front Sud est encore plus séquencée du coté ukro-atlantiste : après avoir initiée une offensive fin août contre la tête de pont russe (100km X 40 km) située sur la rive Nord du Dniepr (laquelle avait été annoncée depuis fin juillet pour vraisemblablement faire diversion au profit de celle du front Nord), les forces ukro-atlantistes, après avoir pu compenser les pertes importantes subie lors de cette première phase ont engagé début octobre (en alternance avec les attaques sur le front Nord) une deuxième phase offensive en direction de Kherson.
Si la situation autour le ville de Kherson s’est stabilisée au profit des forces russes, en revanche au Nord-Est, les forces ukro-atlantistes ont réussi une percée le long du Dniepr jusqu’à Dudchanoye, menaçant alors les forces russes d’un encerclement Nord en rejoignant la tête de pont élargie d’Andrivka.  
Cette percée ukrainienne ici aussi a bénéficié du sous-effectif des forces russes, d’une steppe agricole très peu urbanisée et propice aux grandes attaques blindées, mais aussi à l’usure importante de la logistique russe par les HIMARS de l’OTAN qui détruisent systématiquement depuis plus de 2 mois, les dépôts de munitions, de carburant, les ponts… sur le Dniepr pour isoler au maximum la tête de pont russe.”


Nouvelles livraisons d’armes américaines

+ Malgré le fait qu’une semaine plus tôt, les États-Unis avaient annoncé qu’il n’était pas prévu de transférer des lanceurs Himars MLRS supplémentaires vers l’Ukraine dans un proche avenir, l’agence de presse Reuters a rapporté que la Maison Blanche annoncerait officiellement le transfert d’un lot supplémentaire de ces armes. à Kiev cet après-midi. Nous parlons de quatre lanceurs, de munitions pour eux et d’un grand lot de véhicules blindés International MaxxPro (vraisemblablement jusqu’à 50 unités). Le montant total de la nouvelle aide militaire à l’Ukraine sera de 625 millions de dollars.

Il se dit aussi que les Etats-Unis sont en train de fournir à l’Ukraine des armes de plus longue portée, capables de toucher la Crimée

+ On ne sait pas ce qui relève de la volonté de diffuser de la panique dans les médias occidentaux et du “cache-cache” habituel auquel se livrent les sous-marins nucléaires des principales puissances: 

Dans le contexte d’un avertissement lancé par les pays de l’OTAN à tous les navires de guerre et sous-marins en raison de l’entrée en eaux libres du sous-marin nucléaire russe “Belgorod”, on a appris que la panique organisée par les pays de l’Alliance de l’Atlantique Nord avait été causée par le fait que dans les eaux arctiques, le sous-marin russe serait complètement hors du contrôle des forces de renseignement. Selon la publication italienne “la Repubblica”, l’armement possible d’un sous-marin russe avec un véhicule sous-marin sans pilote équipé d’une charge nucléaire d’un rendement estimé à environ 2 Mt, capable de détruire non seulement n’importe quelle ville côtière ou base navale, mais aussi tout un pays, représente un plus grand danger.

5 octobre 2022: 

+Les forces armées ukrainiennes progressent dans les directions Nikolaevsky, Andreevsky et Dudchansky, en utilisant de grandes unités d’infanterie et de véhicules blindés dans chaque secteur. À l’avant-garde des groupements qui avancent se trouvent jusqu’à 50 véhicules blindés dans chaque direction. En ce moment, les troupes russes mènent de lourdes batailles défensives dans la région de Kherson. Les forces aérospatiales et l’artillerie russes fournissent tout le soutien possible aux unités qui retiennent l’assaut de l’ennemi., – 

L’offensive réelle dans trois directions a permis à Kiev de retirer ses troupes du piège dans la zone du village de Doudchany, et pour le moment, on craint sérieusement que les troupes ukrainiennes ne commencent à avancer dans la direction sud-ouest. En particulier, nous parlons de Mylovo, Sukhanovo et Borozensky.

+ “Le 5 octobre, les forces armées de la Fédération de Russie ont attaqué la ville de Belaya Tserkov avec des drones (UAV) Geran-2 (un analogue du Shahid-136 iranien), a rapporté l’administration militaire régionale de Kiev. Il y a eu six coups et explosions au total, a déclaré le gouverneur Alexei Kuleba. 15 unités de matériel de secours et 57 personnes travaillent sur le site. Les objectifs de l’attaque sont l’emplacement de la 72e brigade mécanisée des Forces armées ukrainiennes (“Cosaques noirs”) et l’aérodrome. Les experts militaires s’accordent à dire que toutes les forces de défense aérienne des Forces armées ukrainiennes qui défendaient Kyiv ont été transférées dans les régions de Kharkov et de Nikolaev, de sorte que les drones kamikazes ont volé de 150 à 400 km sans encombre.,

L’attaque s’est avérée massive et, selon toute vraisemblance, extrêmement inattendue. Dans le même temps, on ne sait toujours pas dans quelle direction elle a été menée, car, selon un certain nombre d’experts, des drones pourraient être lancés depuis le territoire de la Biélorussie voisine.

6 octobre 2022 

+ Des colonnes d’équipements militaires britanniques et roumains auraient passé cette nuit la frontière de la Roumanie vers la Moldavie. 

+ Au moins sept frappes de missiles ont eu lieu dans la nuit sur des regroupements de soldats ukrainiens à Zaporojie. 

+ Dans la nuit, des drones kamikazes ont infligé une frappe massive au quartier général du commandement opérationnel “Sud”, situé sur le territoire d’Odessa. L’attaque a été menée dans l’obscurité. Au même moment, apparemment, six drones de choc y ont participé, dont au moins un a été abattu par un canon anti-aérien peu avant la frappe, cependant, à la suite d’un coup violent, le soi-disant. le centre de décision a été détruit avec succès. 

+ “Des sons puissants ne se font pas entendre au centre même de la capitale, mais dans ses environs. Toutes les chaînes ukrainiennes Telegram, ainsi que les agences de presse, exhortent les citoyens à se calmer et à ne pas semer la panique. Les correspondants de guerre russes, à leur tour, ont donné leur version des événements. Ils pensent que de puissantes explosions pourraient être le résultat de frappes de drones iraniens Shahid-136. Des bruits forts ont été entendus près des stations de métro Obolon, Akademgorodok, Nivki et dans d’autres régions de la ville., –

+ Selon le ministère russe de la Défense: les troupes ukrainiennes, qui tentaient de percer la ligne de front vers l’est, ont été repoussées. Une situation similaire est observée dans les trois directions d’attaque dans la région de Kherson. Cela indique qu’il est trop tôt pour parler du succès de la concentration des efforts des Forces armées ukrainiennes pour les attaques.

+ Les unités du 208e régiment cosaque ont réussi à libérer la colonie de Dibrovo, située à l’ouest de la région de Lougansk. Selon le correspondant de guerre russe Yevgeny Lisitsyn, la colonie de Dibrovo est actuellement sous le contrôle total de l’unité russe, tandis que l’offensive sur Liman se développe.
D’autre part, selon des informations fournies par le Ministère de la défense russe, dans la direction de Koupiansk, des unités ukrainiennes, comptant jusqu’à trois groupes tactiques de bataillons (environ 2 120 personnes ), ont tenté en vain de développer une offensive en direction du colonies de Pershotravneve, Kislovka et Berestovoye.

Dans la direction Andreevo-Krivoï Rog, des tentatives ont été faites pour avancer en direction des colonies de Sukhanovo, Sadok et Bruskinskoye, cependant, les attaques des forces armées ukrainiennes ont échoué.

Dans la direction d’Artiomovsk, l‘armée russe a réussi à mener une offensive réussie et à prendre le contrôle de la colonie de Zaitsevo.

