+ On estime, après les redditions d’avant-hier 13 avril (1300 soldats), il resterait environ 5000 des 14 000 combattants de Marioupol retranchés dans l’usine d’Azovstal. “Le ministère de l’Intérieur de la RPD a publié une vidéo montrant la récente tentative de percée des forces armées ukrainiennes de l’usine Illitch à Mariupol, le 11 avril. La percée s’est transformée en déroute. Les combattants de la DPR et de la Russie ont détruit 40 véhicules blindés et 70 marines, et 42 ont été capturés.
Les militaires russes et de la RPD ont surveillé les préparatifs des FAU pour l’opération et ont arrêté la percée de l’usine d’Ilyich encerclée. Le convoi de chars, de véhicules blindés et de camions a été presque détruit. Les prisonniers ont déclaré que cette tentative était “spontanée et mal préparée”. Leurs commandants militaires ne les en ont informés qu’une heure et demie avant l’opération. Ils ont été poussés à la percée par la situation critique avec une pénurie de munitions et de nourriture”
+ L’armée ukrainienne semble avoir subi de particulièrment lourdes pertes durant la journée du 14 avril 2022 (voir bilan ci-dessus):
“L’état-major de l’armée ukrainienne a publié des données sur les pertes le 14 avril. Au cours de la journée, l’AFU a perdu 731 militaires, dont des tués, des blessés et des prisonniers de guerre. Au total, 460 personnes ont été faites prisonnières dans toutes les zones d’opérations de combat. Selon le rapport interne de l’état-major de l’armée ukrainienne, 5 chars, 13 véhicules blindés, 7 canons d’artillerie de campagne et mortiers, 3 MLRS, 18 véhicules et équipements spéciaux, 1 avion, 3 hélicoptères et 2 drones ont été perdus le 13 avril. La partie ukrainienne ne dispose pas du nombre exact de pertes pour chaque catégorie dans ses rapports internes. La communication avec certaines unités a été perdue, certains équipements peuvent être remis en état après la frappe“. Southfront semble avoir accès à des documents internes. Ils ne se retrouvent pas sur les sites officiels, qui enchaînent les déclarations de victoire et insistent sur les pertes de l’armée russe, qui aurait perdu 20 000 hommes tués ou blessés. ce qui représenterait un ratio de 2/3 pour les pertes Russes/Ukrainiens.
+ Il y a des combats intenses dans la région de Kharkov et dans le Donbass, même si la bataille décisive ne semble pas avoir commencé.
- “Il y a des batailles de position avec un bombardement d’artillerie intense à Kharkov. Il y a des dizaines d’explosions chaque jour. La plupart des explosions proviennent de la banlieue. Le chef de la défense locale de Kharkov fait état de victimes civiles mais déclare qu’il n’y a aucune raison d’évacuer”.
- “À Barvenkovo (…) les troupes russes et de la République populaire de Donetsk sont fermement installées (…) et continuent d’avancer vers Slaviansk. Dans une vidéo, le chef de la communauté de Barvenkovo, Oleksandr Balo, affirme que l’armée ukrainienne tient les lignes dans le sud de la région, mais qualifie la situation de grave et exhorte les habitants à évacuer.
- “Des combats très intenses ont lieu dans la République populaire de Loujgansk. L’artillerie de la Fédération de Russie et l’armée ulrainienne se frappent mutuellement. La milice populaire de la République et des volontaires de Tchétchénie finissent de prendre possession de Rubejnoïe et avancent vers Popasnaya. Des combats ont également lieu en direction de Lysychansk et à la périphérie de Severodonetsk.
- Dans la région d’Avdiivka, les ressources ukrainiennes font état de combats acharnés et d’attaques des forces armées russes. Des travaux d’artillerie actifs sont en cours.
- De son côté, l’armée ukrainienne soumet des zones de Donetsk à des bombardements massifs. Des explosions sont observées à Iasinovataïa, Tekstilchtchiki, dans le district de Petrovsky, à Aleksandrovka, etc. Il est également fait état d’une attaque des forces russes près de Bolshaya Novoselka. Des frappes aériennes sont effectuées près de Goulïaypole et Ougledar.
