L’arrêt Vavřička, la « référence » sur l’obligation vaccinale en Europe
Si le gouvernement décidait de rendre la vaccination obligatoire contre le Covid-19, il devrait ajouter ce vaccin à la liste des vaccins obligatoires. Mais seul le législateur est en capacité de rendre une vaccination obligatoire.
Le Code de la santé publique précise également que le Président de la République ou le Premier ministre peut, par décret, suspendre par la suite l’obligation vaccinale imposée “compte tenu de la situation épidémiologique et des connaissances scientifiques”.
Dans la jurisprudence existante, notamment européenne, il faut analyser l’obligation vaccinale au travers de l’arrêt Vavřička du 8 avril 2021 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Quel enseignement peut-on tirer de cet arrêt de Grande Chambre de la CEDH ? Peut-on appliquer les mêmes règles si le cas d’une obligation légale de vaccination contre le Covid-19 arrive devant elle ?
Cet arrêt, donc, mobilisa la formation plénière de la Chambre, ce qui n’était pas nécessaire, celle-ci pouvant se contenter d’un arrêt de Chambre. La raison pour laquelle la Chambre a voulu solenniser l’arrêt est probablement liée à la particularité de l’époque et de la crise sanitaire, la Chambre souhaitant fixer les choses et accorder le droit aux États de procéder à la vaccination obligatoire.
Dans l’affaire dans laquelle la Cour a eu à rendre une décision, plusieurs éléments importants ont été pris en compte.
- La vaccination existait depuis de nombreuses années ;
- Les maladies contre lesquelles le vaccin lutte sont graves ;
- Les effets secondaires sont connus et très largement en faveur de la santé ;
- Les conséquences d’une non vaccination étaient temporaires et limitées ;
- La vaccination obligatoire n’entrainait pas une contrainte physique à procéder à une vaccination ;
Il faut relever que la décision de la Cour européenne du 8 avril 2021 concerne les vaccinations de routine des enfants contre des maladies qui sont bien connues par la science. La CEDH s’est donc prononcée sur une situation qui est bien différente de celle de pandémie et de crise sanitaire créée par le Covid-19.
Dans un passage du jugement, la Cour évalue que les ingérences dans l’exercice du droit au respect de la vie privée ne sont pas disproportionnées au but poursuivi. En particulier, la sanction au manquement à l’obligation légale de vaccination est relativement modérée puisqu’elle consiste en une amende administrative qui ne peut être infligée qu’une fois.
Si la Cour européenne était saisie pour statuer sur la conformité à la Convention d’une obligation légale de vaccination contre le Covid-19, elle devrait déterminer si le bénéfice rapporté par l’obligation légale de vaccination justifie les restrictions des droits protégés par la Convention européenne
Sur la base de la jurisprudence de la Cour dans l’affaire Vavřička, l’obligation légale de vaccination contre le covid-19 ne devrait pas constituer une violation des droits et libertés garantis par la Convention si les États respectent le principe de proportionnalité. Une peine sévère (une peine de prison ou une amende excessive) sera à l’évidence contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
La CEDH appréciera aussi le respect par les États de certaines garanties, notamment la facilité d’accès aux informations sur la campagne de vaccination, la mise en place d’un contrôle scientifique strict sur les effets des vaccins, ainsi que d’un droit à la réparation en cas des effets secondaires graves des vaccinations
L’obligation vaccinale apparaît donc compliquée juridiquement et pourrait être écartée par la CEDH. Précisons que, si la Cour européenne a rejeté le 24 août 2021 la requête des pompiers, elle a seulement refusé de se prononcer en urgence sans se prononcer sur le fond (CEDH n°41950/21).
Quand le gouvernement préfère interdire que sanctionner
Rendre la vaccination obligatoire parait beaucoup plus compliqué pour le gouvernement que de pourrir la vie des résistants via le passe sanitaire.
Même le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, s’est dit “très nuancé” sur la vaccination obligatoire. “Qu’est-ce qu’on va faire avec cette obligation ? Quand vous avez une petite mamie qui vous dit qu’elle ne veut pas se faire vacciner (…) vous croyez qu’on va envoyer les gendarmes ?”, s’est-il interrogé.
Un des problèmes principaux serait de savoir quelle sanction appliquée aux contrevenants, notamment au vu de l’arrêt de la CEDH. Si la sanction n’est pas assez forte, elle demeure peu dissuasive et si elle est trop forte il faudra présenter les récalcitrants devant un tribunal judiciaire et pas administratif.
Or Le juge judiciaire n’est pas le juge administratif, qui est issu du même rang que les gouvernants.
Et le gouvernement a pu le constater quand le Conseil Constitutionnel à invalidé définitivement un dispositif mis en place lors du premier confinement qui autorisait la prolongation d’une détention provisoire sans passer devant un juge. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, a fait assurer le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi
Déférer des gens non vaccinés suppose d’accroitre les contrôle de police et surtout omettre qu’actuellement la justice n’a pas les moyens pour traiter la délinquance.
Il faut également prendre en considération qu’en matière pénale le recours est suspensif, en moyenne 1 ans et demi de procédure initiale, 1 an et demi d’appel et 1 an et demi de pourvoi en cassation. Soit 4 ans et demi de procédure, sachant que l’accusé n’a pas obligation d’être représenté par un avocat, donc la barrière pécuniaire est relativement limitée.
Juger (à minima) 6 millions de citoyens non vaccinés devant la juridiction judiciaire, c’est faire tout bonnement sauter le système.
Pas sûr que le juge judiciaire apprécie.
Autre problématique de poids pour le gouvernement, il faudrait confronter cette obligation vaccinale à la jurisprudence de la CEDH. Or dans le cadre de la pandémie actuelle, les choses sont très différentes.
A ce jour la maladie de SARS COV 2 est grave pour une partie de la population et notamment les personnes âgées. Pour 99% de la population cette maladie ne conduira pas à la mort.
Concernant les effets secondaires des vaccins, à ce jour il n’existe pas un recul suffisant. Des cas de thrombose ont été révélés et il convient de déterminer s’ils sont sans lien avec les vaccins réalisés. Or, en décidant de vacciner une population en bonne santé face à un virus qui ne les tuera pas, il est indispensable d’avoir un très haut niveau de qualité du vaccin.
Dans ces conditions, et compte tenu de la jurisprudence de la Cour EDH, une atteinte disproportionnée aux droits protégés par la convention (article 8 protégeant le droit à la vie privée et familiale notamment), ne pourrait pas être validée par la Cour.
Ensuite, quelle serait la sanction et combien de fois l’on pourrait sanctionner les récalcitrants ?
Une règle de droit constante indique que l’on ne pas être jugé ou puni deux fois pour un même fait. Et la jurisprudence de la CEDH indique formellement qu’un manquement à l’obligation légale de vaccination est relativement modéré puisqu’il consiste en une amende administrative qui ne peut être infligée qu’une fois.
Pour ces européistes convaincus, et sachant que Macron prend prochainement la présidence de l’UE, « s’assoir » sur la CEDH n’est pas une option envisageable.
En comparaison avec toutes ces conséquences juridiques, le choix du passeport sanitaire (ou vaccinal) reste donc l’arme privilégié de cet exécutif car il conditionne l’ensemble des libertés d’un individu avec la bénédiction des (ex) contrepouvoirs. L’individu sera de facto exclu de la société et verra ainsi l’ensemble de ses libertés réduites quasiment à peau de chagrin … de façon pérenne.
Le gouvernement préfère donc assumer que ce passe vaccinal est une obligation déguisée. Même si dans ce cas le détournement de pouvoir est avéré !
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