Décidément l’ivermectine fait peur, tout est bon pour éviter de la prescrire, pour éviter les études pouvant démontrer une potentielle efficacité. S’il y a 84 études sur le sujet, celles qui tentent de démontrer que cela ne fait rien sont pour le moins surprenantes, parfois douteuses. Le dernier grand essai, Together, semble bien avoir été conduit pour donner ce résultat, en espérant une suite, comme celle du LancetGate avec Surgisphère qui a fermé la porte à l’hydroxychloroquine, sans que ceux qui ont fermé cette porte en raison de l’étude, ne l’aient rouverte une fois la vaste farce découverte. Le scénario vient de se reproduire en Afrique du Sud, qui vient de retirer l’ivermectine.
En France le problème a été réglé en amont : il n’y a pas d’étude, elles ont été interdites pour que l’on ne sache pas. Malgré des résultats à quasi 100%, tant en prophylaxie qu’en curatif dans 2 Ehpads de la région parisienne au tout début de l’épidémie (Bernigaud et Loué), en pleine hécatombe dans les Ehpads, l’Inserm a refusé les études proposées, alors qu’il leur était si facile, avec des millions de cas, de faire une étude rapide, transparente, pour démontrer que cela ne marche pas ! Ils ne l’ont pas fait car il ne fallait pas savoir. Pourquoi ?
Au niveau européen, le cas Andrew Hill a été réglé : trouvant de trop bons résultats, certains sont intervenus pour mettre le holà — l’auteur a reconnu dans une discussion privée enregistrée sur Zoom que ses conclusions avaient été modifiées par des personnes extérieures — ce qui a permis à l’EMA, puis à l’ANSM, de dire que l’ivermectine n’avait pas d’effet. Pourtant, écrire qu’il faut plus d’études, seule proposition retenue (tout en refusant ces études), n’annule en rien les constatations de l’étude : 75% d’amélioration.
Pour l’ivermectine, deux soi-disant grandes études étaient censées établir « la » vérité : Principle et Together. Principle, pilotée par l’université d’Oxford, s’est bien moquée du monde et des patients qui meurent : l’étude a été arrêtée … « faute d’approvisionnement en ivermectine » ! Ils en manquaient, alors que des centaines de millions de doses étaient disponibles dans le monde entier. Une première pour annuler une étude dont les résultats pourraient ne pas plaire.
Together : c’est un essai clinique pour tester d’anciennes molécules, mené au Canada, au Brésil et aux Etats-Unis. Ont été testés hydroxychloroquine, ivermectine, lopinavir-ritonavir et fluvoxamine, mais aussi metformine, doxazosine et interféron lambda. L’étude qui concerne l’ivermectine vient d’être publiée dans le New England Journal of Medecine. Et elle pose problème, avec nombre d’anomalies.
Pour commencer, il a fallu 9 mois pour publier (7 mois pour la publication du preprint), après présentation des résultats lors d’une conférence de presse le 6 août 2021, alors que le travail sur la fluvoxamine a été terminé en même temps, et a été publié plus rapidement, en octobre 2021. Comme s’il avait fallu du temps pour « arranger » les résultats. La constatation de chiffres différents entre la présentation d’août 2021 et la publication, et les propos surréalistes de certains auteurs, ne sont pas faits pour donner confiance dans cette étude. En effet, alors que l’étude affirme que l’ivermectine est sans effet, l’auteur dans la discussion après présentation dit : “Je ne considère vraiment pas notre étude comme négative, et à l’occasion de cette conférence, vous m’entendrez retirer des déclarations précédentes où j’avais été négatif. Si plus de participants avaient été enrôlés, il y aurait eu une signification statistique en faveur de l’efficacité de l’ivermectine. Je soutiens qu’en fait, il y a un signal clair que l’IVM fonctionne chez les patients Covid-19, mais que notre étude n’a pas atteint la signification statistique.” Ce comportement rappelle celui de Hill : des auteurs mal à l’aise devant des modifications de leur travail ?
Alors creusons un peu, les anomalies sont très nombreuses et devraient conduire au retrait de l’article, comme cela a été le cas pour Surgisphère… une fois le mal fait.