+ L’origine de la frappe qui a endommagé le croiseur Moskva au point qu’il a coulé durant son remorquage à Sébastopol n’est pas claire. L’explication la plus vraisemblable est le tir de deux missiles Neptune depuis la côte ukrainienne, qui ont touché leur cible grâce à une assistance en temps réel de satellites de l’OTAN. Un analyste fait remarquer que la Grande-Bretagne est capable d’avoir conçu l’opération. La nouvelle a été un choc pour l’opinion russe. Une partie des éditorialistes russes réclame des représailles lourdes. C’est un coup au prestige russe. Pour autant, je ne crois pas que cela conduise à changer la façon de faire la guerre de l’armée russe. Si l’hypothèse d’une assistance de l’OTAN au tir ukrainien est avérée, il s’agit d’une provocation destinée à créer une escalade. On est dans la logique du Tchernobyl stratégique qui caractérise la stratégie occidentale et ukrainienne. Notre thèse, c’est que la raison d’être de l’opération russe en Ukraine est de “refroidir le réacteur” pour éviter l’accident nucléaire.
+L’armée ukrainienne continue de multiplier les provocations en tentant des incursions en territoire russe:
“Le 13 avril, un autre incident se produit à la frontière. Les autorités locales de la région russe de Kursk ont signalé des tirs d’armes légères à un poste de contrôle dans le village de Gordeevka, à la frontière avec l’oblast ukrainien de Sumy. Les tirs ont été réprimés, et il n’y a pas eu de victimes ni de destruction du côté russe. Plus tard dans la soirée, le ministère russe de la Défense a déclaré que si ces attaques sur le territoire russe se poursuivaient, les forces armées russes lanceraient des frappes contre les centres de décision, y compris Kiev, ce que l’armée russe s’est abstenue de faire jusqu’à présent”.
De fait, suite à de nouvelles attaques hier 14 avril, l’armée russe a frappé cette nuit des bâtiments à Kiev comme le rapporte le Ministère russe de la Défense.
“Ce soir, des missiles Kalibr de haute précision et à longue portée basés en mer ont frappé une installation militaire dans la banlieue de Kiev. La frappe sur l’usine de construction mécanique Vizar de Zhulyansk a détruit les ateliers de production et de réparation de systèmes de missiles anti-aériens à longue et moyenne portée ainsi que de missiles antinavires.
Le nombre et l’ampleur des frappes de missiles sur les installations de Kiev seront renforcés en réponse à toute attaque terroriste ou sabotage sur le territoire russe par le régime nationaliste de Kiev”.
+ Passez du temps sur la page Facebook de l’armée ukrainiennes, vous pourrez compter le nombre de fois fois où les Russes sont traités de “porcs” ou d’ “orcs”. (utilisez plutôt un bon logiciel de traduction tel que DeepL ou Yandex mais même Google arrive à rendre le contenu de messages au contenu assez pauvre)
+ Patrick Lancaster, journaliste américain indépendant, fait un reportage sur la découverte à Marioupol de cadavres aux mains liées dans le dos – comme un certain nombre de cadavres montrés à Butcha. Cela signerait-il l’origine ukrainienne des meutres dans les deux cas?
L'assistance de l'OTAN à l'Ukraine devient de plus en plus visible
+ Il y aurait des ressortissants de pays de l’OTAN parmi les prisonniers de Marioupol.
+ Les Etats-Unis testent-ils des produits qui rendent moins sensibles à la douleur et au stress du combat sur les soldats ukrainiens ? Certains témoignages de prisonniers de guerre ukrainiens le donnent à penser.
+ Il n’est pas encore possible d’évaluer ce que le Ministère de la Défense russe dit des documents en sa possession sur des laboratoires consacrés à la guerre biologique. Néanmoins, il pourrait s’agir d’un énorme scandale, affaiblissant le récit occidental sur la guerre.
+ L’Ukraine veut acheter des drones Reaper aux Etats-Unis. Comme personne en Ukraine n’est entraîné à leur maniement, cela signifierait de facto une entrée ouverte des Etats-Unis dans la guerre. Une bonne analyse des questions qui se posent:
Qui est aux commandes ?
