26 juillet 2022

Suppression du timbre rouge : encore un coup de génie de La Poste !

Lorsqu’on essaie de me prendre pour un gogo sous des prétextes fallacieux titillant ma conscience écologique, je m’en rends compte.

Pour cela le « greenwashing » est une aubaine pour beaucoup d’entreprises et, dans le genre, un stupéfiant cas d’école nous est venu de La Poste, la semaine dernière.

Virage écolo ou entourloupe vernie en vert ?

La Poste a en effet annoncé la disparition, au 1er janvier prochain, du timbre rouge ; comprenez : de la lettre de 20g en service rapide[1].

A la place, un système de « e-lettre » sera mis en place : en gros, vous envoyez votre courrier sous format électronique à La Poste (vous le rédigez directement sur le site web de La Poste, ou vous scannez votre lettre manuscrite), qui se charge de l’imprimer, et de l’envoyer.

Le timbre vert, lui, continuera d’exister : il sera au même prix, mais mettra trois jours à parvenir à destination, au lieu de deux.

Un service spécial baptisé « turquoise services plus » sera appliqué pour l’envoi spécifique de documents confidentiels, comme les chèques : il coûtera 2,95 euros.

Ces décisions ont été annoncées fièrement par la direction de l’ex-service public, à la fois pour prendre acte des changements d’usage de la population, et surtout au motif noble de réduire son empreinte carbone et ainsi « protéger plus efficacement l’environnement ».

Est-ce que, comme moi, vous voyez l’entourloupe ?

En résumé, au 1er janvier 2023 :

  • Vous paierez le même prix pour un service plus long et moins performant (3 jours pour une lettre verte au lieu de 2)… et je vous fiche mon billet que ledit prix augmentera dans les 12 mois suivants;
  • Vous paierez beaucoup plus cher pour envoyer vos chèques… pour une distribution « urgente » en deux jours ;
  • Vous paierez pour envoyer un e-mail, révolutionnairement rebaptisé « e-lettre » (invention de génie !) : non seulement La Poste rend payant ce qui était autrefois gratuit, mais en plus vous pouvez dire adieu à la confidentialité de vos courriers rapides et de vos lettres d’amour.

Pourquoi La Poste se moque de nous

Cette décision et cette annonce sont à mes yeux un cache-misère du manque de moyens galopant de La Poste.

La dégradation de la qualité des services de La Poste depuis sa privatisation n’est un mystère pour personne.

La Poste investit beaucoup dans sa communication (cette annonce, où l’on reconnaît la patte d’un cabinet de conseil, est à ce titre exemplaire) mais très peu dans ses infrastructures.

Les raisons arguées pour justifier ce « virage écologique » me paraissent être de la pure mauvaise foi.

Commençons par l’argument « temps » :

Je ne sais pas si je suis le dernier citoyen à utiliser des courriers à timbre rouge, mais une chose est certaine : pour écrire régulièrement à ma famille, je peux vous garantir que même en « service urgent », mes courriers mettent actuellement plus de deux ou trois jours pour leur parvenir… quand ils leur parviennent.

Autrement dit, on a déjà, avec les timbres rouges, un service « déclassé ». Je n’ose imaginer ce que ce sera avec les seules « lettres vertes » !

L’argument « écolo » à présent :

La Poste annonce ainsi qu’elle économisera quelque « 60 000 tonnes de CO2 par an ».

Mazette !

« Pour acheminer quotidiennement les Lettres prioritaires, expliquent ces génies de la direction, La Poste sillonne la France avec une centaine de camionnettes, très peu remplies, à l’exemple de la liaison Dijon-Rennes, avec un véhicule qui parcourt 600 km chaque nuit pour seulement 500 lettres. »

Mais, Madame La Poste, si vous tenez absolument à réduire votre empreinte carbone, plutôt que de réduire encore la qualité de votre service en faisant payer les usagers… pourquoi ne renouvelez-vous pas votre parc automobile en choisissant des véhicules à énergie renouvelable ?

Qui vous oblige à continuer à rouler en camionnettes à énergie fossile ?

Votre brusque conscience écologique a bon dos !

L’argument « usager », enfin :

Prétendre s’adapter aux besoins de sa clientèle est une rengaine usée des services publics depuis qu’ils sont privatisés.

On a vu la SNCF à l’œuvre, qui a fermé des lignes qui n’étaient plus suffisamment rentables sous prétexte que plus personne ne les utilisait… et en pénalisant ceux qui les utilisaient encore !

La Poste ignore-t-elle encore que, pour des milliers de séniors vivant en milieu rural et isolées, le passage quotidien du facteur est l’une des rares occasions d’avoir un échange humain, si ce n’est le dernier ?

Cette réduction supplémentaire des services de La Poste n’est donc qu’un avatar supplémentaire du mépris pour une partie de ses usagers, qui a le tort d’être minoritaire et de ne pas pouvoir se plaindre.

La « lettre verte » n’a de vert que le nom.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


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