Utiles rappels à ce propos d’Erwan Castel: 

Depuis 2 mois les forces républicaines avec les unités d’assaut du groupe Wagner mènent des assauts têtus et couteux contre les fortifications ukrainiennes réalisées dans les villes industrielles de Soledar et Artemovsk, entre Gorlovka et Lisichansk. La mort au combat du commandant de secteur du “groupe “Wagner” Oleksii Nahin, indicatif “Terek”, lors d’une attaque menée le 20 septembre témoigne de la violence des combats autant que du courage des forces russes montant inlassablement à l’assaut des bunkers ukrainiens. 

Début septembre, les forces de Kiev ont également engagé dans ce secteur clef d’Artemovsk-Soledar défendant Slaviansk et Kramatorsk (20 km au Nord-Ouest) des offensives contre les forces russes et qui ont été repoussées en leur faisant subir de lourdes pertes.

Les assauts russes, emmenés par les unités Wagner spécialisées dans le combat en zone urbaine ont réussi enfin à casser les lignes de défenses fortifiées ukrainiennes, grâce à l’appui décisif des unités d’artillerie de la République Populaire de Lougansk qui en augmentant leur mobilité et leur dispersion ont su rendre inefficace le travail des HIMARS étatsuniens déployés en défense de Slaviansk et Kramatorsk.

Dépités par l’échec sanglant de leurs attaques vers l’Est, les forces ukrainiennes complétement désorganisées et dépourvues de renforts suffisants (ce derniers ayant été dédiés à l’offensive Nord) ont commencé à se retirer de certains quartiers d’Artemovsk / Soledar où cependant les combats continuent.

Les progressions se poursuivent de combat de rue en combat de maison, dans Soledar et Artemovsk, mais aussi à l’entour comme à Dibrovo, un gros village libéré par les cosaques du 208e régiment de cosaques. 
 
Ce secteur est à surveillé particulièrement car si la percée russe est consolidée et poursuivie vers Slaviansk ou, plus au Sud Konstantinovka, elle pourrait fragiliser et même remettre en question tous les efforts ukrainiens au Nord de la rivière Donets, car elle menacerait, cette fois par le Sud le bastion de Slaviansk / Kramatorsk où, je le rappelle est positionné le coeur du corps de bataille ukro-atlantiste dans le Donbass sans que puisse encore apparaître le sort final de cette nouvelle bataille

+ Des troupes kiéviennes, accompagnées de nombreux mercenaires étrangers et sous commandement britannique camouflé sont massées dans la région de Zaporojie

+ Des troupes de reconnaissance de l’armée kiévienne essaient de s’infiltrer derrière les lignes russes en naviguant, à peine camouflés, le long des rives du Dniepr


7 octobre 2022: 

+ L’armée ukrainienne a traversé la frontière occidentale de la République populaire de Louhansk, qui fait officiellement partie de la Fédération de Russie, et a partiellement occupé le village de Makeevka. 
En revanche, l’armée russe a mis en place des troupes pour protéger Lisitchansk

Des informations proviennent de la zone de l’opération militaire spéciale dans la région d’Artiomovsk selon lesquelles les troupes russes ont atteint la périphérie sud de la ville. La veille, les villages d’Otradovka et Veselaya Dolina ont été libérés des troupes du régime ukrainien. Ainsi, la route a été coupée le long de laquelle les militants de Kyiv ont effectué des liaisons de transport entre Artyomovsk (Bakhmut) et Novgorodsky (New York). Ce corridor de transport pour les Forces armées ukrainiennes était extrêmement important pour le regroupement et la livraison d’armes” – 

+ “ L’Ukraine a reçu 12 lanceurs Himars MLRS ce qui porte le total livré depuis le départ à 30.

Quatre lanceurs mobiles Himars promis mardi dernier sont arrivés sur le territoire ukrainien, portant ainsi le nombre de lanceurs en service dans les forces armées ukrainiennes à 30 unités. En tenant compte des 9 lanceurs M270 MLRS MLRS et des 5 lanceurs allemands MARS II précédemment livrés à l’Ukraine, le nombre total de MLRS avec missiles guidés fournis aux Forces armées ukrainiennes a atteint 44 unités.

Les deux premiers lanceurs mobiles M142 Himars précédemment promis par les États-Unis sont arrivés en Ukraine mercredi dernier, entrant en Ukraine via la Roumanie voisine, tandis que l’Ukraine a reçu deux autres lanceurs ce soir.

L’augmentation du nombre de ces armes dans les Forces armées ukrainiennes indique que les troupes ukrainiennes ont l’intention d’intensifier le bombardement du territoire des régions de Kherson, Zaporozhye, Lougansk et Donetsk (…). 

On sait que de telles armes sont fournies aux forces armées ukrainiennes non seulement par les États-Unis, mais également par d’autres partenaires américains. En particulier, les soupçons concernant la fourniture de Himars MLRS à l’Ukraine sont tombés sur les Émirats arabes unis, qui possèdent aujourd’hui le plus grand nombre de ces systèmes parmi les partenaires américains”.

+ L’OTAN se cache de moins en moins. Des membres de forces spéciales de Grande-Bretagne et des États-Unis d’Amérique ont tenté de faire une percée dans le domaine de la colonie de Pologi dans la région de Zaporojie. Le nombre estimé de mercenaires étrangers présents ici était d’environ trois douzaines de personnes, cependant, s’approchant d’une distance assez proche, un coup puissant a été porté à ces derniers en utilisant les systèmes de lance-flammes lourds russes TOS-1A Solntsepyok.

Par ailleurs, les Russes ont détruit un bus transportant 20 mercenaires polonais vers le front

+ Des tirs de Himars ont tués 5 civils à Kherson. 

8 octobre 2022: 

+ Le pont de Kertch a été endommagé – la circulation sur le pont ferroviaire et routier a été interrompue pendant une partie de la journée. Les dommages semblent cependant moins important que ce qu’on pouvait penser en début de journ er (voir ci-dessus). 

Les termes d’une négociation avec la Russie selon Elon Musk

+ Sur le territoire ukrainien, l’accès à Internet par satellite Starlink a presque complètement disparu. Cela a entraîné des pertes extrêmement graves pour l’armée ukrainienne, ce qui, entre autres, est confirmé par les médias américains et le Financial Times. Selon ses responsables et soldats [ukrainiens], l’armée ukrainienne signale des dysfonctionnements de ses appareils de communication Starlink sur les lignes de front, entravant les efforts offensifs. Certaines des pannes ont entraîné une perte “catastrophique” des communications ces dernières semaines, a déclaré un haut responsable du gouvernement ukrainien ayant une connaissance directe du problème. En conséquence, les forces russes auraient fait des progrès significatifs dans l’offensive, a déclaré le responsable sous couvert d’anonymat., rapporte le Financial Times.

Une autre explication est possible: l’armée ukrain ienne tenterait de dissimuler son échec relatif à poursuivre les offensives du mois de septembre derrière un dysfonctionnement de Starlink, et ceci essentiellement parce que Musk réclame une négociation avec la Russie. 

Des photos ont circulé d’utilisation d’armes laser, sans qu’on puisse en prouver la réalité. Mais on remarque qu’Elon Musk a suggéré au gouvernement américain de mettre en place une négociation avec la Russie, comme s’il avait pris la mesure de la puissance russe. Les propositions de paix d’Elon Musk ont suscité une grande colère des Kiéviens sur Twitter: on trouvera ici un résumé bien fait de la controverse. Voici tout d’abord le tweet de Musk avec son plan de paix: 

Evidemment, la répétition des référendums est inacceptable pour les Russes. Mais Musk prend au sérieux la volonté russe d’une Ukraine neutre militairement. L’entrepreneur dont le nom sera associé à la “Troisième Révolution industrielle” (depuis 1970) comme celui d’Henry Ford est associé à la “Deuxième” (1870-1970) a sans aucun doute une “tête politique”, à la différence d’un Gates ou d’un Zuckerberg. Après avoir aidé les Ukrainiens par ses satellites et sans aucun doute accumulé beaucoup d’informations sur le conflit, il pose la question d’une prolongation de la guerre quand le résultat est, selon lui, connu d’avance: 

Vu ce que pèse Musk financièrement (sa fortune est évaluée à plus de 200 milliards de dollars), son avis va influencer les débats occidentaux des prochaines semaines. 

