Un gamin qui vous indique les parties du corps à laver lors de douches économiques. Voilà à quoi ressemble la propagande officielle du gouvernement et des médias au service de l'establishment transatlantique en Allemagne ! C'est l'un des symptômes les plus évidents de l'effondrement allemand. Comme toujours dans l'histoire allemande, l'effondrement est spirituel et moral avant d'être matériel. L'effondrement économique va suivre. Mais autant le dire tout de suite à nos amis allemands: d'une Union Européenne guidée par une Allemagne tombée à un tel niveau de décivilisation nous ne voulons plus. Pour nous l'Europe était jusqu'à récemment la plus grande culture de l'histoire, berceau des libertés personnelles et de la justice universelle. Pour nous, la France doit, comme le disait fièrement Clemenceau le 11 novembre 1918, reprendre "sa place dans le monde pour poursuivre sa course magnifique dans l'infini du progrès humain, autrefois soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de l'humanité, toujours soldat de l'idéal."
C’est d’une bêtise confondante. L’Allemagne fait la guerre à la Russie avec ses petits poings. L’affiche reproduite ci-dessus est intitulée: “Ne lavez que ces quatre parties du corps si vous voulez mettre Poutine en colère. L’eau aussi doit être économisée pour la liberté”.
L’arme miracle – je n’ose pas dire le terme allemand, la “Wunderwaffe”, on croirait que j’ai mauvais esprit puisque c’est ainsi que les nazis appelaient les V1 et les V2 qui devaient renverser le cours de la guerre – c’est donc la douche ciblée: aisselles, aine (quelle pudeur! mais au moins on nous évite la Freie Körperkuktur, le nudisme, cette invention allemande – il vaut mieux au moment où les photos trouvées sur les disques durs de Hunter Biden circulent), raie des fesses et pieds!
Robert Habeck est un adepte de ces douches à l’économie, dont il est ministre.
Pendant des décennies, la bourgeoisie française nous a cassé les oreilles avec le “modèle allemand”. Pour finir devant une affiche qui n’a même pas la drôlerie de la Guerre des boutons.
Göttingen, c'est fini!
Nous avons grandi dans le respect de la réconciliation franco-allemande. C’était Schuman et Jean Monnet; surtout, c’était Pie XII et le Général de Gaulle qui l’avaient voulue. Il y avait tous ces jumelages, l’Office Franco-allemand de la jeunesse et puis, la voix fragile et soyeuse de Barbara, qui chantait “Göttingen“.
Tout cela, c’est le mythe du “couple franco-allemand” répété à satiété. Au point d’en devenir ridicule.
Après le sale coup (manigancé par Jean Monnet) du préambule au Traité de l’Elysée mentionnant la priorité absolue de l’OTAN sur toute autre alliance de l’Allemagne, de Gaulle en avait tiré les conclusions qui s’imposaient: les Allemands de l’ouest ne pouvaient pas être ces alliés privilégiés qu’il avait un temps espérés.
Et pourtant, à l’exception de Georges Pompidou, les successeurs du Général sont régulièrement tombés dans le sentimentalisme larmoyant. On nous a servi le “couple franco-allemand” jusqu’à l’écœurement. Rien n’a pu ramener la lucidité de nos dirigeants: ni le revanchisme monétaire de Franz Josef Strauss en 1968, refusant de soutenir le franc secoué par le carnaval parisien du mois de mai; ni la brutalité d’Helmut Kohl poussant la réunification sans consultation préalable avec François Mitterrand; ou bâclant la reconnaissance de l’indépendance de la Croatie contre les conseils de prudence du Président français de l’époque. Ai-je besoin de mentionner les années Merkel et la série d’affronts infligés par Angela Merkel aux quatre présidents qu’elle a connus:
+ la baisse de la TVA non concertée avec Jacques Chirac.
+le refus de l’Union pour la Méditerranée de Nicolas Sarkozy.
+ la sortie allemande unilatérale du nucléaire civil en 2011
+ le rôle actif dans la déstabilisation de l’Ukraine et le sabotage de fait des accords de Minsk mis en place sous initiative franco-russe.
+ la décision unilatérale d’ouvrir les frontières aux migrants en septembre 2015
+ le refus du budget de la zone euro à Emmanuel Macron.
