27 septembre 2022

Les États-Unis sont en train de gagner leur guerre contre les industries et les peuples d’Europe

Dernières nouvelles – L’économie allemande s’est considérablement détériorée en septembre. L’indice IFO du climat des affaires continue de chuter.

Le 7 février, le professeur d’économie Michael Hudson expliquait pourquoi les véritables adversaires de l’Amérique sont ses alliés, européens et autres :

Ce qui inquiète les diplomates américains, c’est que l’Allemagne, les autres pays de l’OTAN et les pays situés le long de la « Nouvelle route de la soie » comprennent les gains qui peuvent être réalisés en ouvrant leur commerce et leurs investissements de manière pacifique. S’il n’existe aucun plan russe ou chinois pour les envahir ou les bombarder, pourquoi l’OTAN serait-elle nécessaire ? Et s’il n’existe pas de relation intrinsèquement conflictuelle, pourquoi les pays étrangers doivent-ils sacrifier leurs propres intérêts commerciaux et financiers en s’appuyant exclusivement sur les exportateurs et les investisseurs américains ?

Ce sont ces préoccupations qui ont poussé le président français Macron à invoquer le fantôme de Charles de Gaulle et à exhorter l’Europe à se détourner de ce qu’il appelle la guerre froide « sans cerveau » de l’OTAN et à se débarrasser des accords commerciaux pro-américains qui imposent des coûts croissants à l’Europe tout en la privant des gains potentiels d’un commerce avec l’Eurasie. Même l’Allemagne rechigne à l’idée de se geler jusqu’en mars prochain en se privant du gaz russe.

Au lieu d’une réelle menace militaire de la part de la Russie et de la Chine, le problème pour les stratèges américains est l’absence d’une telle menace.

Ce dont les États-Unis avaient besoin, c’était de provoquer la Russie, et plus tard la Chine, pour qu’elles réagissent aux menaces arrangées par les États-Unis de manière à obliger leurs « alliés » à suivre leurs politiques de sanctions.

Les dirigeants européens, plutôt stupides, sont tombés dans le panneau.

Les États-Unis ont organisé une attaque ukrainienne contre la région du Donbass, tenue par les rebelles. Cette attaque a commencé le 17 février par d’intenses tirs d’artillerie contre les positions du Donbass, comme l’ont enregistré les observateurs de l’OSCE à cette frontière. La Russie devait réagir ou voir les Russes ethniques de ces régions être blessés et tués par des Ukrainiens dévoués aux nazis.

Il n’y avait aucun moyen d’empêcher cela autrement que par des moyens militaires. Le 22 février, la Russie a reconnu les républiques du Donbass comme des États indépendants et a signé des accords de défense avec elles.

Le même jour, le chancelier allemand Olaf Scholz annulait le lancement du gazoduc sous-marin Nord Stream II qui devait transporter le gaz russe vers les industries et les consommateurs allemands.

Les Européens ont lancé une série de sanctions économiques extrêmement sévères contre la Russie, sanctions qui, sous l’impulsion des États-Unis, avaient été préparées des mois à l’avance.

L’opération militaire spéciale de la Russie, en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies, a commencé le 24 février.

Un article de Michael Hudson, publié le 28 février, observe que l’Allemagne a été vaincue pour la troisième fois en un siècle :

Depuis 1991, la force militaire active est celle des États-Unis. En rejetant le désarmement mutuel des pays du Pacte de Varsovie et de l’OTAN, il n’y a pas eu de « dividendes de paix« . Au contraire, la politique américaine de l’administration Clinton visant à mener une nouvelle expansion militaire par le biais de l’OTAN a rapporté des dividendes pendant 30 ans, sous la forme d’un déplacement de la politique étrangère de l’Europe occidentale et d’autres alliés américains hors de leur sphère politique intérieure, vers leur propre sphère de « sécurité nationale » (terme désignant des intérêts rentiers spéciaux qui ne doivent pas être nommés). L’OTAN est devenue l’organe de politique étrangère de l’Europe, au point de dominer les intérêts économiques nationaux.

La récente provocation contre la Russie en soutenant la violence ethnique anti-russe instaurée par le régime néo-nazi ukrainien de l’après-2014 visait à forcer une épreuve de force. Il s’agit d’une réponse à la crainte des intérêts américains de perdre leur emprise économique et politique sur leurs alliés de l’OTAN et d’autres satellites de la zone dollar, car ces pays voyait que leurs principales opportunités de gain étaient dans l’augmentation du commerce et des investissements avec la Chine et la Russie.