Une passionnante analyse de Big Serge sur la guerre et la mobilisation russe

Si vous ne l’avez pas encore repéré, prenez le temps de lire l’article consacré par “Big Serge”, l’un des analystes les plus fins de la guerre en cours (qui camoufle son identité derrière le profil du grand ministre Sergueï Witte, artisan de l’industrialisation de la Russie avant 1914), au contexte historique et politique de l’actuelle mobilisation russe. 

Extraits (les intertitres sont du Courrier des Stratèges): 

“On se trompe sur Poutine

Il arrive souvent que les hommes les plus importants du monde soient mal compris en leur temps – le pouvoir entoure et déforme le grand homme. C’était certainement le cas de Staline et de Mao, et c’est également vrai pour Vladimir Poutine et Xi Jinping. Poutine, en particulier, est considéré en Occident comme un démagogue hitlérien qui règne par la terreur extrajudiciaire et le militarisme. On pourrait difficilement être plus éloigné de la vérité.

Presque tous les aspects de la caricature occidentale de Poutine sont profondément erronés, même si le récent profil de Sean McMeekin s’en rapproche beaucoup plus que les autres. Pour commencer, Poutine n’est pas un démagogue – il n’est pas un homme naturellement charismatique, et bien qu’il ait, au fil du temps, considérablement amélioré ses compétences en tant que politicien de détail, et qu’il soit capable de prononcer des discours percutants lorsque cela est nécessaire, il n’est pas quelqu’un qui aime le podium. À la différence de Donald Trump, de Barack Obama ou même – que Dieu nous en préserve – d’Adolf Hitler, Poutine n’est tout simplement pas du genre à plaire aux foules. En Russie même, son image est celle d’un fonctionnaire politique de carrière assez ennuyeux mais pondéré, plutôt que celle d’un populiste charismatique. Sa popularité durable en Russie est bien plus liée à la stabilisation de l’économie et du système de retraite russes qu’aux photos de lui chevauchant un cheval torse nu.

En outre, Poutine – contrairement à l’opinion selon laquelle il exerce une autorité extralégale illimitée – est plutôt à cheval sur le respect de la procédure. La structure gouvernementale de la Russie autorise expressément une présidence très forte (c’était une nécessité absolue à la suite de l’effondrement total de l’État au début des années 1990), mais dans le cadre de ces paramètres, Poutine n’est pas considéré comme une personnalité particulièrement excitante, encline à prendre des décisions radicales ou explosives. Les critiques occidentaux peuvent prétendre qu’il n’y a pas d’État de droit en Russie, mais pour le moins, Poutine gouverne par la loi, les mécanismes et procédures bureaucratiques formant la superstructure dans laquelle il agit.

Le contexte de la poussée ukrainienne

Cela est apparu clairement ces derniers jours. Avec l’avancée de l’Ukraine sur de multiples fronts, un nouveau cycle de malheur et de triomphe s’est enclenché : des personnalités pro-ukrainiennes exultent de l’effondrement apparent de l’armée russe, tandis que de nombreux membres du camp russe déplorent une direction dont ils concluent qu’elle est criminellement incompétente. Alors que tout cela est en cours sur le plan militaire, Poutine a calmement fait passer le processus d’annexion par ses mécanismes juridiques : il a d’abord organisé des référendums, puis signé des traités d’entrée dans la Fédération de Russie avec les quatre anciens oblasts ukrainiens, qui ont ensuite été envoyés à la Douma pour ratification, puis au Conseil de la Fédération, avant d’être signés et vérifiés par Poutine. Alors que l’Ukraine jette ses accumulations estivales dans la bataille, Poutine semble s’embourber dans la paperasse et la procédure. Les traités ont même été examinés par la cour constitutionnelle russe, et des délais ont été fixés pour mettre fin à la hryvnia ukrainienne comme monnaie légale et la remplacer par le rouble.

C’est un spectacle étrange. Poutine se fraie un chemin à travers les ennuyeuses formalités juridiques de l’annexion, apparemment sourd au chœur qui lui crie que sa guerre est au bord de l’échec total. Le calme implacable qui émane – du moins publiquement – du Kremlin semble en contradiction avec les événements sur le front.

Alors, que se passe-t-il vraiment ici ? Poutine est-il vraiment si détaché des événements sur le terrain qu’il ne se rend pas compte que son armée est en train d’être vaincue ? Prévoit-il d’utiliser des armes nucléaires dans un accès de rage ? Ou pourrait-il s’agir, comme le dit Clausewitz, de la simple poursuite de la politique par d’autres moyens ?

Bien interpréter les opérations militaires

Parmi toutes les affirmations fantasmagoriques qui ont été faites au sujet de la guerre russo-ukrainienne, peu sont aussi difficiles à croire que celle selon laquelle la Russie avait l’intention de conquérir l’Ukraine avec moins de 200.000 hommes. En effet, une vérité centrale de la guerre que les observateurs doivent tout simplement accepter est le fait que l’armée russe a été largement dépassée en nombre dès le premier jour, bien que la Russie ait un énorme avantage démographique sur l’Ukraine elle-même. Sur le papier, la Russie a engagé une force expéditionnaire de moins de 200.000 hommes, même si, bien sûr, cette quantité totale n’a pas été sur la ligne de front dans des combats actifs ces derniers temps.

Le déploiement d’une force légère est lié au modèle de service plutôt unique de la Russie, qui a combiné des “soldats sous contrat” – le noyau professionnel de l’armée – avec un pool de réservistes qui est généré par une vague de conscription annuelle. La Russie dispose donc d’un modèle militaire à deux niveaux, avec une force professionnelle prête à l’emploi de classe mondiale et un large réservoir de cadres de réserve dans lequel il est possible de puiser, complété par des forces auxiliaires comme les BARS (volontaires), les Tchétchènes et la milice de la LNR-DNR.

Ce modèle de service mixte à deux niveaux reflète, à certains égards, la schizophrénie géostratégique qui a frappé la Russie post-soviétique. La Russie est un pays énorme avec des engagements de sécurité potentiellement colossaux à l’échelle du continent, qui a hérité d’un héritage soviétique de masse. Aucun pays n’a jamais démontré une capacité de mobilisation en temps de guerre d’une ampleur comparable à celle de l’URSS. La transition d’un système de mobilisation soviétique vers une force prête à l’emploi, plus petite, plus légère et professionnelle, a fait partie intégrante du régime d’austérité {budgétaire] de la Russie pendant la majeure partie des années Poutine.

Il est important de comprendre que la mobilisation militaire, en tant que telle, est également une forme de mobilisation politique. La force contractuelle prête à l’emploi a nécessité un niveau assez faible de consensus politique et d’adhésion de la majeure partie de la population russe. Cette force contractuelle russe peut encore accomplir beaucoup, militairement parlant – elle peut détruire des installations militaires ukrainiennes, faire des ravages avec l’artillerie, s’introduire dans les agglomérations urbaines du Donbass et détruire une grande partie du potentiel de guerre indigène de l’Ukraine. Elle ne peut cependant pas mener une guerre continentale de plusieurs années contre un ennemi qui est au moins quatre fois plus nombreux qu’elle et qui dispose de renseignements, de moyens de commandement et de contrôle et de matériel qui sont hors de sa portée immédiate – surtout si les règles d’engagement l’empêchent de frapper les artères vitales de l’ennemi.

