Habitant du siècle numéro vingt et un, ya un truc qui me manque, dans la vie ; je m’en suis rendu compte hier soir en poussant mon Caddie, rayon biscottes. C’est les Triscotte. C’était bien, les Triscotte. C’était une biscotte, mais une biscotte lisse. Un jour, ça n’a plus existé.
T’as remarqué ? On te matraque de pub pour te rendre un produit
indispensable, et puis on te le supprime sans prévenir. Sans blague,
c’est humain, ça ?
J’étais là, entre deux linéaires, nostalgique à tonalité biscottes,
quand paf, profitant de la brèche, un tas d’autres disparus m’ont
assailli la mémoire.
Le petit écouteur rond derrière le téléphone gris, tu te rappelles ? C’était drôlement pratique. Quand t’entendais mal de l’oreille droite, tu prenais l’écouteur pour une rescousse de l’oreille gauche. Ou alors, ton petit frère pouvait écouter la conversation. Sans compter qu’on n’était pas sans cesse, comme aujourd’hui, en train de chercher son téléphone. Il était à sa place, sur le napperon, solidement arrimé au mur par un bon gros cordon.
Bon, attention, ya un tas de trucs qu’existent plus et c’est tant mieux, comme les dimanches sur canapé avec Jacques Martin dans le poste. Bon débarras aussi, les sièges de voiture en plastique. Au retour de la plage, en maillot de bain, tu te retrouvais cuisses frites, sans compter que cette odeur de caoutchouc bouilli aurait collé la nausée au capitaine Haddock soi-même. Et, en parlant de nausée, plus personne n’essaie désormais de te faire avaler de la cervelle, merci la vache folle !
A dégager itou, les sous-pulls en Nylon (on regrettera quand même les étincelles quand on les retirait dans le noir, et les cheveux tout debout sur la tête quand on rallumait la lumière). Et, puisqu’on cause raffinement, la mode des K-Way avec leur ceinture élastiquée, qui te faisaient une deuxième paire de fesses, verte, rouge ou bleue au-dessus de la paire d’origine, on s’en passe sans trop de chagrin.
Rien, c’est mieux qu’Evelyne Leclercq
A côté de ça, supputais-je en traversant le rayon télé-hi-fi, ya plein de trucs qui ont disparu, et on s’en fiche, comme les speakerines ou les cassettes audio. Qui les détestait ? Personne. A qui elles manquent ? A personne. Reste quand même qu’un CD, c’est mieux qu’une cassette, un iPod qu’un Walkman, rien qu’Evelyne Leclercq. Des fois, tu peux pas contester qu’il y a progrès.
Tiens, comme les valises à roulettes. Quand j’étais enfant, on n’en
voyait pas. Comment on faisait ? Y avait des esclaves, ou quoi ?
Le meilleur du progrès, en fait, c’est dans ces petits machins : les
roulettes, les Vache qui rit vachement plus faciles à déballer (avant,
la moitié restait collée dans l’emballage, l’autre moitié entre tes
doigts), et puis les boîtes de conserve avec un anneau dessus pour les
ouvrir. Ça, c’est des trucs malins.
Bon, récapitulais-je en vidant mon charriot sous le nez de la caissière, après :
– les trucs qui ont disparu et qu’on regrette,
– les trucs qui ont disparu et c’est tant mieux,
– les trucs qui ont disparu et on s’en fiche,
– et les trucs nouveaux qui sont bien,
– il reste une catégorie : celle des trucs nouveaux que tu te demandes où est le progrès.
Mais ça, habitant du siècle numéro vingt et un, on en causera lundi prochain.
Mon astuce indispensable, en ce jour tout neuf : quand tu pousses ton Caddie, habitant du siècle numéro vingt et un, c’est le moment d’utiliser ton temps de cerveau disponible pour penser aux trucs importants de la vie.
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