Bien entendu, les présidents français ont été faibles face à l’Allemagne, depuis Mitterrand.
Et puis il y a eu la paresse de la bourgeoisie française chantant les louanges des Allemands qui ne faisaient pas la grève, qui géraient bien leur monnaie, qui fabriquaient de meilleures voitures etc… C’est tellement confortable de se comporter en rentier de la mondialisation, d’acheter la paix sociale en laissant filer le déficit public à l’abri des taux d’intérêt allemands. Tout en n’arrêtant pas de maugréer contre la France.
On raconte qu’à l’Elysée, du temps de François Hollande, la question récurrente des réunions était “Qu’en pense l’Allemagne?”. C’est digne du “Et Tartuffe? ” d’Orgon, dans la comédie de Molière, qui ne veut rien entendre des soucis de sa famille et ne se préoccupe que des humeurs du pique-assiette (qui cherche à le cocufier et à voler l’héritage des enfants d’Orgon).
A force de nous demander ce que pensait l’Allemagne, nous ne nous sommes plus demandés, si elle pensait, tout simplement.
Qui avait raison sur les mauvaises intentions monétaires des Américains, dans les années 1960: Les Allemands ou bien Jacques Rueff, conseiller du Général de Gaulle, qu’à la Bundesbank on traitait de “fondamentaliste”?
Qui avait vu juste sur la Yougoslavie: Helmut Kohl, qui précipita l’éclatement du pays et porte une lourde responsabilité dans le bain de sang qui a suivi ou François Mitterrand, qui recommandait de ne pas reconnaître la Croatie tant que les droits des Serbes de la Krajina (finalement victimes d’un nettoyage ethnique en 1995) n’auraient pas été reconnus?
Les Français n’auraient-ils pas le droit d’éprouver une certaine “Schadenfreude” (terme allemand qui désigne spécifiquement la joie éprouvée devant le malheur des autres) à voir l’Allemagne victime de son arrogance sur la question du nucléaire civil. Ah, vous n’en aviez pas besoin? Et vous voilà à devoir non seulement polluer la planète avec vos centrales à charbon mais surtout devoir choisir entre geler de froid l’hiver prochain et faire la paix avec la Russie.
L'Europe, ce n'est pas cela, Olaf!
Tu paies pour le manque d’anticipation de tes prédécesseurs à la Chancellerie (sauf Schröder), cher Olaf. Mais qu’est-ce qui t’empêche d’être courageux? L’épée de Damoclès des possibles scandales financiers que tu n’arrives pas à étouffer et que les dirigeants américains, avec leur respect des alliés, bien connu, agitent peut-être contre toi dans les coulisses?
Cela explique-t-il tout? Ne paies-tu pas aussi pour cette surestimation de vous-mêmes (Selbstüberschätzung) qui vous caractérise alors que par bien des aspects vous autres Allemands êtes des Européens ordinaires, très ordinaires, même?
Vous avez rétabli la discipline budgétaire, en Grèce, mais à quel coût humain? Vous en avez fait à votre tête en Ukraine, au côté des Américains, depuis la révolution orange de 2004, mais assumez-vous le désastre? Vous auriez pu retenir la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne mais vous avez été sourds à tous les signaux faibles – puis de plus en plus forts – qui étaient émis à Londres depuis le Traité de Lisbonne (2008) ? Vous avez étalé votre bien-pensance humanitaire en accueillant sans contrôle des centaines de milliers de migrants à l’automne 2015 mais du coup des dizaines de mes compatriotes sont morts au Bataclan sous les balles de terroristes qui s’étaient dissimulés dans la masse des migrants passants par l’Allemagne.
Mais peut-être le pire de tout cher Olaf, est-il la vulgarité et la médiocrité de vos affiches de propagande pour se doucher a minima. Je sais bien que la “civilisation des mœurs” dont parle Norbert Elias ne s’est pas arrêtée durablement chez vous: la société de cour, c’était plutôt Vienne, Florence, Rome, Naples, Madrid, Paris, Londres…et saint-Pétersbourg. La cour de Frédéric II de Prusse relevait plutôt du corps de garde. Vous en avez gardé ce style direct dans les négociations, ce manque de courtoisie, cette capacité aussi à parler de votre anatomie sans pudeur, qui surprennent toujours celui qui découvre l’Allemagne. Je sais bien aussi que dans l’américanisation du monde, cela se remarque de moins en moins. Mais une affiche comme celle de “Toto à la douche”, ça reste tout de même incongru.