Ce qui suit s’appuie en grande partie sur l’enquête minutieuse et palpitante menée sur sa page Substack par Alexandros Marinos, qui se présente comme un adepte des méthodes rigoureuses du rationalisme, et qui expose clairement ses raisonnements, ses calculs et ses sources, de façon à ce que l’on puisse vérifier et éventuellement critiquer ses exposés.
Rappel sur la conception de l’essai Together
Cet essai a un principe séduisant : il s’agit de comparer en même temps plusieurs traitements possibles avec un même groupe placebo. De ce fait, proportionnellement moins de patients reçoivent un placebo qu’un traitement potentiellement efficace.
Ainsi, lopinavir/ritonavir et hydroxychloroquine ont été testés en même temps, entre juin et septembre 2020, face à un même groupe placebo.
Puis à partir de janvier 2021, ont commencé les essais sur ivermectine, fluvoxamine et metformine, face à un nouveau groupe placebo, jusqu’en juillet 2021. Concrètement, au fil des enrôlements de patients dans l’essai, environ un patient sur 4 était affecté au groupe fluvoxamine, un sur 4 au groupe metformine, un sur 4 au groupe ivermectine et un sur 4 au groupe placebo.
On le verra plus loin, ce principe séduisant a eu dans la pratique des conséquences extrêmement problématiques, notamment le fait que l’essai ne s’est en réalité plus déroulé en double aveugle : il est vite devenu très facile pour les expérimentateurs de savoir quels patients recevaient de l’ivermectine et quels autres un placebo.
Le bras ivermectine
L’essai Together ayant plusieurs « bras » testant chacun un traitement, intéressons-nous d’abord à celui testant l’ivermectine.
Il s’agissait donc de comparer le destin des patients dans un groupe traité par ivermectine à celui des patients du groupe contrôle recevant un placebo.
Plusieurs problèmes posés par l’essai sont faciles à comprendre :
1) Les concepteurs de l’essai ont choisi des conditions qui minimisaient la possibilité d’une efficacité du traitement à l’ivermectine :
- Dans un premier temps, ils ont lancé l’essai avec une dose infime d’ivermectine : la prise unique d’une dose de 0,4mg/kg. (Pour comparaison, la FLCCC suggérait en février 2021 un traitement de 0,3mg/kg par jour pendant 5 jours ou jusqu’à la disparition des symptômes.)
- L’essai à dose unique d’ivermectine a rapidement été interrompu (les justifications varient selon les déclarations des auteurs), pour être remplacé par un nouveau protocole expérimental, prévoyant non plus une seule mais 3 doses d’ivermectine à 0,4mg/kg. Cela restait plus faiblement dosé que ce que recommandait la FLCCC, mais de plus, sans justification, la dose quotidienne d’ivermectine était plafonnée : elle était calculée à 0,4mg par kg pour les personnes pesant jusqu’à 90 kg (qui recevaient donc 36mg d’ivermectine par jour pendant 3 jours), mais au-delà de 90kg, les patients recevaient la dose plafond de 36mg par jour, et pas davantage. Ainsi, les personnes en surpoids ou obèses — précisément les plus à risques face au Covid — étaient spécifiquement sous-dosées. Or, l’étude publiée précise qu’environ la moitié des patients participant à l’essai étaient obèses. (Précisément 48,9 % des patients traités à l’ivermectine avaient un indice de masse corporelle (BMI) supérieur à 30.) Certes, selon leur taille, des personnes obèses pouvaient peser moins de 90kg et ne pas être concernées par le sous-dosage, mais il est manifeste que le sous-dosage généré par le plafonnement des doses concernait une part importante des patients de l’essai.
- Les prises ont été faites à jeun, ce qui divise par deux l’absorption de l’ivermectine. Ceci a été fait en toute connaissance de cause puisque les auteurs s’en expliquent. La méthode est très simple : si vous voulez montrer qu’un produit ne fait rien, donnez le dosage minimum, et si vous voulez montrer son efficacité, forcez les doses. Principle avait fait de même, en pire, et avait remonté les doses sous la pression de la FLCCC, avant d’arrêter l’essai par manque de comprimés.