Comme l’a expliqué le président Biden, l’escalade militaire actuelle (« Provoquer l’ours ») ne concerne pas vraiment l’Ukraine. Biden a promis dès le départ qu’aucune troupe américaine ne serait impliquée. Mais il exige depuis plus d’un an que l’Allemagne empêche le gazoduc Nord Stream 2 d’approvisionner son industrie et ses logements en gaz à bas prix et se tourne vers les fournisseurs américains, dont les prix sont beaucoup plus élevés.

Ainsi, l’objectif stratégique américain le plus urgent dans cette confrontation de l’OTAN avec la Russie est la flambée des prix du pétrole et du gaz. En plus de créer des profits et des gains boursiers pour les entreprises américaines, les prix plus élevés de l’énergie vont enlever une grande partie de la vapeur de l’économie allemande.

(Certaines personnes colportent actuellement une « étude secrète de la RAND daté de janvier 2022« . Il s’agit manifestement d’un faux. Il s’agit simplement d’une copie de l’analyse d’Hudson).

Nord Stream II a été créé pour rendre l’Allemagne indépendante des pipelines traversant la Pologne et l’Ukraine. Le bloquer était la chose la plus stupide à faire pour l’Allemagne et le chancelier Scholz l’a donc fait.

Dans les mois qui ont suivi, la Pologne a bloqué le gazoduc Jamal, qui acheminait également du gaz russe en Allemagne. L’Ukraine a suivi en fermant deux pipelines russes. Les principales stations de compression du gazoduc Nord Stream I, que la société allemande Siemens a fait construire et dont elle assure la maintenance, sont tombées en panne les unes après les autres. Des sanctions interdisent à Siemens de les réparer.

Ce n’est pas la Russie qui a bloqué son gaz et son pétrole sur les marchés européens. Ce sont les gouvernements allemand, polonais et ukrainien qui l’ont fait.

En fait, la Russie serait heureuse de vendre davantage. Récemment, Poutine a encore proposé de faire passer autant de gaz russe que possible, par le Nord Stream II vers l’Allemagne :

Après tout, s’ils en ont besoin d’urgence, si les choses vont si mal, il suffit de lever les sanctions contre le Nord Stream 2, avec ses 55 milliards de mètres cubes par an – il leur suffit d’appuyer sur le bouton et ils le feront démarrer. Mais ils ont choisi eux-mêmes de le fermer ; ils ne peuvent pas réparer un pipeline et ont imposé des sanctions contre le nouveau Nord Stream 2 et ne l’ouvriront pas. Sommes-nous à blâmer pour cela ?

C’est le gouvernement allemand qui est à blâmer pour avoir rejeté cette offre.

La guerre économique contre la Russie, qui était censées être gagnée à coup de sanctions, n’a pas réussi à ébranler la Russie. Le rouble est plus fort que jamais. La Russie réalise des bénéfices records, même si elle vend moins de gaz et de pétrole qu’avant la guerre. La Russie connaîtra peut-être une petite récession cette année, mais son niveau de vie n’est pas en déclin.

Comme il était facile de le prévoir, et comme l’a expliqué Michael Hudson, les conséquences économiques des sanctions anti-russes en Europe ont, en revanche, des conséquences catastrophiques pour les industries de l’Europe, ses sociétés et sa position politique dans le monde.

Les gouvernements et les médias s’étaient jusqu’à présent abstenus de noter les problèmes gigantesques qui se profilent et que les chefs d’entreprise avaient signalés très tôt. Ce n’est qu’au cours des deux dernières semaines environ qu’ils ont commencé à avertir.

Der Spiegel, le grand hebdomadaire allemand, s’interroge : Quelle sera l’ampleur de la récession allemande ? et constate l’évidence :

Les premières entreprises allemandes ont commencé à jeter l’éponge et la consommation s’effondre sous l’effet des retombées de l’explosion des prix de l’énergie. L’économie glisse de manière quasi incontrôlée vers une crise qui pourrait affaiblir durablement le pays.

L’article évoque les cinq étapes au cours desquelles la catastrophe se produira.

Premier acte : le gel de la production – Le coût de la production en Allemagne devient prohibitif.

Deuxième acte : le piège des prix – Personne n’achète des produits allemands au prix trop élevés.