L’armée doit sortir des années d’austérité budgétaire

Il faut déployer davantage de forces. La Russie doit transcender l’armée d’austérité (…). Elle a la capacité matérielle de mobiliser les forces nécessaires – elle dispose de plusieurs millions de réservistes, d’énormes stocks d’équipements et d’une capacité de production indigène soutenue par les ressources naturelles et le potentiel de production du bloc eurasien qui a serré les rangs autour d’elle. Mais n’oubliez pas que la mobilisation militaire est aussi une mobilisation politique.

L’Union soviétique a pu mobiliser des dizaines de millions de jeunes hommes pour émousser, submerger et finalement anéantir l’armée de terre allemande parce qu’elle disposait de deux puissants instruments politiques. Le premier était le pouvoir impressionnant et étendu du parti communiste, avec ses organes omniprésents. Le second était la vérité – les envahisseurs allemands étaient venus avec des intentions génocidaires (Hitler a envisagé à un moment donné de transformer la Sibérie en une réserve slave pour les survivants, qui pourrait être bombardée périodiquement pour leur rappeler qui était le chef).

Comment mobiliser quand on n’a pas l’équivalent du parti communiste à disposition? 

Poutine n’a pas d’organe coercitif aussi puissant que le Parti communiste, qui disposait à la fois d’une puissance matérielle étonnante et d’une idéologie convaincante qui promettait d’ouvrir une voie accélérée vers une modernité non capitaliste. En effet, aucun pays ne dispose aujourd’hui d’un appareil politique comparable à cette splendide machine communiste, sauf peut-être la Chine et la Corée du Nord. Ainsi, en l’absence d’un levier direct pour créer une mobilisation politique – et donc militaire – la Russie doit trouver une voie alternative pour créer un consensus politique pour mener une forme supérieure de guerre.

C’est désormais chose faite, grâce à la russophobie occidentale et au penchant de l’Ukraine pour la violence. Une transformation subtile mais profonde du corps socio-politique russe est en cours. (C’est nous qui soulignons)

Poutine et son entourage étaient en avance sur la société

Dès le début, Poutine et son entourage ont conçu la guerre russo-ukrainienne en termes existentiels. Il est peu probable, cependant, que la plupart des Russes aient compris cela. Au lieu de cela, ils ont probablement considéré la guerre de la même manière que les Américains ont considéré les guerres en Irak et en Afghanistan – comme des entreprises militaires justifiées qui n’étaient néanmoins qu’une tâche technocratique pour les militaires professionnels ; à peine une question de vie ou de mort pour la nation. Je doute fort qu’un Américain ait jamais cru que le sort de la nation dépendait de la guerre en Afghanistan (les Américains n’ont pas mené de guerre existentielle depuis 1865), et à en juger par la crise de recrutement qui frappe l’armée américaine, il ne semble pas que quiconque perçoive une véritable menace existentielle étrangère.

Ce qui s’est passé dans les mois qui ont suivi le 24 février est plutôt remarquable. La guerre existentielle pour la nation russe s’est incarnée et est devenue réelle pour les citoyens russes. Les sanctions et la propagande anti-russe – diabolisant la nation entière comme des “orcs” – ont rallié même les Russes initialement sceptiques à la guerre, et la cote de popularité de Poutine est montée en flèche. Une hypothèse fondamentale de l’Occident, selon laquelle les Russes se retourneraient contre le gouvernement, s’est inversée. Des vidéos montrant la torture de prisonniers de guerre russes par des Ukrainiens écumants, des soldats ukrainiens appelant des mères russes pour leur annoncer d’un air moqueur que leurs fils sont morts, des enfants russes tués par des bombardements à Donetsk, ont servi à valider l’affirmation implicite de Poutine selon laquelle l’Ukraine est un État possédé par un démon qui doit être exorcisé à l’aide d’explosifs puissants. Au milieu de tout cela – ce qui est utile, du point de vue d’Alexandre Douguine et de ses néophytes – les “Blue Checks” pseudo-intellectuels américains ont publiquement bavé sur la perspective de “décoloniser et démilitariser” la Russie, ce qui implique clairement le démembrement de l’État russe et la partition de son territoire. Le gouvernement ukrainien (dans des tweets maintenant effacés) a publiquement affirmé que les Russes sont enclins à la barbarie parce qu’ils sont une race bâtarde avec un mélange de sang asiatique. (C’est nous qui soulignons)

Utilité du formalisme juridique de Poutine

Simultanément, Poutine a avancé vers – et finalement réalisé – son projet d’annexion formelle de l’ancienne bordure orientale de l’Ukraine. Cela a également transformé juridiquement la guerre en une lutte existentielle. Les nouvelles avancées ukrainiennes à l’est constituent désormais, aux yeux de l’État russe, une attaque contre le territoire russe souverain et une tentative de détruire l’intégrité de l’État russe. Des sondages récents montrent qu’une supermajorité de Russes est favorable à la défense de ces nouveaux territoires à n’importe quel prix.

Tous les domaines sont désormais alignés. Dès le début, Poutine et sa compagnie ont conçu cette guerre comme une lutte existentielle pour la Russie, afin d’éjecter un État fantoche anti-russe de son seuil et de vaincre une incursion hostile dans l’espace civilisationnel russe. L’opinion publique est de plus en plus d’accord avec cette idée (les enquêtes montrent que la méfiance des Russes à l’égard de l’OTAN et des “valeurs occidentales” est montée en flèche), et le cadre juridique mis en place après l’annexion le reconnaît également. Les domaines idéologique, politique et juridique sont désormais unis dans l’idée que la Russie se bat pour son existence même en Ukraine. L’unification des dimensions techniques, idéologiques, politiques et juridiques a été décrite, il y a quelques instants, par le chef du parti communiste russe, Gennady Ziouganov :

Ainsi, le président a signé des décrets sur l’admission de la RPD, de la RPL, des régions de Zaporojie et de Kherson en Russie. Les ponts sont brûlés. Ce qui était clair du point de vue moral et étatique est maintenant devenu un fait juridique : sur notre terre il y a un ennemi, il tue et mutile les citoyens de la Russie. Le pays exige l’action la plus décisive pour protéger ses compatriotes. Le temps n’attend pas“.

Le président russe a laissé mûrir le moment de la mobilisation

Un consensus politique pour une plus grande mobilisation et une plus grande intensité a été atteint. Il ne reste plus qu’à mettre en œuvre ce consensus dans le monde matériel du poing et de la botte, de la balle et de l’obus, du sang et du fer. (…)

Poutine, très simplement, n’aurait pas pu mener une mobilisation à grande échelle au début de la guerre. Il ne disposait ni d’un mécanisme coercitif ni d’une menace manifeste pour susciter un soutien politique massif. Peu de Russes auraient cru qu’il existait une menace existentielle tapie dans l’ombre – il fallait leur montrer, et l’Occident n’a pas déçu. De même, peu de Russes auraient probablement soutenu l’anéantissement des infrastructures ukrainiennes et des services publics urbains dans les premiers jours de la guerre. Mais aujourd’hui, la seule critique vocale de Poutine en Russie est en faveur d’une nouvelle escalade. Le problème avec Poutine, du point de vue russe, est qu’il n’est pas allé assez loin. En d’autres termes, la politique de masse a déjà devancé le gouvernement, rendant la mobilisation et l’escalade politiquement insignifiantes. Avant tout, nous devons nous rappeler que la maxime de Clausewitz reste vraie. La situation militaire n’est qu’un sous-ensemble de la situation politique, et la mobilisation militaire est aussi une mobilisation politique – une manifestation de la participation politique de la société à l’État.