- L’ivermectine a été donnée en monothérapie, alors que tous les protocoles l’associent avec de la Doxycycline ou de l’Azithromycine. Il est également connu que l’ivermectine est un ionophore de zinc, et qu’elle est donc plus efficace avec du zinc qui augmente sa biodisponibilité. Vous avez une trithérapie pour le VIH, si vous passez en monothérapie, ce n’est plus la même chose !
2) Le groupe placebo n’était pas forcément sans traitement. L’essai se déroulait au Brésil, dans une région où l’on pouvait se procurer de l’ivermectine sans ordonnance, et où elle connaissait un pic de consommation, sa réputation d’efficacité en prévention et en traitement étant assez répandue. Or, le protocole expérimental ne fixait aucune condition d’exclusion de l’essai liée à la consommation d’ivermectine préalablement à l’enrôlement dans Together. Il n’est donc pas possible d’exclure qu’une partie du groupe placebo ait été « sous ivermectine » du fait d’un traitement préventif. On retrouve là un des travers des études de Lopez-Medina et de Vallejos : on ne peut pas exclure que la faible différence d’évolution observée entre les groupes placebo et ivermectine soit en partie due à la consommation d’ivermectine par une partie du groupe contrôle, avant (voire pendant) l’essai.
3) Du fait du changement de protocole expérimental de l’essai sur l’ivermectine, avec le passage d’une dose à trois doses, le groupe « 3 doses d’ivermectine » a pris du retard : au lieu de commencer à être recruté en janvier 2021, en même temps que les groupes fluvoxamine, metformine et placebo, il a commencé à la 4ème semaine de mars 2021, alors que les autres groupes, et en particulier le groupe placebo, avaient déjà recruté plusieurs dizaines de patients. Les groupes placebo et ivermectine n’ont donc pas intégralement été testés en même temps. Cela pourrait être sans importance, mais ce n’est pas le cas, comme on va le voir. Le graphique ci-dessous, tiré du diaporama présenté par l’équipe de Together lors de la conférence de presse d’août 2021, indique, pour chaque semaine, combien de patients ont été enrôlé dans chacun des groupes de l’essai, jusqu’en juillet 2021.
Comme on le voit, après l’abandon de l’option « 1 dose » et un retour à la case départ pour la branche ivermectine de l’essai, afin de rattraper le retard et recruter un groupe « 3 doses » d’ivermectine de taille suffisante, on a cessé de répartir équitablement les patients enrôlés entre les groupes : une grande partie des patients recrutés sur la quatrième semaine de mars 2021 ont été affectés au traitement par 3 doses d’ivermectine (83 patients sur les 146 enrôlés) et durant les semaines suivantes, de façon moins marquée, on a continué à affecter davantage de patients au groupe « 3 doses d’ivermectine » qu’aux groupes placebo et autres traitements. (La metformine a été abandonnée à partir du 5 avril, comme on le voit sur le graphique — avec toutefois deux recrutements incongrus en avril et juin.)
Les patients du groupe « 3 doses d’ivermectine » enrôlés entre le 22 mars et le 19 avril représentent par conséquent une part non négligeable du groupe « 3 doses » : 204 patients sur 679. Or — c’est fortuit mais ça pèse lourd dans les bilans de l’essai — la mi-mars a été marquée au Brésil par la montée en puissance de l’épidémie du variant Gamma — sensiblement plus mortel que les variants présents entre janvier et mars — et par une forte létalité chez les patients Covid (due à la forte létalité du variant gamma, mais peut-être aussi à l’engorgement hospitalier et à des soins dégradés.)
Sur le graphique ci-dessous, on a représenté le taux de mortalité dans quelques états brésiliens, dont le Minas Gerais (en vert épais), où se déroulaient les essais. On constate que le recrutement du groupe placebo avait commencé à un moment de plus faible mortalité, durant la période précédant la montée d’une vague de haute mortalité, au cours de laquelle ce sont surtout des patients « 3 doses d’ivermectine » qui ont été recrutés.