L’armée de l’air ukrainienne étant pratiquement clouée au sol, les équipages ne manquent pas et n’ont rien à faire, mais il se pourrait bien que certains d’entre eux se trouvent déjà aux États-Unis pour obtenir une “certification de type” sur ces appareils. Si l’on considère les autres entraînements qui ont eu lieu aux États-Unis avant le conflit, il se peut que Washington ait déjà organisé la formation secrète des pilotes, cette dernière demande de Zelenskiy faisant simplement partie d’un scénario convenu au préalable. Dans les deux cas, même si le personnel navigant est disponible, d’autres préoccupations doivent être examinées.
Voler près du vent.
Après deux mois d’efforts de la Russie, il reste très peu de pistes d’atterrissage utilisables en Ukraine, même à l’Ouest. Cela dit, même avec des pilotes et des avions, les options de Kiev sont très limitées en ce qui concerne l’endroit où ces drones seraient ou même pourraient être basés, mais existe-t-il un plan pour qu’ils soient exploités à partir du flanc le plus à l’est de l’OTAN ? Si tel était le cas, non seulement ils seraient à l’abri d’une attaque au sol, mais le personnel américain pourrait effectuer la maintenance et les réparations sans risque d’attaque, les armements dont ils ont besoin, comme les missiles, étant en sécurité derrière les frontières et “hors de portée” des forces russes. Ces avions de trente millions de dollars souffrent des mêmes problèmes que les avions de combat modernes, avec des programmes d’entretien très intensifs et des missiles Kalibr qui bourdonnent autour d’eux, ce qui ne correspond pas à la façon dont ils sont censés être utilisés.
Qui vole ?
Après avoir examiné les difficultés précédentes concernant le personnel navigant, est-il possible que ces drones soient exploités “pour le compte” du gouvernement ukrainien depuis les États-Unis ? Si des entrepreneurs privés les exploitaient, ils ne seraient alors pas sous le contrôle direct de Washington, ce qui leur permettrait de survoler l’espace aérien ukrainien comme ils le faisaient avant le conflit. En outre, si ces drones devaient causer des pertes civiles en Ukraine comme ils l’ont fait ailleurs, le gouvernement américain pourrait alors nier toute implication. Une telle mesure ne serait pas une ligne rouge, mais un pas que le monde occidental est prêt à franchir pour faire monter encore plus haut une situation déjà exacerbée, vu la rapidité avec laquelle la situation s’est détériorée tant pour l’armée ukrainienne que pour les économies occidentales.
+ Le Washington Post s’est procuré le texte de la note diplomatique dans laquelle la Russie lance un avertissement aux Etats-Unis concernant les livraisons d’armes à Kiev.
+ La Russie prévient que l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN l’obligerait à déployer des armes nucléaires dans la région de la Baltique.
+ Visiblement, le sort des opposants à Zelenski n’émeut pas les Occidentaux. La femme de Medvedchuk a cependant affirmé, lors d’une conférence de presse, que son pari avait été violemment traité par le SBU. Mais l’Occident se comporte comme feu l’Union Soviétique: on décide de qui est victime suivant que les gens sont ou non du bon côté de l’Histoire.
+ Il y a les manipulations, aussi: la photo d’un enfant amputé est bien celle d’un garçon ukrainien. Mais elle date de 2015. L’enfant est une victime de la guerre du Donbass commencée en 2014.
+ Le gouverneur de la Crimée se demande avec humour comment on doit écrire Vladimir Zelenski maintenant que les lettres “V” et “Z” (initiales sur les chars russes au combat en Ukraine) ont été condamnées par le parlement ukrainien.
+ La sénilité de Joe Biden était connue avant son entrée à la Maison Blanche. Elle a été soigneusement tue par les médias, qui ne voulaient pas donner des arguments à Donald Trump. Elle devient plus visible chaque jour. Et elle est en soi terrifiante car nul ne sait qui gouverne à Washington. Alors qu’une escalade nucléaire est possible. Bien entendu, une interprétation optimiste porterait à penser que Vladimir Poutine a choisi le moment ou de facto il n’y a pas de commandant en chef aux Etats-Unis. Mais l’absence de leadership, en fait, ouvre à toutes les manipulations.
Guerre économique
+ La Chine a fait savoir qu’elle n’avait pas l’intention de puiser dans ses réserves pour détendre l’approvisionnement alimentaire de l’Europe.