La suite des événements

La phase offensive de l’Ukraine se poursuit sur plusieurs fronts. Ils poussent dans le nord de Lougansk, et après des semaines à se cogner la tête contre un mur à Kherson, ils ont enfin fait des progrès territoriaux. Pourtant, aujourd’hui même, Poutine a déclaré qu’il était nécessaire de procéder à des examens médicaux des enfants dans les oblasts nouvellement admis et de reconstruire les cours de récréation des écoles. Que se passe-t-il ? Est-il totalement détaché des événements sur le front ?

Il n’y a vraiment que deux façons d’interpréter ce qui se passe. La première est celle de l’Occident : l’armée russe est vaincue, épuisée et chassée du champ de bataille. Poutine est dérangé, ses commandants sont incompétents et la seule carte que la Russie peut encore jouer est de jeter des conscrits ivres et sans formation dans le hachoir à viande.

L’autre interprétation est celle que j’ai défendue, à savoir que la Russie se prépare à une escalade et à une offensive hivernale et qu’elle est actuellement engagée dans un troc calculé dans lequel elle cède de l’espace en échange de temps et de pertes ukrainiennes. La Russie continue de battre en retraite lorsque ses positions sont compromises sur le plan opérationnel ou lorsqu’elle est confrontée à un nombre écrasant d’Ukrainiens, mais elle prend soin d’extraire ses forces hors de tout danger opérationnel. À Lyman, où l’Ukraine menaçait d’encercler la garnison, la Russie a engagé des réserves mobiles pour débloquer le village et assurer le retrait de la garnison. L'”encerclement” de l’Ukraine s’est évaporé, et le ministère ukrainien de l’intérieur a été bizarrement contraint de tweeter (puis de supprimer) une vidéo de véhicules civils détruits comme “preuve” que les forces russes avaient été anéanties.

La Russie va probablement continuer à se retirer au cours des prochaines semaines, en retirant des unités intactes sous son parapluie d’artillerie et d’aviation, en réduisant les stocks d’équipement lourd des Ukrainiens et en usant leur main-d’œuvre. Pendant ce temps, de nouveaux équipements continuent de s’accumuler à Belgorod, Zaporojie et en Crimée. Mes prévisions restent les mêmes : un retrait épisodique des Russes jusqu’à ce que le front se stabilise à peu près fin octobre, suivi d’une pause opérationnelle jusqu’à ce que le sol gèle, puis d’une escalade et d’une offensive hivernale de la Russie lorsqu’elle aura fini d’amasser suffisamment d’unités.

Un calme inquiétant se dégage du Kremlin

Un calme inquiétant se dégage du Kremlin. La mobilisation est en cours – 200 000 hommes suivent actuellement un entraînement de remise à niveau dans les champs de tir de Russie. Des trains d’équipements militaires continuent d’affluer sur le pont de Kerch, mais l’offensive ukrainienne se poursuit sans qu’aucun renfort russe ne soit visible sur le front. Le décalage entre le stoïcisme du Kremlin et la détérioration du front est frappant. Peut-être que Poutine et l’ensemble de l’état-major russe sont vraiment d’une incompétence criminelle – peut-être que les réserves russes ne sont rien d’autre qu’une bande d’ivrognes. Peut-être n’y a-t-il pas de plan.

Ou peut-être les fils de la Russie répondront-ils à nouveau à l’appel de la mère patrie, comme ils l’ont fait en 1709, en 1812 et en 1941.

Alors que les loups rôdent à nouveau à la porte, le vieil ours se relève pour se battre”.

M.K. Bhadrakumar prédit la fin de l'Union Européenne

Une contribution du diplomate indien parue dans The Cradle

La politique vectorielle en Ukraine a ajouté de nouvelles dimensions au conflit vieux de 222 jours.

En principe, tout comportement conflictuel devrait prendre fin lorsqu’un nouvel équilibre des pouvoirs a été déterminé. Mais l'”équilibre des pouvoirs” ne prendra fin que lorsqu’un équilibre sera effectivement atteint – et les preuves abondent que l’Ukraine est sur le point d’entamer un nouveau “rééquilibrage”.

La ratification par la Douma russe de l’annexion de quatre régions d’Ukraine (les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, ainsi que les régions de Kherson et de Zaporozhye), et l’adoption des lois correspondantes, créent une nouvelle dynamique et il faudra un certain temps pour créer un nouvel équilibre des forces sur le terrain en Ukraine.

Pendant ce temps, l’environnement extérieur se transforme également de manière phénoménale. L’aggravation de la crise énergétique en Europe à la suite du sabotage des gazoducs Nord Stream devient une grave contradiction. On ne sait pas comment la réconcilier.

Ainsi, une situation complexe se présente, car tout cela se produit également sur fond de renforcement militaire massif de la Russie autour de l’Ukraine dans la région de Kharkov et dans le sud de la région de la mer Noire, avec de longs convois de blindés qui se dirigeraient vers la Crimée depuis la Russie.

Les nouvelles frontières de la Russie

La ratification unanime par la Douma de l’adhésion de quatre régions à la Russie lundi était attendue, la législation correspondante a été dûment ratifiée mardi par le Conseil de la Fédération (la chambre haute du Parlement), et il est possible que le président Poutine signe lui aussi les documents aujourd’hui, après quoi ils entreront en vigueur. En d’autres termes, à compter du 5 octobre, les régions ukrainiennes annexées feront partie de la Russie.

Fait important, la Douma a approuvé les propositions du gouvernement concernant l’établissement des frontières des nouvelles régions, sur la base de la délimitation des territoires qui “existaient le jour de leur création et de leur adhésion à la Russie”.

Les traités pertinents stipulent que les frontières adjacentes au territoire d’un pays étranger constitueront la nouvelle frontière d’État de la Russie. En clair, les anciennes frontières de l’ère soviétique sont rétablies dans ces régions.

La détermination des frontières de l’État russe a des répercussions sur la sécurité. Dans les régions du Donbass et de Zaporozhye, de vastes zones restent encore sous le contrôle des forces ukrainiennes. La ville de Liman, dans la République de Donetsk, a été capturée par les forces ukrainiennes il y a seulement trois jours. Les incursions ukrainiennes à Kherson se poursuivent. De violents combats sont signalés.

De toute évidence, Moscou a encore beaucoup à faire pour contrôler les territoires “occupés” qui faisaient auparavant partie de Donetsk et de Lougansk. La région de Zaporozhye (qui est aussi une importante région littorale de la mer d’Azov et fait partie de ce que les Russes appellent historiquement la “Novorossiya”) est une autre priorité où la capitale de l’oblast n’est pas encore sous contrôle russe.

“Niet” de l’OTAN

Dans cette situation émergente, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a officiellement demandé l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN de manière accélérée, mais quelques heures plus tard, l’alliance a jeté un froid sur cette demande, expliquant que toute décision nécessitera le soutien des 30 États membres.

Cela signifie qu’il n’y aura pas d’intervention de l’OTAN en Ukraine. Moscou en prendra note. Les récentes “réflexions fortes” sur l’utilisation des armes nucléaires semblent avoir atteint leur but.

La rencontre du conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, avec le chef du bureau présidentiel ukrainien, Andriy Yermak, dimanche à Istanbul, s’est déroulée dans la discrétion. La Maison Blanche a déclaré que M. Sullivan a promis le soutien indéfectible de Washington à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et a discuté avec M. Yermak de la situation à la centrale nucléaire de Zaporozhye et de la poursuite des travaux de l’Ukraine avec les Nations unies pour exporter des denrées alimentaires dans le monde.

Le compte-rendu de la Maison Blanche sur l’appel du président Joe Biden avec M. Zelensky lundi a mentionné un nouveau paquet d’aide à la sécurité de 625 millions de dollars par Washington qui comprend des armes et des équipements supplémentaires, notamment des HIMARS, des systèmes d’artillerie et des munitions, ainsi que des véhicules blindés. Biden a “promis de continuer à soutenir l’Ukraine alors qu’elle se défend contre l’agression russe, aussi longtemps qu’il le faudra”.