Ainsi, de façon déséquilibrée par rapport au groupe placebo, les patients du groupe ivermectine ont été davantage recrutés durant une période où, du fait de la virulence d’un nouveau variant, ils avaient un risque plus élevé de subir des formes graves ou de décéder. La non-synchronicité du recrutement et du traitement du groupe ivermectine et du groupe placebo a donc un impact sur le bilan respectif des deux groupes. Et la comparaison entre les groupes ne peut pas être faite comme si la seule différence était la nature du traitement reçu — ivermectine ou placebo. Rappelons que c’est pourtant là le principe-même d’un essai clinique !
Une étude en faux aveugle
Quel rapport entre un groupe placebo commun et la révélation de « l’identité » des groupes ?
C’est un peu subtil. Il se trouve que la metformine, la fluvoxamine et l’ivermectine n’étaient pas testés avec la même posologie : la fluvoxamine et la metformine étaient données pendant 10 jours, et l’ivermectine pendant 3 jours. Pour que les patients placebo ne puissent pas deviner, par exemple, qu’ils ne faisaient pas partie du groupe ivermectine puisqu’ils prenaient un comprimé pendant 10 jours, on a divisé le groupe placebo en sous-groupes, prenant chacun un traitement de placebo ressemblant à l’un des traitements testés. Certains patients recevaient donc 3 jours de placebo et d’autre 10 jours de placebo. Mais comme on a gardé le principe d’un recrutement du même nombre de patients en placebo et dans chacun des traitements, on a eu des groupes de tailles différentes : le seul groupe de plus de 600 personnes ayant 3 jours de traitement était le groupe ivermectine. Le seul groupe de moins de 300 personnes prenant 3 jours de traitement était un sous-groupe placebo.
Jusque-là, cela aurait pu être gérable tout en restant en double aveugle. Mais voilà : le protocole expérimental prévoyait d’attribuer une lettre (A, B, C etc.) à chacun des groupes ou sous-groupes, de mettre une étiquette portant cette lettre sur chacun des emballages de comprimés, et de distribuer à chaque patient le traitement portant la lettre correspondant à son groupe. Ainsi, assez vite, il était facile de deviner que la lettre distribuée pendant juste 3 jours à peu de patients correspondait à un sous-groupe placebo, tandis que la lettre distribuée pendant 3 jours à de nombreux patients correspondait au groupe ivermectine. Une fois une lettre identifiée comme correspondant à un traitement, les patients étaient également identifiés aux yeux des expérimentateurs : un patient qui recevait un comprimé portant telle lettre était immédiatement identifié par l’expérimentateur comme recevant tel traitement, dès la prise du premier comprimé.
Un essai en « simple aveugle » pose un petit problème quand les expérimentateurs sont neutres, et que, même inconsciemment, ils ne souhaitent pas obtenir un résultat particulier. Mais quand ils ont une préférence, inconsciente ou à plus forte raison consciente voire intéressée, le double aveugle est une condition sine qua non. Or, les principaux auteurs de l’essai Together avaient de forts liens d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques, notamment Pfizer, pour lesquels leur société, Cytel, travaille régulièrement. Et ils ne pouvaient ignorer qu’un essai montrant une forte efficacité de l’ivermectine allait à l’encontre des intérêts commerciaux de leurs clients réguliers.
De quel groupe placebo parle-t-on ?
Une fois paru le preprint de l’étude Together sur l’ivermectine, une question a intrigué : près de 60% du groupe placebo semblait avoir été perdu de vue au cours de l’essai (et seulement 8% du groupe traité à l’ivermectine).
Pour la suite, il faut définir deux notions : intention to treat et per protocol
Dans un essai contrôlé, on distingue plusieurs chiffres : le nombre de patients inclus dans l’essai avec l’intention de leur administrer le traitement ou le placebo (on parle de “intention to treat” ou ITT) et d’autre part le nombre de patients s’étant conformés jusqu’au bout au protocole expérimental (on parle de “per protocol” ou PP).