+ Toujours de Chine: “Les Etats-Unis devraient cesser de faire des remarques irresponsables et faire plus pour la stabilité et la paix dans le Pacifique sud”. (déclaration officielle du Ministère des Affaires étrangères)
+ Enfin, la Chine a fait savoir qu’elle était prête à toutes les mesures pour contrer les tentatives de rendre Taïwan indépendante.
+ Aux Etats-Unis, l’inflation est à 8,5% en mars.
+ L’Union Européenne a décidé de repousser une éventuelle décision concernant un embargo sur la gaz russe au lendemain de l’élection présidentielle française. Ce serait drôle si, malgré cette petite manoeuvre, Marine Le Pen était élue!
+ Les USA ont fait savoir qu’ils n’avaient pas l’intention de rendre les avoirs gelés à la Russie.
+Les réserves de change russes ont augmenté de 2,9 milliards de dollars depuis le début de la guerre et des sanctions. Les importations de charbon russe par l’Inde ont atteint un record. Le commerce entre la Chine et la Russie a augmenté de presque 30%.
+ Les BRICS sont arrivés à une position commune pour condamner les sanctions:
“Du 12 au 13 avril 2022, le coordinateur des BRICS de la Chine et vice-ministre des affaires étrangères Ma Zhaoxu a présidé la deuxième réunion des sherpas des BRICS 2022, à laquelle ont participé les coordinateurs des autres pays des BRICS.
Les pays des BRICS sont très préoccupés par la situation actuelle en Ukraine et ont réitéré leurs positions nationales respectives. Les pays BRICS ont exprimé leur soutien au multilatéralisme, à l’adhésion aux buts et principes de la Charte des Nations unies, au respect des préoccupations légitimes de tous les pays en matière de sécurité, et à la poursuite du dialogue et des pourparlers entre la Russie et l’Ukraine afin de trouver une solution globale à la question ukrainienne. Les pays BRICS ont exprimé leur inquiétude quant à la situation humanitaire en Ukraine et dans les environs et ont soutenu tous les efforts d’assistance humanitaire à l’Ukraine, y compris les contributions du Comité international de la Croix-Rouge et des agences des Nations Unies.
Les pays BRICS sont particulièrement préoccupés par les graves conséquences des sanctions unilatérales sur la reprise économique mondiale, la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement, la sécurité énergétique et alimentaire, ainsi que sur la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable, et demandent qu’une grande importance soit accordée aux préoccupations des pays en développement dans leur ensemble et qu’une solution efficace y soit apportée afin de s’assurer que leurs économies et les moyens de subsistance de leurs populations ne soient pas affectés“
La mondialisation multipolaire selon Sergueï Glaziev
+ Sergueï Glaziev, ministre russe en charge de l’intégration macroéconomique pour l’Union Economique Eurasiatique accorde un long entretien au magazine en ligne The Cradle. Il vaut la peine d’en prendre connaissance car cela prouve que le gouvernement russe ne s’est pas lancé dans un conflit ouvert sans avoir des réponses prêtes aux sanctions.
- “Il y a plus de dix ans, mes collègues du Forum économique d’Astana et moi-même avons proposé d’opérer une transition vers un nouveau système économique mondial fondé sur une nouvelle monnaie d’échange synthétique basée sur un indice des monnaies des pays participants. Plus tard, nous avons proposé d’élargir le panier de devises sous-jacent en y ajoutant une vingtaine de produits de base négociés en bourse. Une unité monétaire basée sur un tel panier élargi a été modélisée mathématiquement et a démontré un haut degré de résilience et de stabilité. (…)
- À peu près au même moment, nous avons proposé de créer une large coalition internationale de résistance dans la guerre hybride pour la domination mondiale que l’élite financière et du pouvoir des États-Unis a déclenchée sur les pays qui restaient hors de son contrôle. Mon livre La dernière guerre mondiale : les USA vont prendre l’initiative et perdre, publié en 2016, expliquait scientifiquement la nature de cette guerre à venir et plaidait pour son caractère inévitable – une conclusion basée sur les lois objectives du développement économique à long terme. Sur la base de ces mêmes lois objectives, le livre argumentait l’inévitabilité de la défaite de l’ancienne puissance dominante.
