Après
deux ans d’enquête, l'ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire
Gilles Huberson a été mis à la retraite d'office suite à des accusations
de propos sexistes et de violences sexuelles à l’encontre de ses
subordonnées. L’ex-diplomate indique vouloir faire appel devant le
Conseil d’État.
Fin
de l’omerta ? Gilles Huberson, 61 ans, ancien ambassadeur de France en
Côte d’Ivoire, a été mis à la retraite d’office par mesure disciplinaire
le 15 novembre 2021, selon un document interne consulté par Mediapart.
En cause, des présumées violences sexuelles
et sexistes à l’encontre d’au moins deux de ses subordonnées. Les faits
se seraient déroulés au Mali où le diplomate a été ambassadeur de 2013 à
2016, puis en Côte d’Ivoire en 2017.
Les
femmes ont livré leur témoignage à la cellule d’écoute "Tolérance zéro"
mise en place en 2018 pour les personnels du Quai d’Orsay victimes de violences sexistes et sexuelles. Une enquête administrative a été lancée en septembre 2020.
Un
décret interne daté du 15 novembre 2021 et non publié au Journal
officiel, que Mediapart a consulté, note que Gilles Huberson a procédé à
des "agissements constitutifs de harcèlement sexuel" et émis
répétitivement des "propos à connotation sexuelle". De plus, le
diplomate a agressé l’une d’elles en l’embrassant de force, précise le
document.
Le
décret est signé par Emmanuel Macron, Jean Castex et Jean-Yves Le
Drian. L’affaire ne sera pas traduite au pénal, et le parquet n’a pas
été saisi."Nous
sommes satisfaites de l’appréciation juste de la situation et du fait
que ces comportements vis-à-vis des femmes ne peuvent perdurer et, a
fortiori [lorsqu’ils sont perpétrés] par un haut représentant de
l’État", commente auprès du média l’avocate des plaignantes, Me Corinne
Dreyfus-Schmidt.
Les
avocats de l’ex-diplomate comptent faire un recours devant le Conseil
d’État en février. En 2020, des gendarmes assurant la sécurité de Gilles
Huberson et présents donc à ses côtés affirmaient n’avoir jamais rien
remarqué de suspect. L’affaire a éclaté à près d’un mois de la
présidentielle en Côte d'Ivoire, laissant ainsi place à des spéculations
sur le prétendu volet politique de l’affaire.
"Il faut que je te décoince"
Bien que dans ce genre de dossiers les victimes soient réticentes à parler, certaines n’hésitent pas à témoigner.
C’est le cas d’une ex-employée de l’ambassade du Qatar à Paris. La
femme, 27 ans à l’époque des faits, a porté plainte en février 2017 pour
harcèlement sexuel à l’encontre du secrétaire privé de l’ambassadeur.
Ce
dernier lui a à plusieurs reprises envoyé des messages déplacés du type
"Je pense que tu es coincée et qu’il faut que je te décoince" ou "Tu
veux un bon massage?". Un autre diplomate aurait lui essayé de
l’embrasser. Deux ans après avoir été embauchée, elle a été licenciée,
après avoir refusé les avances de ses supérieurs.
La
même année, un ancien ambassadeur de France auprès du Conseil de
l’Europe, Paul Dahan, a été condamné par le tribunal parisien à 10.000
euros d’amende avec sursis pour harcèlement moral sur une agente
contractuelle du ministère des Affaires étrangères. Il devait verser
20.000 euros de dommages et intérêts à la victime.
La
représentante du ministère public avait fait état des "humiliations à
répétition" infligées à la jeune femme, 25 ans au moment des faits, et
des "plaisanteries grivoises" faites entre septembre 2009 et fin octobre
2010.
La défense de la partie civile s’est réjouie de la décision "symbolique", une première dans son genre.
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