On le comprend aisément : la seule façon rigoureuse d’estimer l’effet d’un traitement est de comparer le groupe PP traité avec le groupe PP placebo. En effet, un patient qui serait inclus dans le groupe ITT placebo mais qui au bout de quelques jours déciderait de son propre chef de se traiter avec des médicaments achetés en pharmacie — à plus forte raison s’il s’agit du médicament testé par l’essai — ne pourrait plus être considéré comme ayant reçu un placebo : n’ayant pas suivi le protocole, il serait donc exclu de la comparaison finale et ne ferait pas partie du groupe PP placebo. De même, si un patient du groupe ITT affecté au traitement refuse ou oublie de prendre les comprimés qu’on lui donne, ou s’il décide de prendre autre chose en même temps, il ne peut plus être considéré comme un exemple de ce qui se passe si on suit le traitement, et doit être exclu du groupe PP traité. Ou encore, si un patient cesse de donner des nouvelles et qu’on ne peut pas évaluer son état à l’issue du traitement, on doit l’exclure du groupe PP.
Dans la branche ivermectine de l’essai Together, si le nombre de patients ITT était de 679 dans le groupe ivermectine comme dans le groupe placebo, le nombre PP passe à 624 pour le groupe ivermectine mais chute à 288 pour le groupe placebo. Cela signifie-t-il que 391 patients du groupe placebo ITT ont quitté l’essai en oubliant de prendre leurs comprimés de placebo, en décidant de se traiter eux-mêmes ou en ne donnant plus de nouvelles ?
Une explication plus plausible semble avoir été apportée : les auteurs de l’étude ont inclus dans le groupe ITT placebo 679 patients correspondant aux caractéristiques du groupe ITT ivermectine, mais ils n’ont gardé dans le groupe PP placebo que les 288 patients ayant reçu trois doses de placebo. Les patients ayant reçu 10 doses ou 1 seule dose (c’était le cas d’une partie des patients placebo recrutés à l’époque où l’essai se faisait sur une seule dose d’ivermectine) sont donc exclus du groupe PP placebo. Ainsi, ce n’est pas un abandon du protocole par 391 patients : c’est une façon de prendre en compte le fait qu’une partie de ces patients, recevant 1 jour ou 10 jours de placebo, savaient qu’ils n’étaient pas traités avec trois doses d’ivermectine, et que l’effet placebo ne pouvait donc pas jouer de façon strictement équivalente pour eux et pour les patients traités par 3 doses d’ivermectine.
Mais à partir de là, l’étude recèle de graves ambiguïtés. Certes le tableau 2, qui mesure les hospitalisations (résultat principal1 de l’étude), affiche la comparaison entre les groupes ITT mais aussi entre les groupes per protocol ivermectine et placebo. C’est correct.
On y observe d’ailleurs une légère réduction des hospitalisations dans le groupe traité, sans significativité statistique. Mais le tableau 3, qui mesure les résultats secondaires de l’étude, tels que les décès, compare uniquement les groupes ITT, ce qui n’est pas correct. Parmi les 21 décès observés dans le groupe ITT traité à l’ivermectine, combien faisaient partie des 55 patients qui n’ont pas suivi le protocole ? On ne sait pas. Parmi les 24 décès survenus parmi les patients du groupe ITT placebo, un certain nombre avaient un dosage de placebo de 1 ou 10 jours, mais combien étaient sortis du protocole, en choisissant peut-être de se traiter, avec du Remdesivir ou autre chose ? On ne sait pas.
Dans la mesure où on ne peut pas penser que les auteurs de l’étude l’ignorent que la comparaison doit se faire entre groupes per protocol, on peut émettre l’hypothèse qu’en réalité il s’agit d’une erreur de présentation du tableau 3, et que les chiffres rapportés ne concernent pas les 679 patients de chaque groupe intention to treat mais en réalité les 624 et 288 patients des groupes per protocol. Si c’est le cas, ces chiffres indiqueraient une très forte diminution de la mortalité.