- (…) Le nouveau système économique convergent qui a émergé en RPC (République populaire de Chine) et en Inde est la prochaine étape inévitable du développement, combinant les avantages à la fois de la planification stratégique centralisée et de l’économie de marché, et à la fois du contrôle étatique de l’infrastructure monétaire et physique et de l’esprit d’entreprise. Le nouveau système économique a uni les différentes couches de leurs sociétés autour de l’objectif d’accroître le bien-être commun d’une manière sensiblement plus forte que les alternatives anglo-saxonnes et européennes. C’est la principale raison pour laquelle Washington ne sera pas en mesure de gagner la guerre hybride mondiale qu’il a déclenchée. C’est également la principale raison pour laquelle le système financier mondial actuel, centré sur le dollar, sera remplacé par un nouveau système, fondé sur un consensus des pays qui rejoindront le nouvel ordre économique mondial.
- (…) Dans la première phase de la transition, ces pays se contentent d’utiliser leurs monnaies nationales et leurs mécanismes de compensation, soutenus par des échanges bilatéraux de devises. À ce stade, la formation des prix est encore principalement déterminée par les prix des différentes bourses, libellés en dollars. Cette phase est presque terminée : après le “gel” des réserves de la Russie en dollars, en euros, en livres et en yens, il est peu probable qu’un pays souverain continue à accumuler des réserves dans ces monnaies. Les monnaies nationales et l’or les remplacent immédiatement.
- La deuxième étape de la transition impliquera de nouveaux mécanismes de fixation des prix qui ne font pas référence au dollar. La formation des prix en monnaies nationales implique des frais généraux substantiels, mais elle restera plus attrayante que la fixation des prix en monnaies “non ancrées” et traîtresses comme le dollar, la livre, l’euro et le yen. La seule monnaie mondiale candidate restante – le yuan – ne prendra pas leur place en raison de son inconvertibilité et de l’accès externe restreint aux marchés de capitaux chinois. L’utilisation de l’or comme référence de prix est limitée par les inconvénients de son utilisation pour les paiements.
- La troisième et dernière étape de la transition vers le nouvel ordre économique impliquera la création d’une nouvelle monnaie de paiement numérique fondée sur un accord international reposant sur des principes de transparence, d’équité, de bonne volonté et d’efficacité. Je m’attends à ce que le modèle d’une telle unité monétaire que nous avons développé joue son rôle à ce stade. Une telle monnaie peut être émise par un panier de réserves monétaires des pays BRICS, auquel tous les pays intéressés pourront adhérer. Le poids de chaque monnaie dans le panier pourrait être proportionnel au PIB de chaque pays (sur la base de la parité du pouvoir d’achat, par exemple), à sa part dans le commerce international, ainsi qu’à la taille de la population et du territoire des pays participants.
- En outre, le panier pourrait contenir un indice des prix des principales matières premières négociées en bourse : or et autres métaux précieux, principaux métaux industriels, hydrocarbures, céréales, sucre, ainsi que l’eau et autres ressources naturelles. Pour soutenir la monnaie et la rendre plus résistante, des réserves de ressources internationales pertinentes peuvent être créées en temps voulu. Cette nouvelle monnaie serait utilisée exclusivement pour les paiements transfrontaliers et émise en faveur des pays participants sur la base d’une formule prédéfinie. Les pays participants utiliseraient plutôt leurs monnaies nationales pour la création de crédits, afin de financer les investissements nationaux et l’industrie, ainsi que pour les réserves de richesse souveraine. Les flux transfrontaliers du compte de capital resteraient régis par les réglementations relatives aux monnaies nationales.