Plus tard, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré que la récente livraison d’aide porterait le coût global de l’aide militaire américaine à l’Ukraine à plus de 17,5 milliards de dollars. “Les récents développements… ne font que renforcer notre détermination”, a déclaré Blinken dans un communiqué mardi. “Nous continuerons à nous tenir aux côtés du peuple ukrainien”.

“Les capacités que nous livrons sont soigneusement calibrées pour faire la plus grande différence sur le champ de bataille et renforcer la main de l’Ukraine à la table des négociations lorsque le moment sera venu”, a-t-il ajouté.

Refonte de la stratégie russe

D’autre part, le commandement militaire russe devra probablement redéfinir les paramètres des opérations militaires spéciales, puisque ses forces devront désormais sauvegarder l’intégrité territoriale et la souveraineté du pays. Reste à savoir quelle forme cela prendra.

Jusqu’à présent, le déploiement réel de la Russie a été inférieur à 100 000 hommes. La plupart des combats ont été menés par les milices, telles que les combattants du Donbass et de la Tchétchénie, et le groupe Wagner, composé d’anciens membres des services spéciaux et d’autres volontaires russes.

Il est certain que l’arrivée de 300 000 soldats ayant une expérience militaire antérieure aura un impact sur l’équilibre militaire global à l’avantage de la Russie. Le ministre de la défense, Sergei Shoigu, a déclaré que 70 000 hommes supplémentaires s’étaient également portés volontaires, ce qui portera l’effectif total des forces supplémentaires à environ 370 000 hommes.

Il s’agit là d’une augmentation considérable. Pour avoir une idée des proportions, au plus fort de la guerre du Viêt Nam, le déploiement américain s’élevait à environ un demi-million de soldats. Pour la première fois, la Russie aura une grande supériorité numérique sur les forces ukrainiennes. Il est donc tout à fait concevable que l’ancien schéma consistant à “broyer” les forces ukrainiennes change et que l’objectif soit de mettre fin à la guerre de manière rapide et décisive.

La décision américaine de mettre en place un centre de commandement en dehors de l’Ukraine (en Allemagne) semble anticiper les attaques russes contre les centres de commandement à Kiev et ailleurs, avec une utilisation beaucoup plus importante de la puissance aérienne, comme en Syrie. En fait, le nouveau commandant du district militaire occidental, le lieutenant-général Roman Berdnikov, a déjà dirigé l’intervention russe en Syrie.

Les experts militaires prévoient qu’une fois que les pluies d’automne auront fait place à l’hiver et que le sol se sera durci, les opérations russes s’intensifieront. Des voix dissidentes s’élèvent ces derniers temps en Russie pour dire que la guerre est sinueuse et sans calendrier précis. Cela pourrait changer.

En clair, le point de non-retour approche à grands pas et la Russie n’aura pas d’autre choix que de pousser à un changement de régime à Kiev et d’ouvrir la voie à une toute nouvelle direction ukrainienne qui se débarrasse de l’emprise anglo-américaine et est prête à s’entendre avec la Russie.

Un moment kafkaïen

Sans surprise, l’attention de l’Europe se tourne de plus en plus vers la crise économique, avec une inflation à deux chiffres et une récession imminentes, qui peuvent conduire à des troubles sociaux et politiques sur tout le continent. Le mécontentement croissant de la population se traduit déjà par des protestations dans de nombreux pays européens. La crise ne peut que s’aggraver une fois l’hiver venu.

Il est concevable que le changement d’humeur de la population puisse inciter les gouvernements européens à se concentrer sur leurs problèmes intérieurs plutôt que de s’impliquer dans la guerre en Ukraine. Le plus ardent partisan d’une guerre ouverte avec la Russie est la Grande-Bretagne, mais même Londres est prise dans des crises économiques (et politiques) massives qui lui sont propres. Le Premier ministre Liz Truss se bat pour sa survie politique. Les conservateurs ont pratiquement renoncé à leur mandat de gouverner.

La situation difficile de l’Allemagne

Une fois de plus, le bloc d’opposition de centre-droit Union chrétienne-démocrate/Union sociale chrétienne du Bundestag allemand a bloqué une motion demandant au gouvernement d’autoriser “immédiatement” l’exportation de chars de combat et de véhicules de combat d’infanterie allemands vers l’Ukraine. Politico rapporte qu'”un vote sur les livraisons d’armes au Bundestag aurait risqué de révéler des fissures fatales dans l’unité du gouvernement et aurait même pu conduire à une défaite du (chancelier Olaf) Scholz au parlement.”

D’autre part, le gouvernement allemand est également confronté à une pression croissante de la part des alliés d’Europe de l’Est au cours des dernières semaines pour augmenter de manière drastique l’ampleur et le type de soutien militaire de Berlin à l’Ukraine.

L’influent magazine Foreign Policy de Washington a écrit la semaine dernière : “Aux yeux des alliés de l’OTAN de Berlin en Europe de l’Est, en particulier les pays frontaliers de la Russie, l’Allemagne, centre de pouvoir économique et politique de l’Europe, est loin d’en faire assez. Et plus elle tarde, plus elle risque une fracture diplomatique à long terme avec ces alliés de l’Est.”

Mais malgré ce moyen de pression, les sondages montrent que si quelque 70 % des Allemands sont favorables à l’Ukraine en général, seuls 35 % approuvent un soutien militaire plus important.

Dans cette situation, le sabotage du gazoduc Nord Stream s’inscrit dans le cadre de la crise énergétique en Europe et menace les pays européens de “désindustrialisation”.

Pour l’Allemagne, en particulier, le modèle économique du pays est rivé sur la disponibilité de l’approvisionnement abondant en gaz de la Russie, par des contrats à long terme, à des prix bon marché, par le biais de gazoducs. Il est clair que le sabotage du Nord Stream a des implications monumentales.

Il est certain que les auteurs de cette attaque terroriste ont calculé de manière astucieuse que le gaz russe ne devait pas arriver en Europe dans un avenir prévisible. La crainte permanente de Washington est qu’une proximité germano-russe ne se développe si les liens énergétiques sont rétablis. D’ailleurs, aujourd’hui, les compagnies pétrolières américaines réalisent une énorme manne de profits sur le marché européen de l’énergie, en se substituant à la Russie, en vendant du GNL à un prix cinq à six fois supérieur au prix intérieur américain.

Empêcher la réconciliation russo-allemande

Ce qui complique les choses, c’est que l’Europe a besoin d’une sécurité énergétique à court et à moyen terme sans pour autant anéantir les objectifs climatiques. Cela signifie une sensibilité géopolitique accrue. Le fait est que la transition énergétique ordonnée de l’Europe, qui s’éloigne des combustibles fossiles, a absolument besoin du gaz russe et s’est construite sur l’hypothèse antérieure que le gaz naturel serait bon marché et abondant.

On peut penser que Moscou a continué à espérer que Nord Stream serait finalement un catalyseur pour guérir la rupture des liens énergétiques entre l’Allemagne et la Russie. Il est intéressant de noter que, lundi, le géant russe de l’énergie Gazprom a proposé aux consommateurs de gaz européens qu’une partie du réseau Nord Stream endommagé puisse encore transporter du combustible, mais uniquement sur le nouveau Nord Stream 2. Nord Stream 1 est pratiquement détruit.

Selon un communiqué de Gazprom publié sur son compte Telegram, l’une des trois lignes du Nord Stream 2 n’est pas touchée et le géant gazier a fait baisser la pression pour inspecter la liaison afin de détecter les dommages et les fuites potentielles. Nord Stream 2 a une capacité de transport de 55 milliards de mètres cubes par an, ce qui signifie que sa ligne B pourrait livrer jusqu’à 27,5 milliards de mètres cubes par an à l’Allemagne à travers la mer Baltique.