Comment en avoir le cœur net ? À plusieurs reprises, des chercheurs ont interrogé les auteurs de l’étude Together pour se faire communiquer le nombre de décès dans les groupes per protocol traités et placebo, ainsi que le nombre d’hospitalisations dans ces deux groupes. Le refus de répondre opposé à une chercheuse qui demandait ces 4 chiffres est accompagné d’une réponse stupéfiante par l’un des auteurs, Edward Mills : « Cette question ne m’intéresse pas, parce que ce n’est pas la bonne façon d’interpréter les résultats » (« I’m not interested in this question as it’s not the correct way to interpret the outcome. »)
Des données fiables ?
Comme si les conditions de déroulement de cet essai ne suffisaient pas à jeter le doute sur la validité des résultats affichés, plusieurs anomalies viennent aussi poser des questions sur la sincérité même des données rapportées.
Plusieurs « petites » anomalies ont alerté. Par exemple, depuis la publication de l’étude sur le site du NEJM, le nombre des événements graves (y compris des décès) a été modifié dans les deux groupes, sans que cela soit expliqué ni même signalé par les auteurs.
Ou encore : les chiffres annoncés lors de la conférence de presse d’août 2021 ne sont pas exactement compatibles avec les chiffres publiés dans l’étude.
Mais d’autres incohérences sont apparemment plus graves et très difficiles à expliquer. Lorsque l’on fait un essai clinique, il est important d’enregistrer les caractéristiques (âge, sexe etc.) et l’état de santé des patients au moment de leur entrée dans l’essai, afin de s’assurer que le groupe traité et le groupe contrôle sont comparables.
L’étude du NEJM permet donc de connaître ces caractéristiques.
Or, comme on l’a dit, l’essai Together a testé la fluvoxamine en même temps que l’ivermectine, en partageant le même groupe placebo, c’est-à-dire les mêmes patients.
Voici le tableau des caractéristiques des patients de l’essai fluvoxamine, publié dans le Lancet :
On voit que les groupes de l’étude ivermectine (679 patients dans chaque groupe) sont un peu plus petits que ceux de l’étude fluvoxamine (autour de 750 patients dans chaque groupe). D’accord. C’est probablement que, ayant recruté moins de monde dans le groupe ivermectine que dans le groupe fluvoxamine, on a laissé de côté une partie des patients placebo, en ne gardant dans le groupe placebo comparé au groupe ivermectine que les 679 patients qui « collaient » le mieux au groupe ivermectine (avec des caractéristiques aussi proches que possible.)
Mais ce qui paraît invraisemblable, c’est que parmi les 679 patients « placebo » gardés en comparaison avec le groupe ivermectine, se trouvent 23 patients atteints de « chronic pulmonary disease » et 60 atteints d’asthme, alors que parmi les 756 du groupe placebo (un groupe plus large, qui contient censément l’ensemble des patients recrutés pour le groupe placebo, il ne s’en trouve que 3 (au lieu de 23) et 16 (au lieu de 60).
Si on zoome sur les Risk factors, on lit sans doute mieux :
En ayant un groupe placebo de 756 patients comptant 16 patients atteints d’asthme, comment les auteurs ont-ils fait pour compter 60 asthmatiques dans un sous-groupe de 679 extrait des 756 patients ? L’hypothèse de données inventées ou arrangées vient forcément à l’esprit.
C’est en tout cas suffisamment surprenant pour que, depuis la parution du preprint, un groupe de 60 scientifiques ait écrit à chacun des auteurs de l’étude pour avoir ces données brutes. (Vous trouverez ce courrier ici, signé entre autres par D. Scheim, R. Accinelli, H. Carvallo, A. Hirsh, P. Kory, T. Lawrie, P. Marik, J. Stone, M. Yagisawa (bras droit d’Omura), et… G. Maudrux.) Et là, ça devient vraiment problématique. Les auteurs ont changé leur discours à plusieurs reprises : lors de l’annonce des résultats par la conférence de presse de 2021, ils ont promis la divulgation des données sur simple demande sitôt que l’étude serait publiée ; puis, depuis que l’étude est publiée, ils ont expliqué que les données étaient confiées à un organisme dédié, l’ICODA, qui examinerait les demandes et enverrait les données aux chercheurs qui les auraient demandées (ce que l’un des auteurs, David Boulware a réitéré par mail en réponse à D. Scheim.) Mais, trois mois après la publication du preprint, aucun chercheur n’a réussi à obtenir ces données pourtant promises depuis 10 mois ; et — coup de théâtre — l’ICODA vient de répondre que les données n’étaient pas en sa possession. Les auteurs auraient donc simplement menti.