- (…)La transition vers le nouvel ordre économique mondial s’accompagnera probablement du refus systématique d’honorer les obligations en dollars, en euros, en livres et en yens. A cet égard, elle ne sera pas différente de l’exemple donné par les pays émetteurs de ces monnaies qui ont jugé bon de voler les réserves de change de l’Irak, de l’Iran, du Venezuela, de l’Afghanistan et de la Russie à hauteur de milliers de milliards de dollars. Puisque les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union européenne et le Japon ont refusé d’honorer leurs obligations et ont confisqué les richesses des autres nations détenues dans leurs devises, pourquoi les autres pays devraient-ils être obligés de les rembourser et d’honorer leurs prêts ? En tout état de cause, la participation au nouveau système économique ne sera pas limitée par les obligations de l’ancien système. Les pays du Sud peuvent être des participants à part entière du nouveau système, indépendamment de leurs dettes accumulées en dollars, en euros, en livres et en yens. Même s’ils devaient manquer à leurs obligations dans ces monnaies, cela n’aurait aucune incidence sur leur cote de crédit dans le nouveau système financier. De même, la nationalisation de l’industrie extractive ne provoquerait pas de perturbation. En outre, si ces pays réservaient une partie de leurs ressources naturelles pour soutenir le nouveau système économique, leur poids respectif dans le panier de devises de la nouvelle unité monétaire augmenterait en conséquence, ce qui permettrait à cette nation de disposer de réserves de devises et d’une capacité de crédit plus importantes. En outre, des lignes de swap bilatérales avec les pays partenaires commerciaux leur fourniraient un financement adéquat pour les co-investissements et le financement du commerce.
Et au journaliste qui lui demande: “Dans l’un de vos derniers essais, The Economics of the Russian Victory, vous appelez à “une formation accélérée d’un nouveau paradigme technologique et à la formation des institutions d’un nouvel ordre économique mondial”. Parmi les recommandations, vous proposez spécifiquement la création “d’un système de paiement et de règlement dans les monnaies nationales des États membres de l’EAEU” et le développement et la mise en œuvre “d’un système indépendant de règlements internationaux dans l’EAEU, l’OCS et les BRICS, qui pourrait éliminer la dépendance critique du système SWIFT contrôlé par les États-Unis.” Est-il possible d’envisager un effort conjoint de l’UEE et de la Chine pour “vendre” le nouveau système aux membres de l’OCS, aux autres membres des BRICS, aux membres de l’ANASE et aux nations d’Asie occidentale, d’Afrique et d’Amérique latine ? Et cela aboutira-t-il à une géo-économie bipolaire – l’Ouest contre le Reste ?” Glazyev répond:
- En effet, c’est la direction dans laquelle nous nous dirigeons. Il est décevant de constater que les autorités monétaires russes font toujours partie du paradigme de Washington et jouent selon les règles du système basé sur le dollar, même après que les réserves de change russes aient été capturées par l’Occident. Les “agents d’influence” occidentaux contrôlent toujours les banques centrales de la plupart des pays, les obligeant à appliquer les politiques suicidaires prescrites par le FMI. Cependant, ces politiques sont à ce stade si manifestement contraires aux intérêts nationaux de ces pays non occidentaux que leurs autorités s’inquiètent à juste titre de leur sécurité financière.
- Vous soulignez à juste titre les rôles potentiellement centraux de la Chine et de la Russie dans la genèse du nouvel ordre économique mondial. Malheureusement, la direction actuelle de la CBR (Banque centrale de Russie) reste coincée dans le cul-de-sac intellectuel du paradigme de Washington et est incapable de devenir un partenaire fondateur dans la création d’un nouveau cadre économique et financier mondial. Dans le même temps, la CBR a déjà dû faire face à la réalité et créer un système national de messagerie interbancaire qui ne dépend pas de SWIFT, et l’a également ouvert aux banques étrangères. Des lignes de swap interdevises ont déjà été mises en place avec les principales nations participantes. La plupart des transactions entre les États membres de l’EAEU sont déjà libellées dans les monnaies nationales et la part de ces dernières dans le commerce intérieur augmente à un rythme rapide.
- Une transition similaire est en cours dans les échanges avec la Chine, l’Iran et la Turquie. L’Inde a indiqué qu’elle était prête à passer également à des paiements en monnaies nationales. Beaucoup d’efforts sont déployés pour développer des mécanismes de compensation pour les paiements en monnaie nationale. Parallèlement, des efforts sont en cours pour développer un système de paiement numérique non bancaire, qui serait lié à l’or et à d’autres matières premières négociées en bourse – les “stablecoins”.
- Les récentes sanctions américaines et européennes imposées aux circuits bancaires ont entraîné une augmentation rapide de ces efforts. Le groupe de pays travaillant sur le nouveau système financier n’a plus qu’à annoncer l’achèvement du cadre et la préparation de la nouvelle monnaie commerciale et le processus de formation du nouvel ordre financier mondial s’accélérera encore à partir de là. La meilleure façon de le faire serait de l’annoncer lors des réunions régulières de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) ou des BRICS. Nous y travaillons.