Cependant, le Nord Stream 2 nécessite l’approbation de l’UE, ce qui est problématique compte tenu des tensions entre Bruxelles et Moscou. Ces tensions ne peuvent que s’accroître si l’UE approuve la décision des pays du G7, dirigée par les États-Unis, d’imposer un plafonnement des prix du pétrole russe.

Il est certain que c’est également le calcul de Washington : coincer l’Allemagne et tenir la Russie à l’écart. Le spectre qui hante Washington est que Berlin pourrait se désintéresser de la guerre en Ukraine. L’ascension des atlantistes dans les échelons du pouvoir à Berlin ces dernières années – et leur lien avec les bureaucrates européens russophobes virulents à Bruxelles – a jusqu’à présent joué à merveille en faveur de Washington.

L’UE est effectivement terminée

Mais le sol sous les pieds bouge, comme l’a montré le revirement spectaculaire de la politique en Suède et en Italie.

Ne sous-estimez pas “l’effet Meloni”. Le cœur du problème est que les forces d’extrême droite ont invariablement plus à offrir à l’électorat en période d’insécurité et de difficultés économiques.

En France aussi, le président Macron est immobilisé, faute de majorité parlementaire pour légiférer, et il est usé par des crises en série. Quant à la Grande-Bretagne, la crise financière déclenchée par le budget du chancelier de l’Échiquier Kwasi Kwarteng souligne fondamentalement la rareté des modèles économiques alternatifs réalisables. La livre sterling est en chute libre. Deux administrations conservatrices consécutives n’ont pas réussi à proposer un modèle post-Brexit, tandis que les travaillistes n’ont jamais voulu du Brexit. Le gouvernement Truss est la dernière chance de faire aboutir le Brexit, mais personne ne retient son souffle. Et puis, le déluge – les événements vont s’immiscer.

Ce que tout cela signifie, c’est que les trois principaux centres de pouvoir de la zone euro et de la Grande-Bretagne ont du mal à échapper au vieux monde industriel mourant du 20e siècle et que ce n’est pas le meilleur moment pour affronter les forces alliées russes en Ukraine, fortes d’un demi-million d’hommes, malgré la bravade de l’administration Biden.

N’accordez pas de crédit au sommet inaugural de la Communauté politique européenne (CPE) qui se tiendra mercredi à Prague et réunira les dirigeants de 27 États membres de l’UE et de 17 pays non membres de l’UE, à savoir le Royaume-Uni, la Turquie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, l’Albanie, la Serbie, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, l’Ukraine, la Moldavie, la Norvège, la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et Israël.

La vérité est que le projet d’intégration européenne est terminé. Toute tentative de l’imposer entraînera de graves réactions. Avec le recul, la rupture avec la Russie a donc ouvert la voie à un nouveau paysage géopolitique en Europe, où l’énigme de Bruxelles concernant l’expansion de l’UE est exposée. Le CPE n’est rien d’autre qu’un stratagème français déguisé pour ralentir l’adhésion effective à l’UE des pays d’Europe de l’Est et des Balkans.

Le sommet du CPE au Château de Prague ne fait que souligner que nous vivons un moment kafkaïen dans la politique européenne. Ce doit être la revanche de l’Ukraine sur l’Europe pour avoir organisé un coup d’État violent et cynique en 2014 afin de couper le cordon ombilical avec la Russie.”

Pour Michael Hudson, le "Bancor" de Keynes va finalement être réalisé par les BRICS!

Toujours dans The Cradle, l’économiste Michael Hudson donne à Pepe Excobar sa vision du basculement actuel vers la fin de l’hégémonie du dollar: 

The Cradle : Les BRICS étudient l’adoption d’une monnaie commune – incluant tous les BRICS et, nous l’espérons, les BRICS+ élargis également. Comment cela pourrait-il être mis en pratique ? On voit mal la banque centrale brésilienne s’harmoniser avec les Russes et la Banque populaire de Chine. Cela impliquerait-il uniquement des investissements – via la banque de développement des BRICS ? Serait-il basé sur les matières premières et l’or ? Quelle est la place du yuan ? L’approche des BRICS est-elle basée sur les discussions actuelles de l’Union économique eurasienne (UEEA) avec les Chinois, menées par Sergey Glazyev ? Le sommet de Samarcande a-t-il fait progresser, dans la pratique, l’interconnexion des BRICS et de l’OCS ?

Hudson : “Toute idée de monnaie commune doit commencer par un accord d’échange de devises entre les pays membres actuels. La plupart des échanges se feront dans leurs propres monnaies. Mais pour régler les inévitables déséquilibres (excédents et déficits de la balance des paiements), une monnaie artificielle sera créée par une nouvelle banque centrale.

Cela peut ressembler superficiellement aux droits de tirage spéciaux (DTS) créés par le Fonds monétaire international (FMI), en grande partie pour financer le déficit américain sur le compte militaire et le service de la dette croissant que les débiteurs du Sud doivent aux prêteurs américains. Mais l’arrangement ressemblera beaucoup plus au “bancor” proposé par John Maynard Keynes en 1944. Les pays déficitaires pourraient tirer un quota déterminé de bancors, dont l’évaluation serait fixée par une sélection commune de prix et de taux de change. Les bancors (et leur propre monnaie) seraient utilisés pour payer les pays en excédent.

Mais contrairement au système de DTS du FMI, l’objectif de cette nouvelle banque centrale alternative ne sera pas simplement de subventionner la polarisation économique et l’endettement. Keynes a proposé un principe selon lequel si un pays (il pensait alors aux États-Unis) enregistrait des excédents chroniques, cela serait le signe de son protectionnisme ou de son refus de soutenir une économie mutuellement résiliente, et ses créances commenceraient à s’éteindre, de même que les dettes en bancor des pays dont l’économie les empêchait d’équilibrer leurs paiements internationaux et de soutenir leur monnaie.

Les accords proposés aujourd’hui soutiendraient effectivement les prêts entre les banques membres, mais pas dans le but de soutenir la fuite des capitaux (la principale utilisation des prêts du FMI, lorsque des gouvernements de “gauche” semblent susceptibles d’être élus), et le FMI et son alternative associée à la Banque mondiale n’imposeraient pas de plans d’austérité et de politiques anti-ouvrières aux débiteurs. La doctrine économique favoriserait l’autosuffisance alimentaire et les produits de première nécessité, et encouragerait la formation de capital agricole et industriel tangible, et non la financiarisation.

Il est probable que l’or soit également un élément des réserves monétaires internationales de ces pays, simplement parce que l’or est une marchandise que des centaines d’années de pratique mondiale ont déjà reconnue comme acceptable et politiquement neutre. Mais l’or serait un moyen de régler les balances de paiement, et non de définir la monnaie nationale. Ces soldes s’étendraient bien sûr au commerce et aux investissements avec les pays occidentaux qui ne font pas partie de cette banque. L’or serait un moyen acceptable de régler les soldes de la dette occidentale envers la nouvelle banque centrée sur l’Eurasie. Cela s’avérerait un moyen de paiement que les pays occidentaux ne pourraient pas simplement répudier – tant que l’or serait conservé entre les mains des membres de la nouvelle banque, et non plus à New York ou à Londres comme c’est la dangereuse pratique depuis 1945.

Dans une réunion visant à créer une telle banque, la Chine se trouverait dans une position dominante similaire à celle dont jouissaient les États-Unis en 1944 à Bretton Woods. Mais sa philosophie de fonctionnement serait tout à fait différente. L’objectif serait de développer les économies des membres de la banque, avec une planification à long terme ou des modèles commerciaux qui semblent les plus appropriés pour leurs économies afin d’éviter le genre de relations de dépendance et de prises de contrôle par privatisation qui ont caractérisé la politique du FMI et de la Banque mondiale.

