09 mars 2022

Guerre d’Ukraine – 8 mars 2022 – Jour 13 – fin de journée

Le Courrier des Stratèges publie à midi et à minuit un bilan de l’évolution de la Guerre d’Ukraine. Avec une double perspective, croisée: la guerre sur le terrain; et le conflit stratégique global que les Etats-Unis essaient d’organiser contre la Russie – en prenant le risque très clair d’une escalade entre puissances nucléaires. Nous sommes dans une "crise des missiles de Cuba" au ralenti. L'instinct de survie et l'intelligence l'emporteront-ils sur le potentiel d'auto-destruction de l'humanité ?

En Ukraine

13h00: La carte d’Ukraine War Map permet de mesurer l’avancée méthodique et lente de l’armée russe, qui, nous allons y revenir, laisse le temps à la négociation de se déployer. 

14h00: Utile rappel de ZZ.0Z.Z0ZZ

Je ne le mentionne plus, car il n’y a aucun changement, le banditisme et la criminalité sont devenus la norme dans les territoires kiéviens, en raison de la libre distribution des armes, l’affaiblissement de la police et l’apparition des milices.
-De même pour la “chasse aux sorcières”. Par exemple, la rumeur a été diffusée que les troupes Russes entreraient dans Kiev, depuis l’Est, avec des voitures civiles. Alors les miliciens tirent sur toutes les voitures qu’ils pensent être suspectes, ce qui provoque des morts parmi la population“.

Personne ne le dit clairement, mais les réfugiés hors zones de combat fuient d’abord l’anarchie et la terreur kiévienne. 

15h00: “Des véhicules militaires Russes ont été vus à Bogdanovka, au nord-est de Brovary (banlieue nord-est de Kiev, rive Est du Dniepr). Depuis les premiers jours, les unités Russes mènent régulièrement des incursions à cet endroit. Le gros des forces Russes à l’Est de Kiev et au nord de l’Ukraine en général, se trouve à des endroits variés, quelque part dans cette immense zone grise. Cela donne une ambiance assez “spéciale”. Les Kiéviens doivent être assez anxieux aux abords de cette immense région (et pire encore à l’intérieur)“. 

16h00: “Au sud de Sumy, lorsque la cinquantaine de bus évacuant la population vers les territoires kiéviens a quitté la ville, l’armée kiévienne a fait faire demi-tour au convoi, sous prétexte d’une prétendue présence de troupes Russes. A peine les bus ont fait demi-tour, des chars kiéviens ont tiré sur des cibles indéterminées. On ne sait pas si les bus sont tous retournés sans encombre à Sumy“. 

Sans doute une réalité inaudible pour les observateurs occidentaux qui prennent pour argent comptant la très efficace propagande ukrainienne. Mais nous prenons des notes pour les historiens, non pour alimenter les passions du moment, qui caractérisent toutes les guerres. 

Sur la scène diplomatique mondiale

17h00: un paysage complexe est en train d’émerger: 

+ Ce matin, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils cessaient d’importer du gaz et du pétrole russe. Mais on notera que le pétrole russe ne représente que 8% des importations américaines; et qu’ils n’importent pas de gaz. 

+ les Etats-Unis n’ont pas fait porter les sanctions cependant les exportations russes de pétrole; et l’Allemagne a pesé pour que ne soit pas mis fin aux importations de gaz. 40% des besoins en gaz de l’Europe et 30% des besoins en pétrole sont couverts par des importations de Russie. 

+ Parallèlement, les Américains essaient de conclure le plus rapidement possible un nouvel accord sur le nucléaire avec l’Iran pour pouvoir lever tout embargo sur le gaz et le pétrole iranien, afin de pouvoir contourner Moscou. Mais la Russie, qui est partie prenante de la négociation demande des garanties écrites au niveau du Secrétaire d’Etat américain sur le maintien hors sanctions de ses relations économiques avec l’Iran. Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne sont vent debout. Mais Israël apprécie! 

+ Israël, justement, s’est proposé comme médiateur pour trouver un accord de paix en Ukraine. Rappelons qu’il y a un million de Juifs d’origine soviétique/russe en Israël. (sur environ 8 millions d’habitants). Naftali Bennett, premier ministre israélien avait rencontré Vladimir Poutine puis Olaf Scholz samedi 5 mars. Et il s’est entretenu au téléphone avec Vladimir Zelensky aujourd’hui 8 mars.   

+ De façon significative, lors d’un entretien avec la chaîne américaine ABC, Vladimir Zelensky a indiqué qu’il n’attendait plus rien de l’OTAN. Le président ukrainien semblerait prêt à céder la Crimée et le Donbass tout en acceptant que son pays ne soit pas dans l’OTAN. Il demande que la France, l’Allemagne, la Turquie et les pays frontaliers de l’Ukraine soient les garants de son accord avec Moscou. 