Plus loin, il ajoute:
- “La politique monétaire de la CBR, mise en œuvre conformément aux recommandations du FMI, a été dévastatrice pour l’économie russe. Les désastres combinés du “gel” d’environ 400 milliards de dollars de réserves de change et de plus de mille milliards de dollars siphonnés de l’économie par les oligarques vers des destinations offshore occidentales, ont eu pour toile de fond des politiques tout aussi désastreuses de la CBR, qui comprenaient des taux réels excessivement élevés combinés à un flottement géré du taux de change. Nous estimons que cela a entraîné un sous-investissement d’environ 20 000 milliards de roubles et une sous-production de biens d’environ 50 000 milliards de roubles.
- Suivant les recommandations de Washington, la CBR a cessé d’acheter de l’or au cours des deux dernières années, obligeant de fait les mineurs d’or nationaux à exporter la totalité de leur production, soit 500 tonnes d’or. De nos jours, l’erreur et le préjudice qu’elle a causé sont tout à fait évidents. Actuellement, la CBR a repris ses achats d’or et, espérons-le, poursuivra ses politiques saines dans l’intérêt de l’économie nationale, au lieu de “cibler l’inflation” au profit des spéculateurs internationaux, comme cela a été le cas au cours de la dernière décennie.
Enfin, concernant le rapprochement entre la Russie et la Chine:
- (…)Le fondement du partenariat stratégique russo-chinois est le bon sens, les intérêts communs et l’expérience de la coopération depuis des centaines d’années. L’élite dirigeante américaine a lancé une guerre hybride mondiale visant à défendre sa position hégémonique dans le monde, en ciblant la Chine comme principal concurrent économique et la Russie comme principale force de contrepoids. Au départ, les efforts géopolitiques des États-Unis visaient à créer un conflit entre la Russie et la Chine. Les agents de l’influence occidentale amplifiaient les idées xénophobes dans nos médias et bloquaient toute tentative de transition vers des paiements en monnaies nationales. Du côté chinois, les agents de l’influence occidentale poussaient le gouvernement à se conformer aux exigences des intérêts américains.
- Cependant, les intérêts souverains de la Russie et de la Chine ont logiquement conduit à leur partenariat stratégique et à leur coopération croissants, afin de faire face aux menaces communes émanant de Washington. La guerre tarifaire américaine contre la Chine et la guerre des sanctions financières contre la Russie ont validé ces préoccupations et démontré le danger clair et présent auquel nos deux pays sont confrontés. Des intérêts communs de survie et de résistance unissent la Chine et la Russie, et nos deux pays sont largement symbiotiques sur le plan économique. Ils se complètent et accroissent leurs avantages concurrentiels respectifs. Ces intérêts communs persisteront sur le long terme.
- Le gouvernement et le peuple chinois se souviennent très bien du rôle de l’Union soviétique dans la libération de leur pays de l’occupation japonaise et dans l’industrialisation de la Chine après la guerre. Nos deux pays ont une base historique solide pour un partenariat stratégique et nous sommes destinés à coopérer étroitement dans nos intérêts communs. J’espère que le partenariat stratégique entre la Russie et la RPC, qui est renforcé par le couplage de l’initiative “Une ceinture, une route” et de l’Union économique eurasienne, deviendra le fondement du projet du président Vladimir Poutine de grand partenariat eurasien et le noyau du nouvel ordre économique mondial“.
Le noyau eurasien, les BRICS….. Il est temps que la France se souvienne qu’elle n’est pas seulement membre de l’Union Européenne mais qu’elle est aussi présente sur tous les océans. Nous pouvons, si nous en développons la volonté, participer pleinement à la nouvelle mondialisation multipolaire. Bien entendu, ces choses-là se passeront plus lentement que ce qu’espère Glaziev. C’est pourquoi la France peut encore prendre le train en marche. Mais le problème vient de ce que notre classe dirigeante est à des années-lumières de ce que dit Glaziev. Or, pour agir méthodiquement, il faut avoir les idées claires.
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