Et puis enfin, Olaf, vous prétendez vraiment faire de la grande politique face à Poutine, être les héritiers de Bismarck avec de telles niaiseries?
En tout cas, laisse-moi te dire, Olaf, que l’Europe ce n’est pas cela. L’Europe c’est une culture qui a donné les cathédrales, la peinture de la Renaissance, la musique classique, une littérature qui s’exprime dans des langues diversifiées – y compris le russe; l’Europe ce sont les révolutions scientifiques et industrielles, l’exploration de toute la planète et l’invention des droits de la personne.
A tout cela vous avez participé, plus qu’à votre tour, vous autres Allemands. Jusqu’à récemment. Et votre histoire révèle un secret de l’Europe, presqu’à votre insu. Les grandes révolutions matérielles se sont enracinées dans un solide sens spirituel, éthique. Les grands siècles allemands, comme le XIXè siècle, sont le fruit de jaillissements spirituels, artistiques, éthiques préalables. Il n’y a pas de Bismarck sans Goethe avant lui. Et Peter Watson a décrit ce squ’il appelle le génie allemand (The German Genius) au XIXè siècle, qu’il qualifie de “troisième renaissance”. Pas d’épanouissement des ouvriers allemands à la fin du XIXè siècle, sans la pensée sociale de Monseigneur von Ketteler. Mais l’inverse est vrai aussi: vos plus grands malheurs sont venus d’un effondrement culturel et moral. Peut-on imaginer Hitler sans les éructations antisémites de Wagner, cet artiste dévoyé, et sans le cynisme d’un Heidegger encourageant en sous-main la nazification de l’université allemande?
Dans le cas qui nous occupe,celui de la “douche à Toto”, on n’aura pas le retour des Walkyries ni le culte de Siegfried. Non, c’est plutôt le degré zéro de la culture, de la pensée. Le gâtisme, peut-être, d’une société vieillissante. Mais, face à Poutine, à Xi Jinping, à Erdogan; face face aussi aux défis du transhumanisme, cet individualisme exacerbé et nazifiant, la question de savoir si Toto se lave bien les fesses ne va pas vraiment nous aider.
Vous payez, d’une autre manière que nous, mais non moins profondément, pour l’effondrement du christianisme – pensons au rejet par les évêques allemands de l’occasion historique que fournissait l’accession du Cardinal Ratzinger au trône de Pierre; pour votre réel déclin éducatif; pour votre incapacité à retrouver, après 1990, une souveraineté complète (maintien des bases américaines); pour la financiarisation exagérée de l’économie.
Voilà pourquoi, cher Olaf, tu dois comprendre que nous autres Français, nous allons bientôt reprendre notre liberté. Et te laisser avec Toto, Robert, Analena, Uschi (comme tu appelles Ursula, la fille qui griffe et qui te tirerait les cheveux si tu en avais encore) et le reste du Kindergarten, dans votre bac à sable.
Nous non plus, cela ne va pas très fort. Nos dirigeants sont soit veules soit corrompus et ont eu le cerveau lavé par le régressisme individualiste. Notre industrie est en lambeaux; notre Ecole est au fond du trou; le chômage réel est tu par les statistiques officielles; nos évêques sont, sauf exception, ce qu’un de tes compatriotes, Drewermann, appelait “des fonctionnaires de Dieu”; notre capacité d’assimilation et notre idéal républicains sont piétinés. Mais il nous reste suffisamment de lucidité; une partie de notre jeunesse est suffisamment patriote pour que nous nous rappelions avec émotion les mots de Clemenceau le 11 novembre 1918, qui affirmait que “la France retrouverait sa place dans le monde pour poursuivre sa course magnifique dans l’infini du progrès humain, autrefois soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, toujours soldat de l’idéal”.
Depuis des décennies, le Spiegel et d’autres de vos médias se sont gaussés du patriotisme du Général de Gaulle et de ce qu’ils appellent – d’une expression jamais utilisée par les Français – “la grande nation”. Je ne sais pas si nous redeviendrons grands un jour. Mais libres nous en avons bien l’intention, cher Olaf. Et l’affiche de la “douche à Toto” nous incite à accélérer notre libération.
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