+ La Chine, elle aussi, pousse à une négociation. Elle a affirmé son soutien à la Russie mais voit tout l’intérêt qu’elle a à se remettre au coeur du jeu international après les deux ans de COVID-19.  Laisson Reuters nous résumer la position chinoise, réexprimée par Xi Jinping à l’occasion d’une visio-conférence avec Olaf Scholz et la plus célèbre mouche du diplomatique du monde, un certain Emmanuel Macron: 

Le président chinois Xi Jinping a appelé mardi à la “retenue maximale” en Ukraine et a déclaré que la Chine était “peinée de voir les flammes de la guerre se rallumer en Europe”, ont rapporté les médias d’État, dans sa déclaration la plus forte à ce jour sur le conflit.

Xi, qui s’exprimait lors d’une réunion virtuelle avec le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, a déclaré que les trois pays devraient soutenir conjointement les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine, a rapporté le radiodiffuseur public chinois CCTV.

M. Xi a qualifié la situation en Ukraine de “préoccupante” et a déclaré que la priorité devait être d’empêcher l’escalade ou la “perte de contrôle”, selon CCTV.
Il a également déclaré que la France et l’Allemagne devraient faire des efforts pour réduire les impacts négatifs de la crise, et s’est inquiété de l’impact des sanctions sur la stabilité de la finance mondiale, des approvisionnements en énergie, des transports et des chaînes d’approvisionnement.

La Chine, qui a refusé de condamner les actions de la Russie en Ukraine ou de les qualifier d’invasion, a exprimé à plusieurs reprises son opposition à ce qu’elle décrit comme des sanctions illégales contre la Russie“.

Le chancelier allemand et le président français se sont donc fait passer un savon pour cause d’alignement sur les Etats-Unis préjudiciable à l’équilibre mondial (c’est nous qui soulignons)! 

Vers une solution diplomatique dans les prochains jours?

18h00: Décidément, Bhadrakumar est très présent en ce moment. Je donne la traduction complète du dernier billet de son blog ‘L’Ukraine face à la défaite”: 

Contrairement aux prédictions des médias occidentaux, l’opération spéciale de la Russie en Ukraine entre dans une phase finale réussie sur le plan politique et diplomatique beaucoup plus tôt qu’on ne l’aurait pensé.

Une lecture attentive des résultats du troisième cycle de pourparlers de paix en Biélorussie hier soir montre que les négociateurs ukrainiens ont demandé un peu plus de temps pour apporter une réponse complète aux conditions russes de cessez-le-feu.

L’Ukraine a fait part de sa volonté d’être un pays neutre, excluant toute adhésion à l’OTAN. Les principaux points d’achoppement se résument à : a) la reconnaissance de la Crimée comme faisant partie de la Russie ; et b) la souveraineté de Lougansk et de Donetsk.

Ce sont des exigences non négociables. Mais elles constituent une pilule amère à avaler pour les dirigeants ukrainiens. La position de l’Ukraine est que ces demandes sont “pratiquement” impossibles.

Mais, comme l’a déclaré à RT Vladimir Medinsky, chef de l’équipe russe, “à mon avis, il y a une grande différence entre impossible et ‘pratiquement impossible’… J’espère que nous finirons par trouver une solution.”

La partie russe se sent encouragée bien que les discussions d’hier n’aient donné aucun résultat tangible. Ils ne sont pas pressés de se lancer dans des offensives militaires majeures.

En effet, les généraux russes ont toujours eu pour habitude d’utiliser la puissance militaire coercitive pour créer une synergie et lancer une voie politique/diplomatique parallèle afin d’atteindre l’objectif de Moscou (qui n’est pas la conquête territoriale).

Les analystes occidentaux qui s’attendaient à ce que les généraux russes se comportent comme Patton ou MacArthur en attaquant massivement Kiev ont au contraire assisté à une stratégie russe déroutante – des opérations lentes, d’arrêt, sans force excessive et avec une nette préférence pour éviter les combats en encerclant et en contournant les poches de résistance, et en évitant les batailles rangées.

Poutine a révélé hier que “les conscrits ne prennent pas et ne prendront pas part aux hostilités, et qu’il n’y aura pas d’appel supplémentaire de réservistes de la réserve… Les missions sont effectuées uniquement par des troupes professionnelles.”

La partie ukrainienne se rend compte que la stratégie russe est en train de gagner, car les forces russes encerclent Kiev par le nord-ouest, l’ouest et l’est, les ports de la mer Noire ne sont plus accessibles et les forces à l’est sont prises au piège. Hier, M. Zelensky a reconnu la gravité de la situation.