Ce mail rappelle un peu celui de l’ANSM à propos de l’enregistrement obligatoire des discussions menant à une RTU :
Que l’on se souvienne : dans ce qu’on appelle le LancetGate, l’article de Mehra et al. sur les « ravages » de l’hydroxychloroquine a été rétracté parce que l’un des auteurs, Sapan Desai, également directeur de la société Surgisphère et seul dépositaire des (prétendues) données brutes, n’était pas en mesure de les communiquer.
On peut donc soupçonner qu’avec Together on puisse être dans un cas de figure semblable, avec des auteurs qui ne sont pas en mesure de communiquer leurs données pour permettre une contre-analyse par d’autres chercheurs.
Les questions soulevées par l’essai Together ne s’arrêtent pas là, mais on ne les examinera pas toutes ici. On peut trouver sur cette page une liste de 56 problèmes repérés, et brièvement exposés. Par exemple, le comité de surveillance et de suivi, prétendument indépendant, était en réalité composé de proches des auteurs. Ou les contradictions des auteurs eux-mêmes entre diverses déclarations. Pour aller plus loin, on peut également lire la série de billets publiés par Alexandros Marinos (en anglais).
Mais qu’on se rassure : l’essai Together sur l’ivermectine a été pris au sérieux : il a conduit les autorités sanitaires américaines (la NIH) à modifier leur recommandation concernant l’ivermectine : Pierre Kory et Andrew Hill avaient obtenu de faire passer la recommandation de « contre » à « neutre » en décembre 2020 ; Together a suffi à la refaire passer à « contre ». Dans la foulée, la SAHPRA en Afrique du Sud a mis fin à son programme d’utilisation compassionnelle de l’ivermectine face au Covid.
Et l’essai Together s’est vu décerner le prix David Sackett de l’Essai de l’Année 2021.
Malgré ces nombreux choix conduisant à minimiser une potentielle efficacité de l’ivermectine (doses, mode de prises, modifications de protocoles, suivi discutable…), on note dans l’étude une diminution de 10% des hospitalisations, de 13% des décès, de 24% des intubations. Cette étude, et toutes celles mises en avant ont aussi un très gros biais : l’âge des participants. Ici, 50% du groupe traité et du groupe placebo ont moins de 50 ans. Dans ces tranches d’âges, il ne peut y avoir de différences significatives entre patients traités et non traités, la maladie ayant peu d’effets. Dans une maladie qui tue 1 000 fois plus après 70 ans qu’avant 50 ans, seuls les patients âgés devraient faire l’objet d’études. Ainsi ces résultats et ces études devraient être comparés à celle de Bernigaud ou de Loué, qui ne concernent que des patients à moyenne d’âge supérieure à 80 ans, avec 100% de résultat. Là on est dans le cœur du sujet, les études avec des patients non concernés par la gravité de l’affection ne font que diluer les vrais résultats. Toute étude sérieuse devrait avoir comme critère d’exclusion les moins de 50 ans (idem pour Activ 6 qui vient de sortir, 57% ont moins de 50 ans).
1 En réalité le résultat principal de l’essai Together sur l’ivermectine est composite : il est défini comme « le nombre de patients hospitalisés ou admis pendant plus de 6 heures dans un service d’urgence ». Il s’agit encore d’une faiblesse de l’étude, car on ne sait pas exactement ce qu’on compare : si 10 % des patients d’un groupe passent 7 heures aux urgences et en ressortent avec plus de peur que de mal, tandis que 10 % des patients de l’autre groupe sont hospitalisés pendant plusieurs jours dans un état grave, les chiffres rapportés seront les mêmes alors que la réalité sera très différente. Mais de plus, le critère de maintien de plus de 6 heures aux urgences relève de décisions potentiellement subjectives, ce qui, associé à la perte du « double aveugle », entache la rigueur et la fiabilité de l’essai.
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