En septembre 2021, l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis annonçaient l’accord AUKUS, une nouvelle alliance en vertu de laquelle l’Australie achèterait des sous-marins nucléaires aux États-Unis ou au Royaume-Uni et abandonnerait son contrat pour les sous-marins français à moteur diesel.
J’ai déjà expliqué les détails et les conséquences négatives de cet accord :
Ce fut une victoire énorme, mais à court terme, pour les États-Unis, avec un prix de consolation pour la Grande-Bretagne et une perte stratégique de souveraineté et de contrôle budgétaire pour l’Australie.
Cela a aussi été une nouvelle gifle de la part des États-Unis à l’encontre de la France et de l’Union européenne. L’accord mettra en colère la Nouvelle-Zélande, l’Indonésie et, bien sûr, la Chine. Il bouleversera le régime international de non-prolifération nucléaire et pourrait conduire à une nucléarisation militaire accrue de la Corée du Sud et du Japon.
Il était facile de prévoir que l’accord bouleverserait le calendrier de développement de la marine australienne. Il est évident qu’il coûterait également beaucoup plus d’argent que son budget ne peut en fournir :
Mais les sous-marins à fonctionnement nucléaires présentent également de nombreux points négatifs. Ils sont plus grands et plus chers que les sous-marins conventionnels. Ils coûtent près de 50 % de plus. Ils nécessitent également une infrastructure dédiée et une formation nucléaire très spécialisée pour les équipages. L’Australie n’a ni ne peut fournir le combustible nécessaire aux réacteurs nucléaires.
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Le premier des sous-marins français destinés à l’Australie devait être prêt au début des années 2030. Il faudra maintenant attendre une longue période, peut-être une décennie, pour que l’Australie obtienne de nouveaux sous-marins.
Sa classe Collins actuelle nécessitera plus qu’un simple carénage pour être maintenue aussi longtemps. Cela va coûter cher. Les Allemands pourraient s’engouffrer dans la brèche en proposant leurs sous-marins de type 214 à propulsion diesel-électrique+pile à hydrogène. Bien que ces sous-marins soient beaucoup plus petits, ils offrent une longue endurance, peuvent être approvisionnés assez rapidement et coûtent beaucoup moins cher que les sous-marins à propulsion nucléaire.
Dans l’ensemble, je ne vois aucun avantage pour l’Australie dans cette décision.
Depuis, l’Australie a élu un nouveau gouvernement. Celui-ci reconnaît le gâchis que l’accord a créé. Il n’y aura pas de nouveaux sous-marins avant au moins 2040. Ils seront probablement très chers. Il est donc urgent de chercher des alternatives :
Selon les experts, l’Australie n’a pratiquement aucune chance d’obtenir un sous-marin du programme actuel des États-Unis, alors qu’un autre rapport montre que les États-Unis ont du mal à répondre à leurs propres besoins.
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L’ancien ministre de la défense, Peter Dutton, a suggéré que les États-Unis pourraient donner à l’Australie quelques-uns de leurs sous-marins, une suggestion qui a été largement rejetée.
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Marcus Hellyer, analyste principal à l’Australian Strategic Policy Institute, a déclaré que la « seule façon » pour l’Australie d’obtenir un sous-marin à propulsion nucléaire d’ici 2030 serait que les États-Unis nous donnent « un de leurs propres engins« . « Mais leur nombre diminue alors qu’ils souhaitent l’augmenter« , a-t-il déclaré.
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Hellyer a déclaré que cela signifiait que tout sous-marin que l’Australie achèterait proviendrait probablement de la prochaine génération de sous-marins américains, qui commenceront à être achetés au milieu des années 2030 et seront beaucoup plus chers.
Il a estimé, sur la base du modèle actuel, que l’ensemble du programme de construction de huit sous-marins coûtera 171 milliards de dollars au final, inflation comprise.
Cela représente 21,4 milliards de dollars australiens par sous-marin. Si tant est qu’ils soient réellement construits :
Rex Patrick, ancien sénateur d’Australie du Sud et sous-marinier, a déclaré que l’Australie « n’obtiendra pas de sous-marins de la ligne américaine« . « Les États-Unis s’engagent dans des opérations partout dans le monde et ce sont des opérations importantes. La marine américaine ne va pas céder une capacité pour que l’Australie puisse obtenir des sous-marins [pour qu’elle puisse] se jeter à l’eau« , a-t-il déclaré. « Tous les documents accessibles au public indiquent que les États-Unis ne nous fourniront pas de sous-marin« .
Hellyer a également déclaré qu’il n’y avait « aucune chance » que le Royaume-Uni puisse fournir un sous-marin, car il n’ont construit que sept sous-marins de la classe Astute (qui est l’une des options envisagées pour l’Australie) avant de passer à un nouveau modèle. « Le Royaume-Uni est en train d’achever son programme Astute« , a-t-il déclaré. « Il doit le faire pour transférer les ressources vers le programme Dreadnaught. Ils n’ont pas la capacité de nous construire des sous-marins« .
Plus d’argent, beaucoup plus, pourrait probablement résoudre ces problèmes de production. Mais la marine australienne n’en dispose pas.
La solution à ce problème évident a été de laisser les Allemands prendre le relais et de leur demander des sous-marins Type 214 à hydrogène. Ces sous-marins pourraient même être construits en Australie. Il semble que les Australiens l’aient maintenant reconnu :
Patrick et Hellyer ont tous deux déclaré que l’achat d’un sous-marin conventionnel (à propulsion non nucléaire) d’un autre pays « en stock » serait un autre moyen de combler le manque de capacités.
Le ministre de la Défense, Richard Marles, n’a cessé de dire qu’il gardait l’esprit ouvert quant à la solution à apporter à ce déficit de capacité.
« Au fur et à mesure que nous examinons la solution à adopter, nous voulons non seulement déterminer cette solution, mais aussi déterminer s’il existe un moyen de la mettre en service bien avant les années 2040 et, dans la mesure où il existe un déficit de capacité, quels sont les moyens de le combler« , a-t-il déclaré au début du mois.
« Aucune de ces questions n’a de réponse évidente. Cela fait partie du travail que nous faisons en ce moment. Mais lorsque nous déciderons au début de l’année prochaine quelle capacité – ou quel sous-marin – nous allons acheter, nous voulons vraiment avoir des réponses à toutes ces questions à ce moment-là. »
Les réponses sont évidentes. Abandonner l’accord AUKUS et acheter les sous-marins allemands.
La véritable raison de cet accord pourrait bien être le souhait des États-Unis de disposer d’un port et d’une base en Australie d’où ils pourraient envoyer leurs propres sous-marins nucléaires pour harceler la Chine.
L’offre faite à l’Australie d’acheter des sous-marins nucléaires n’a probablement été faite que pour lever la résistance de l’opinion publique australienne au stationnement de sous-marins nucléaires (avec des armes nucléaires) sur le continent.
L’Australie se porterait pourtant mieux sans eux.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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