Après le troisième round en Biélorussie, il s’est empressé d’assurer que les pourparlers se poursuivront jusqu’à un règlement ! Selon ses mots,

“Aujourd’hui, le troisième cycle de négociations a eu lieu en Biélorussie, et j’aimerais dire ‘le troisième et dernier’, mais nous sommes réalistes. Par conséquent, nous parlerons, nous insisterons sur les négociations jusqu’à ce que nous trouvions un moyen de dire à notre peuple : ‘c’est ainsi que nous arriverons à la paix’.”

Les Russes ne sont pas pressés. Ils évitent le triomphalisme et laissent plutôt suffisamment d’espace à la partie ukrainienne pour qu’elle prenne des décisions vraiment difficiles en matière de reddition, tout en maintenant la pression militaire sur Kiev. La porte-parole du ministère des affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré hier : “Nous gardons la porte ouverte aux options diplomatiques. Dès qu’il y aura des signaux correspondants, nous agirons en conséquence.”

Fait important, les deux parties se sont mises d’accord sur une feuille de route pour la création de corridors humanitaires et la partie russe a annoncé un cessez-le-feu. En outre, ces couloirs seront exploités en étroite coordination grâce à une ligne directe.

La déclaration russe indique qu’un “lien de communication continu sera établi entre les parties russe et ukrainienne pour un échange mutuel d’informations sur la préparation et la mise en œuvre de l’évacuation des civils et des citoyens étrangers.”

Depuis, la partie russe a transmis tous les détails pertinents aux ambassades étrangères, aux agences appropriées des Nations unies et de l’OSCE, au Comité international de la Croix-Rouge et aux autres organisations internationales concernées. Les couloirs humanitaires seront :

de Kiev et des régions adjacentes à Gomel (Belarus) ;
de Sumy par deux routes vers Poltava (Ukraine centrale) et vers la Russie ;
de Kharkov vers la Russie ou vers Lvov, Uzhgorod et Ivano-Frankovsk (tous trois en Ukraine occidentale) ; et,
de Mariupol, deux routes vers la Russie et Zaporozhe (sur le fleuve Dniepr, dans le sud-est de l’Ukraine).
Ce travail conjoint et l’accalmie des combats préparent le terrain pour la réunion cruciale entre le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, et son homologue ukrainien, Kuleba, dans la station balnéaire turque d’Antalya, jeudi. Le fait même que les pourparlers aient été portés au niveau des ministres des affaires étrangères permet d’espérer qu’une masse critique est en train de se former.

Profondément désillusionné par la trahison des États-Unis et de l’OTAN, Zelensky se rapproche d’un accord avec Moscou. Il est vain de préjuger du résultat, mais il y a un élément qui change la donne. Les principaux pays européens – Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas – ont rejeté la proposition belliqueuse de Washington d’imposer des sanctions sur les exportations de pétrole de la Russie.

Les exportations de pétrole sont la principale source de revenus de la Russie, il s’agit donc d’un rejet ferme des efforts de Washington pour isoler la Russie. Le président français Macron a capturé le zéphyr dans sa remarque d’hier :

“Il est impossible de construire une paix durable si la Russie ne participe pas à la construction d’une architecture de sécurité globale sur notre continent, car l’histoire et la géographie l’imposent. Notre responsabilité est de préserver tous les liens que nous pouvons préserver. Nous devons continuer à parler avec les peuples russe et bélarussien. Nous devons le faire avec l’aide des représentants du monde de la culture, de la communauté scientifique et technique, des organisations non gouvernementales.”

Dimanche, dans une tribune publiée dans le New York Times, le Premier ministre britannique Boris Johnson a également écrit : “Nous n’avons aucune hostilité envers le peuple russe, et nous n’avons aucune envie d’attaquer une grande nation et une puissance mondiale. L’Ukraine n’avait aucune perspective sérieuse d’adhésion à l’OTAN dans un avenir proche. Ce n’est pas un conflit de l’OTAN, et il ne le deviendra pas”.

Pendant ce temps, les principaux pays européens, en particulier l’Allemagne, excluent également l’adhésion de l’Ukraine à l’UE – ce qui, ironiquement, était la question qui avait précipité le coup d’État soutenu par les États-Unis à Kiev en 2014, déclenchant le glissement catastrophique vers un conflit impliquant la Russie…”

Puisse notre ami indien avoir raison! 

La Russie gagnante au bout du compte?

19h00: Extraits d’un intéressant article de Philip Pilkington, analyste financier: 

“Si les politiques occidentales font remonter le prix du pétrole à 150-180 dollars par an, la Russie devrait connaître un excédent de sa balance courante de l’ordre de 20 à 25 % du PIB. La plupart des pays feraient tout sauf céder des territoires pour atteindre ce type d’équilibre des comptes courants.