Troisième acte : La crise de la consommation – Obligés de payer les prix élevés de l’énergie, les consommateurs allemands achètent moins de tout le reste.

Quatrième acte : La vague de faillites.

Cinquième acte : L’acte final sur le marché du travail.

Lorsque l’Allemagne comptera entre 6 et 10 millions de chômeurs, et que le gouvernement aura moins de recettes fiscales car seules quelques entreprises seront rentables, le système social s’effondrera.

« L’industrie européenne plie sous le poids de la flambée des prix de l’énergie« , titre l’Irish Examiner :

Volkswagen, le plus grand constructeur automobile européen, a prévenu la semaine dernière qu’il pourrait délocaliser sa production hors d’Allemagne et d’Europe de l’Est si les prix de l’énergie ne baissent pas.

L’Europe paie son gaz sept fois plus cher que les États-Unis, ce qui souligne l’érosion dramatique de la compétitivité industrielle du continent et menace de causer des dommages durables à son économie. Avec le président russe Vladimir Poutine qui redouble ses efforts de guerre en Ukraine, il y a peu de signes que les flux de gaz – et des prix sensiblement plus bas – soient rétablis en Europe à court terme.

OilPrice.com indique que l’Europe fait face à un exode des industries à forte intensité énergétique.

En fait, l’UE sombre dans l’anarchie :

Tous les regards sont tournés vers les résultats des élections italiennes de ce matin, mais l’Europe a des problèmes bien plus graves que la perspective d’un gouvernement de droite. L’hiver arrive, et les conséquences catastrophiques de la crise énergétique que l’Europe s’est imposée se font déjà sentir sur tout le continent.

Alors que les politiciens continuent d’élaborer des plans irréalistes de rationnement de l’énergie, la réalité est que la flambée des prix de l’énergie et la baisse de la demande ont déjà provoqué la réduction de la production ou la fermeture de dizaines d’usines dans un large éventail d’industries à forte intensité énergétique – verre, acier, aluminium, zinc, engrais, produits chimiques – entraînant le licenciement de milliers de travailleurs. Même le New York Times, favorable à la guerre, a récemment été contraint de reconnaître l’impact « paralysant » que les sanctions de Bruxelles ont sur l’industrie et la classe ouvrière en Europe. « Les prix élevés de l’énergie frappent l’industrie européenne, obligeant les usines à réduire rapidement leur production et à mettre des dizaines de milliers d’employés au chômage technique« , a-t-il rapporté.

Le fait qu’en dépit de la falaise qui se rapproche à grands pas, personne ne puisse se résoudre à dire l’évidence, à savoir que les sanctions doivent prendre fin, est un véritable signe de la faiblesse des politiciens européens. Il n’y a tout simplement aucune justification morale à la destruction des moyens de subsistance de millions d’Européens simplement pour faire la leçon à Poutine, même si les sanctions contribuaient à atteindre cet objectif, ce qui n’est clairement pas le cas.

Les États-Unis, tout en entrant eux-mêmes également en récession, profiteront, comme ils l’avaient prévu, de la catastrophe européenne.

Le Handelsblatt, un quotidien économique, rapporte que les entreprises allemandes déplacent leur production vers l’Amérique du Nord.

Washington attire les entreprises allemandes grâce à son énergie bon marché et à ses impôts réduits.

Le gouvernement allemand prétend vouloir empêcher cela, mais c’est impossible sans mettre fin aux sanctions énergétiques.

Le New York Times se réjouit bien sûr de cette situation. Alors que les producteurs européens sont évincés de leurs marchés par les prix, les États-Unis prennent le relais :

L’emploi dans les usines explose, comme dans les années 70.

L’industrie manufacturière américaine connaît un rebond, les entreprises ajoutant des travailleurs dans un contexte de forte demande des consommateurs pour des produits…

Les États-Unis, avec l’aide des politiciens européens, mènent une guerre contre les peuples d’Europe et leur niveau de vie. Ils sont maintenant sur le point de gagner cette guerre.

Aucune aide ne viendra de l’extérieur pour empêcher que cela se produise :

L’Allemagne n’obtient qu’un seul pétrolier pendant la tournée de Scholz dans le Golfe.

L’Europe, et en particulier l’Allemagne, ne peut échapper à ce piège évident que si elle ouvre les gazoducs venant de Russie. Il serait grand temps de le faire.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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