Entretien avec Éric Verhaeghe, haut fonctionnaire, essayiste, journaliste économique et fondateur du "Courrier des stratèges".
Pourquoi le système de santé français est-il victime d'une thrombose administrative ?
Il faut bien préciser que la thrombose concerne l'hôpital public, pas l'hospitalisation privée, qui n'a pas recouru aux méthodes absurdes de son concurrent subventionné.
Dans la pratique, l'embolie de l'hôpital public tient surtout à l'extrême centralisation du système par la caste parisienne, particulièrement celle des énarques, qui a créé un monstre administratif.
Au lieu d'adopter une organisation "girondine", le monopole public a progressivement soviétisé les hôpitaux, avec une administration occupée à appliquer les circulaires nationales.
C'est par exemple le cas de la Tarification à l'Activité (T2A), qui est consommatrice de bureaucratie.
Faut-il replacer les médecins au cœur du dispositif ?
Je ne dirais pas qu'il faut replacer les médecins, mais les soins au cœur du dispositif.
Dans la pratique, l'hôpital est devenu, comme l'Éducation nationale, un lieu où le management s'intéresse de moins en moins à ses missions et presqu'exclusivement aux problèmes de gestion.
Cette dérive s'explique là encore par les problèmes inhérents au
monopole public : le statut de fonctionnaires accordé à un million de
salariés dans les hôpitaux fait que les questions de ressources humaines
envahissent tout et éclipsent la mission sanitaire de l'hôpital.
Dans quelle fonction publique faut-il réduire le plus les effectifs ?
Les énarques adorent désigner les collectivités locales comme les premières productrices de sureffectif. Et c'est vrai qu'il y a beaucoup de recrutements peu productifs dans les collectivités.
Mais aucune fonction publique n'est épargnée, y compris la Police nationale où il existe une inflation de commissaires coûteux et improductifs.
Et qui dire des dizaines de milliers de bureaucrates dans les hôpitaux, qui occupent les médecins à des tâches absurdes et sont autant d'empêcheurs de passer du temps avec les malades.
Êtes vous favorable à la suppression de l'emploi à vie dans l'administration et pour l'externalisation de certaines fonctions ?
L'emploi à vie était conçu pour éviter la politisation de la fonction publique. Dans la pratique, c'est l'inverse qui se produit.
Il faut conserver une forme de prudence sur ce sujet, mais je suis un partisan résolu de la fin de l'emploi à vie pour les 1.000 emplois-clés de l'Etat.
Il faut qu'un directeur d'administration centrale, qu'un Préfet, puisse être licencié lorsqu'il n'atteint pas ses objectifs. Cette perspective réduira d'autant les ambitions de tous ceux qui se gavent en toute impunité.
L'État a dépensé beaucoup d'argent en 2021. Un retour de bâton fiscal est-il à craindre en 2022 ?
Incontestablement. Même si la BCE se décidait à effacer de nombreuses dettes, aucun gouvernement n'aura le courage de rétablir les équilibres financiers en jouant sur les seules dépenses.
Dans le meilleur des cas, il y aura un effort qui sera demandé aux contribuables, et tout spécialement aux épargnants. Et cela avant 2023, c'est-à-dire dès le lendemain des élections législatives, au moyen d'un collectif budgétaire.
Propos recueillis par Fabrice Durtal le 6 janvier 2022
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