Cette projection de la balance courante suppose que toutes les autres choses restent égales. Mais ce ne sera pas le cas. D’une part, les importations russes sont susceptibles de diminuer parce que les entreprises occidentales boycottent le pays. La Russie a également gelé son marché boursier, de sorte que le montant des revenus transférés à l’étranger devrait également diminuer. Ces estimations sont donc probablement prudentes.

Cette stratégie de la part des alliés de l’OTAN est incompréhensible pour moi. Il est évident que la Russie sera le bénéficiaire de la hausse des prix de l’énergie et que les importateurs de pétrole en paieront le prix. D’après l’analyse ci-dessus, nous pouvons voir à quel point les Russes bénéficieraient d’un pétrole à 150-180 dollars le baril et la réponse est : beaucoup. Si ces prix sont atteints, la Russie aura une balance commerciale que le monde entier lui enviera.”

Lecture recommandée au Gribouille de Bercy ! 

Le sujet des laboratoires de guerre biologique en Ukraine prend de l'ampleur

20h00: Stimulante synthèse sur ZZ.0Z.Z0ZZ

La stratégie Russe est d’avancer lentement, mais sûrement, avec l’effort principal à l’Est. Je vous invite à reprendre l’invasion d’Afrin, en Syrie, par la Turquie. Un petit territoire microscopique sans adversaire militaire conventionnel (des Kurdes). Cela lui a pris un temps démesuré. Même chose dans le rectangle Tall Abyad / Ain Issa et Ras al Ayn / Tall Tamr.
Les progrès à l’Est de l’Ukraine, sont constants. Le reste s’effondrera plus facilement, puisque les troupes kiéviennes n’ont construit de défenses sérieuses qu’à Kharkov et le long des LDNR ; et que l’essentiel de l’armée kiévienne s’y trouve concentrée. Constats militaires élémentaires.
Ensuite, sur la guérilla, elle aura lieu dans tous les cas. Pour l’éviter, la Russie devra soit repartir rapidement et laisser les Ukrainiens gérer leur maintien de l’ordre eux-mêmes, soit engager des troupes d’occupation (sous forme de police renforcée ou de présence militaire) pour de très longues années. On en reparlera dans quelques semaines, quand on constatera la suite du plan de Moscou.
Et enfin, sur l’approvisionnement en armes occidentales, ce n’est pas un problème stratégique pour le moment. Si nous parlons d’armes individuelles, l’Ukraine, avec ses stocks soviétiques, est déjà bien dotée en armes. Ce que livre l’occident en quelques semaines est une goutte d’eau sans intérêt. Si nous parlons d’armes plus importantes, comme des drones TB2, des avions, ils ne représentent pas non plus un danger stratégique, le ratio de pertes est en défaveur de la partie occidentalo-kiévienne.”

21h00: Le sujet des laboratoires de la guerre bilogique en Ukraine commence à prendre de l’ampleur. 

Stupéfiant aveu de Madame Nuland – aujourd’hui vice-secrétaire d’Etat, naguère organisatrice du coup de Maïdan – pour le plus grand malheur des Ukrainiens. Vous vous rappelez peut-être qu’elle avait dit “F… the EU”. Eh bien nous comprenons maintenant que l’Ukraine devait surtout devenir un endroit où l’on puisse faire des choses plus difficiles à faire  aux Etats-Unis – comme l’installation de laboratoires pour la guerre biologique. 

Madame Nuland, en effet ne nie pas l’existence de plus de vingt-cinq laboratoire. Elle explique, sic, que les Etats-Unis travaillent avec les Ukrainiens à empêcher les Russes de mettre la main sur ces laboratoires! Et elle accuse les Russes de vouloir s’en emparer pour déclencher la guerre biologique. Evidemment, les Chinois s’en donnent à cœur joie: 

“Les États-Unis ont sous leur contrôle 336 laboratoires dans 30 pays, dont 26 rien qu’en Ukraine. Ils doivent rendre compte de l’ensemble de leurs activités biologiques militaires sur leur territoire et à l’étranger et se soumettre à une vérification multilatérale” déclare donc un représentant du Ministère chinois des Affaires étrangères. 

Quel retournement. Il y a peu de temps encore, une grande partie du monde reprochait à la Chine le déclenchement du Covis-19. A présent, Pékin utilise la guerre en Ukraine et les révélations russes pour retourner l’opinion mondiale contre les Etats-Unis. 

Décidément, la guerre d’Ukraine a un effet boomerang que les Etats-Unis n’avaient pas anticipé. 

Source

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