Ces objectifs de développement impliqueraient une réforme foncière, une restructuration industrielle et financière et une réforme fiscale, ainsi que des réformes bancaires et de crédit nationales. Les discussions lors des réunions de l’OCS semblent avoir préparé le terrain pour établir une harmonie générale des intérêts dans la création de réformes dans ce sens.”

L’Eurasie ou la faillite

The Cradle : à moyen terme, peut-on s’attendre à ce que les industriels allemands, contemplant le désert à venir et leur propre disparition, se révoltent en masse contre les sanctions commerciales/financières imposées par l’OTAN à la Russie et forcent Berlin à ouvrir Nord Stream 2 ? Gazprom garantit que le pipeline est récupérable. Pas besoin d’adhérer à l’OCS pour que cela se produise…

Hudson : “Il est peu probable que les industriels allemands agissent pour empêcher la désindustrialisation de leur pays, étant donné la mainmise des États-Unis et de l’OTAN sur la politique de la zone euro et les 75 dernières années d’ingérence politique des responsables américains. Il est plus probable que les chefs d’entreprise allemands essaient de survivre en préservant autant que possible leurs richesses personnelles et celles de leur entreprise dans le sillage de la transformation de l’Allemagne en une épave économique de type État balte.

Il a déjà été question de transférer la production – et la gestion – aux États-Unis, ce qui empêchera l’Allemagne d’obtenir de l’énergie, des métaux et d’autres matériaux essentiels auprès de tout fournisseur qui ne serait pas contrôlé par les intérêts américains et leurs alliés.

La grande question est de savoir si les entreprises allemandes émigreront vers les nouvelles économies eurasiennes dont la croissance industrielle et la prospérité semblent devoir éclipser de loin celles des États-Unis.

Bien sûr, les pipelines Nord Stream sont récupérables. C’est précisément la raison pour laquelle la pression politique américaine exercée par le secrétaire d’État Blinken a été si insistante pour que l’Allemagne, l’Italie et d’autres pays européens redoublent d’efforts pour isoler leurs économies du commerce et des investissements avec la Russie, l’Iran, la Chine et d’autres pays dont les États-Unis tentent de perturber la croissance.”

Comment échapper à “Il n’y a pas d’alternative”

The Cradle : Sommes-nous en train d’atteindre le point où les principaux acteurs du Sud mondial – plus de 100 nations – se ressaisissent enfin et décident de mettre le paquet pour empêcher les États-Unis de maintenir l’économie mondiale néolibérale artificielle dans un état de coma perpétuel ? Cela signifie que la seule option possible, comme vous l’avez souligné, est de mettre en place une monnaie mondiale parallèle contournant le dollar américain – tandis que les suspects habituels font flotter la notion d’un Bretton Woods III au mieux. Le casino financier FIRE (finance, assurance, immobilier) est-il suffisamment omnipotent pour écraser toute concurrence éventuelle ? Envisagez-vous d’autres mécanismes pratiques que ceux dont discutent actuellement les BRICS, l’EAEU et l’OCS ?

Hudson : “Il y a un an ou deux, il semblait que la conception d’une monnaie mondiale alternative à part entière, d’un système monétaire, de crédit et de commerce était si complexe qu’il était difficile d’en imaginer les détails. Mais les sanctions américaines se sont avérées être le catalyseur nécessaire pour rendre ces discussions pragmatiquement urgentes.

La confiscation des réserves d’or du Venezuela à Londres et de ses investissements aux États-Unis, la confiscation de 300 milliards de dollars de réserves de change de la Russie détenues aux États-Unis et en Europe, et la menace de faire de même pour la Chine et d’autres pays qui résistent à la politique étrangère américaine ont rendu la dédollarisation urgente. J’ai expliqué cette logique en de nombreux points, depuis mon article du Valdai Club (avec Radhika Desai) jusqu’à mon récent livre sur Le destin de la civilisation, en passant par la série de conférences que j’ai préparée pour Hong Kong et l’Université mondiale pour la durabilité.

Détenir des titres libellés en dollars, et même détenir de l’or ou des investissements aux États-Unis et en Europe, n’est plus une option sûre. Il est clair que le monde est en train de se diviser en deux types d’économies très différentes, et que les diplomates américains et leurs satellites européens sont prêts à déchirer l’ordre économique existant dans l’espoir que la création d’une crise perturbatrice leur permettra de sortir vainqueurs.

Il est également clair que la soumission au FMI et à ses plans d’austérité est un suicide économique, et que suivre la Banque mondiale et sa doctrine néolibérale de dépendance internationale est autodestructeur. Le résultat a été de créer un plafond impayable de dettes libellées en dollars américains. Ces dettes ne peuvent être payées sans emprunter des crédits auprès du FMI et sans accepter les conditions de la capitulation économique devant les privatiseurs et les spéculateurs américains.

La seule alternative à l’austérité économique qu’ils s’imposent à eux-mêmes est de se retirer du piège du dollar dans lequel l’économie de “marché libre” parrainée par les États-Unis (des marchés libres de toute protection gouvernementale, et libres de toute capacité gouvernementale à réparer les dommages environnementaux causés par les compagnies pétrolières et minières américaines et la dépendance industrielle et alimentaire qui y est associée) doit faire une rupture nette.

La rupture sera difficile, et la diplomatie américaine fera tout ce qu’elle peut pour perturber la création d’un ordre économique plus résilient. Mais la politique américaine a créé un état mondial de dépendance dans lequel il n’y a littéralement aucune autre alternative que de rompre.”

Germanexit ?

The Cradle : Quelle est votre analyse sur la confirmation par Gazprom que la ligne B du Nord Stream 2 n’a pas été touchée par le Pipeline Terror ? Cela signifie que le Nord Stream 2 est pratiquement prêt à fonctionner – avec une capacité de pompage de 27,5 milliards de mètres cubes de gaz par an, ce qui se trouve être la moitié de la capacité totale du Nord Stream – endommagé. L’Allemagne n’est donc pas condamnée. Cela ouvre un tout nouveau chapitre ; une solution dépendra d’une décision politique sérieuse du gouvernement allemand.

Hudson : “Voici le point crucial : La Russie ne supportera certainement pas une nouvelle fois le coût de l’explosion du gazoduc. La décision reviendra à l’Allemagne. Je parie que le régime actuel dira “non”. Cela devrait donner lieu à une montée intéressante des partis alternatifs.

Le problème ultime est que la seule façon pour l’Allemagne de rétablir le commerce avec la Russie est de se retirer de l’OTAN, en réalisant qu’elle est la principale victime de la guerre de l’OTAN. Cela ne pourrait réussir qu’en s’étendant à l’Italie, et aussi à la Grèce (pour ne pas l’avoir protégée contre la Turquie, depuis Chypre). Cela ressemble à un long combat.

Peut-être est-il plus facile pour l’industrie allemande de faire ses bagages et de déménager en Russie pour aider à moderniser sa production industrielle, notamment BASF pour la chimie, Siemens pour l’ingénierie, etc. Si les entreprises allemandes se délocalisent aux États-Unis pour obtenir du gaz, cela sera perçu comme un raid américain sur l’industrie allemande, capturant son avance pour les États-Unis. Même ainsi, cela ne réussira pas, étant donné l’économie post-industrielle de l’Amérique.

L’industrie allemande ne peut donc se déplacer vers l’est que si elle crée son propre parti politique, un parti nationaliste anti-OTAN. La constitution de l’UE exigerait que l’Allemagne se retire de l’UE, ce qui fait passer les intérêts de l’OTAN en premier au niveau fédéral. Le scénario suivant consiste à discuter de l’entrée de l’Allemagne dans l’OCS. Prenons les paris pour savoir combien de temps cela prendra”.

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.