« L’État diminue les aides à l’isolation thermique, c’est aberrant »
Les Français se lancent moins dans des travaux de rénovation énergétique, assure un expert du secteur, malgré leur importance pour l’écologie. La faute à la réduction « aberrante » des aides à l’isolation.
Édouard Barthès est le président de Symbiote. Ce syndicat des professionnels de la rénovation énergétique assure représenter « plus de 250 entreprises » spécialisées en diagnostic énergétique, fourniture de matériaux ou chantiers de rénovation énergétique.
Reporterre — Vous affirmez que le secteur de la rénovation énergétique est dans une situation très préoccupante. Pourquoi ?
Édouard Barthès — En raison de l’état des carnets de commandes des entreprises membres du syndicat. Avant, on faisait 100 000 chantiers par mois en isolation de combles tandis qu’aujourd’hui, on en fait péniblement 8 000 : le nombre de chantiers a été divisé par dix.
Vous évaluez que la filière a perdu environ 13 000 emplois ces six derniers mois. Comment avez-vous abouti à ce chiffre ?
On a pris le nombre de chantiers en moins, et multiplié cette perte par le nombre d’équipes qui faisaient ces chantiers. On arrive à environ 11 000 ouvriers sur les chantiers, c’est-à-dire les techniciens qui faisaient les travaux d’isolation de combles, de planchers, de chaudières, etc. Et on a augmenté à 13 000 pour prendre en compte les métiers autour : les planificateurs, les collaborateurs qui faisaient les devis, les factures, le contrôle de travaux, les visites techniques, etc. On n’a même pas pris tous les corps de métiers concernés, donc ce chiffre est un minimum.
Comment est-on arrivé à cette situation ?
Les évolutions réglementaires qui ont amené une diminution drastique des carnets de commandes. Vous avez toujours eu deux aides : les Certificats d’économie d’énergie, et depuis deux ans MaPrimeRénov. Ces deux aides étaient complémentaires de façon à ce que les bénéficiaires aient le minimum à payer de leur poche. Mais leur montant a diminué, ce qui a considérablement freiné le nombre de personnes engageant des travaux.
Il y a beaucoup moins d’aides pour l’isolation des combles, des planchers, des murs. Vous aviez à peu près 100 euros d’aides par mètre carré il y a deux ans pour faire une isolation de mur ; aujourd’hui, c’est 40. La puissance publique a arrêté brutalement [mi-2021] le dispositif Coup de pouce, qui permettait l’isolation de combles ou de planchers à 1 euro.
Il y a aussi beaucoup moins d’aides sur les chaudières, et 40 % d’aides en moins sur la rénovation globale, qui consiste à améliorer à la fois l’isolation et le chauffage. Le gouvernement avait pourtant dit aux entreprises que c’était l’avenir, afin de réaliser des rénovations plus efficaces, ce que chacun peut comprendre.
Au final, on a des entreprises qui sont perdues et des clients qui refusent les prestations parce que le reste à charge [ce qu’ils doivent payer de leur poche en plus des aides attribuées pour les travaux] est beaucoup trop élevé.
Nous arrivons à un moment d’une grande complexité et nous allons nous manger le mur de la réalité.
Entre les nouveaux DPE, les pénuries, la RE 2020 qui est la nouvelle norme de construction, la baisse significative des aides à l’isolation, et l’augmentation terrible des coûts de l’énergie, sans oublier la ZAN (zéro artificialisation nette) nous fonçons droit dans le mur en klaxonnant.
Nous sommes en train par nos normes incompatibles les unes avec les autres, par nos actions politiques contradictoires, de créer les conditions d’une catastrophe économique et sociale sur le marché de l’immobilier, de la rénovation comme de la construction neuve.
On a beau le leur crier, ils n’entendent rien, ils tournent en boucle sur eux-mêmes sûrs de leur logique de technocrates bobo-parisiens.
Source Reporterre.net ici
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