La marine russe a réceptionné le sous-marin nucléaire K-329, affichant une longueur record de 180 mètres. Il emportera notamment une nouvelle arme présentée en 2018 par Vladimir Poutine comme «invincible».
La marine russe a reçu le 8 juillet un nouveau sous-marin à propulsion nucléaire. Pour un pays qui dispose en la matière d'une longue tradition depuis l'ère soviétique, rien d'exceptionnel à cela, mais le K-329 Belgorod présente plusieurs caractéristiques qui le rendent très particulier, voire unique en son genre. Affichant quelque 180 mètres, il est le plus long sous-marin au monde, dépassant très légèrement les célèbres Typhoon soviétiques, qui ont inspiré à Tom Clancy l'intrigue d'À la poursuite d'octobre rouge en 1984.
Au-delà de cette course au gigantisme de style très soviétique, la principale caractéristique du Belgorod est ailleurs. Sorti du chantier naval de Sevmash, dans les eaux glacées de la mer Blanche à Severodvinsk, le sous-marin est officiellement dédié aux «missions spéciales», un qualificatif mystérieux qui renvoie au sein de la flotte russe aux grands «sous-marins-mère» à propulsion nucléaire capables de mettre en œuvre de petits sous-marins de recherche en eaux profondes, eux-mêmes nucléaires, arrimés sous leur coque. C'est la très secrète «Direction principale de la recherche en eaux profondes» (GUGI en russe) qui opère ces bâtiments-espions, capables, entre autres, d'aller fureter autour des précieux câbles sous-marins.
Recherches en eaux profondes, mais pas seulement
«Aujourd'hui est un jour important pour nous, avec la signature du certificat d'acceptation du sous-marin de recherche Belgorod et son transfert à la flotte. […] Le Belgorod offre de nouvelles opportunités à la Russie pour la conduite de diverses études, d'expéditions scientifiques et d'opérations de sauvetage dans les zones les plus reculées du monde», a pudiquement commenté le 8 juillet l'amiral Nikolaï Evmenov dont les propos ont été rapportés par le site Opex 360 spécialisé dans les questions de défense.
Pudiquement, car le chef d'état-major de la marine russe n'a en effet pas mentionné l'autre caractéristique - voire la caractéristique principale - du K-329, qu'on ne peut manquer d'observer à la proue du navire. Celle-ci laisse apercevoir les contours de tubes lance-torpilles surdimensionnés par rapport à ceux d'un sous-marin classique. Et pour cause, les armes qu'emportera le Belgorod n'auront rien d'ordinaire. Il s'agira de torpilles à propulsion et à charge nucléaires, une nouvelle catégorie d'armes dans la panoplie de l'arsenal atomique russe.
Baptisées Poseïdon ou Status-6, ces torpilles, qui sont en réalité plutôt des drones sous-marins, ont été présentées par Vladimir Poutine en mars 2018 au milieu de divers systèmes, notamment des missiles hypersoniques, qualifiés par le président russe d'«invincibles». De dimensions imposantes - 24 mètres de long et 2,5 de diamètre -, cette arme nucléaire encore en essai pourrait atteindre les 200 km/h, une vitesse inatteignable sans «l'effet de cavitation», une technologie que les Russes maîtrisent depuis les années 1970 et qui consiste à créer une enveloppe de bulle d'air autour de la torpille pour réduire les frottements de l'eau. En outre, elle pourrait plonger jusqu'à 1000 mètres et disposerait d'une autonomie d'environ 10.000 kilomètres grâce à sa propulsion nucléaire.
En quelques heures, une telle arme dotée d'une charge nucléaire de plusieurs mégatonnes pourrait ainsi frapper des territoires côtiers, provoquant des tsunamis d'autant plus dévastateurs que l'ajout de cobalt 60 pourrait encore amplifier les retombées radioactives. Les torpilles Poséidon pourraient ainsi rendre inhabitables des zones littorales pendant plusieurs décennies. L'effet dissuasif pourrait être puissant si l'on songe au développement croissant des zones urbaines le long des côtes.
Deux autres sous-marins nucléaires en 2022
Derrière le discours triomphaliste du Kremlin au sujet de cette «superarme», des doutes poignent pourtant parmi les experts. «De deux choses l'une : soit on l'utilise à vitesse maximale, mais elle serait alors détectée par tous les sonars et probablement détruite avant d'atteindre sa cible, soit elle est employée sur un mode discret, se déplaçant lentement en eau profonde avec moins de possibilités d'être détectées, analysait par exemple l'historien naval Igor Delanoë dans Le Figaro en 2021. Mais, en Atlantique Nord, poursuit l'expert, il lui faudrait alors plusieurs jours pour atteindre sa cible - New York par exemple. Cela la rend peu susceptible d'être utilisée en première frappe. Comme arme de représailles, elle aurait également peu d'intérêt.»
En attendant, il faudra encore du temps - très certainement des années - pour que le Belgorod, dont la construction, commencée en 1992, a été rapidement interrompue avant de reprendre en 2006, puisse déployer réellement le drone sous-marin Poseïdon, qui n'est pas encore opérationnel. Au moins un second porteur de cette arme, le sous-marin nucléaire Khabarovsk, qui pourrait être admis au service actif en 2024, est actuellement en construction à Sevmash. Cette année, le chantier naval devrait par ailleurs livrer deux autres sous-marins nucléaires à la flotte russe, un sous-marin lanceur d'engins Boreï-A et un sous-marin d'attaque Yasen-M.
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