Alors
que l’épidémie connaît un léger rebond, le chef de l’État a annoncé que
le maintien du pass sanitaire sera conditionné à une troisième dose. Un
mauvais calcul sur le long terme, selon le virologue Étienne Decroly.
Emmanuel
Macron s’est adressé aux Français pour la neuvième fois depuis le début
de la crise sanitaire, ce 9 novembre. Dans cette allocution télévisée,
il a rappelé l’importance de contenir une éventuelle nouvelle vague
épidémique. Ainsi, le chef de l’État a annoncé que le maintien du pass
sanitaire sera conditionné à la dose de rappel à partir du 15 décembre. Cette injection est notamment destinée aux individus âgés d’au moins 65 ans.
Au
4 novembre, sur les 7,7 millions d’individus concernés, environ la
moitié d’entre eux (3,4 millions) ont déjà reçu cette troisième dose,
selon les données de Santé publique France. Gabriel Attal, porte-parole
du gouvernement, a d'ailleurs regretté que "moins d’une personne éligible sur deux ait reçu sa dose de rappel".
Or, le taux d’incidence a dépassé les 70 cas pour 100.000 habitants,
alors que le seuil d’alerte fixé par le gouvernement est de 50 cas
positifs pour 100.000 habitants.Fallait-il donc contraindre les Français
les plus fragiles en agitant la "menace" du pass sanitaire?
Ne pas imposer de mesures coercitives
Le virologue Étienne Decroly, chercheur au CNRS et spécialiste dans les coronavirus, estime au micro de Sputnik que "la vaccination doit reposer sur la confiance de la population plutôt que sur l’imposition de mesures".
"Il
faut surtout qu’un effort de pédagogie soit fait afin de mieux
expliquer en quoi cette dose est utile pour les populations. En quoi
cela va permettre de mieux les protéger contre cette maladie qui a des
effets assez sévères même à moyen/long terme sur une partie des
personnes qui ont été hospitalisées."
Comme
l’explique le virologue, l’efficacité des vaccins diminue avec le
temps. Selon une étude américaine, menée sur plus de 78.000 vétérans
vaccinés (avec Janssen, Moderna et Pfizer), entre le début du mois de
février et la fin du mois de septembre, la protection offerte par les
vaccins contre l’infection est passée de 87,9% à 48,1%.
Dans le détail, les vaccins Janssen, Moderna et Pfizer affichaient
respectivement une efficacité de 86,4%, 89,9% et 86,9%. Après six mois,
ils ne protégeaient plus qu’à hauteur de 13,1%, 58% et 43,3%.
Une efficacité vaccinale qui diminue
"La
quantité des anticorps, présents dans le sérum des patients et qui sont
capables de neutraliser l’infection, diminue au cours du temps. C’est
un processus qui est normal et naturel. Toutefois la mémoire immunitaire
perdure, et elle permet aux patients vaccinés de mieux contrôler les
infections ", résume Étienne Decroly."La
conséquence est que l’on a des populations qui risquent davantage
l’infection mais que le risque de faire des maladies sévères est plus
limité. En outre, elles ont encore des cellules qui ont la mémoire de la
vaccination, celles-ci vont être activées et reproduire des anticorps
assez rapidement", détaille le chercheur au CNRS.
Par ailleurs, Étienne Decroly affirme que "si
on veut juguler correctement la circulation du virus, ces doses
supplémentaires sont importantes. On le voit depuis des mois, plus le
virus circule, plus on a des variants qui risquent d’émerger sous la
contrainte de la pression de sélection". En clair, plus le virus se
propage et se réplique, plus il a de chances de muter. Pour
l’infectiologue Karine Lacombe, cheffe de service des maladies
infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP, Paris), il faut donc "généraliser
la troisième dose de vaccin à tout le monde, dans toutes les catégories
de population, six mois après la deuxième dose".
Une
proposition qui entre en contradiction avec les résultats d’une étude,
menée par un groupe d’expert de l’OMS et de l’Administration américaine
des denrées alimentaires et des médicaments (FDA), et publiée dans le
revue scientifique The Lancet.
Les experts divisés sur la question
Selon les auteurs, cités par L’Express, "les
données actuelles ne montrent pas le besoin de rappels de vaccin en
population générale, chez laquelle l’efficacité contre les formes graves
reste élevée [...] et ces vaccins, qui sont en quantité limitée,
sauveront le plus de vies s’ils sont administrés aux personnes qui
courent un risque de maladie grave et qui n’ont pas encore reçu le
vaccin", écrivent-ils.
Étienne Decroly précise d’ailleurs que "les
stratégies de déploiement des rappels vaccinaux ne devraient pas être
tout à fait identiques aux stratégies de vaccination initiale".
Cette troisième dose pourrait concerner les personnes qui ont reçu une
injection d’AstraZeneca ou Janssen car les études montrent qu’elles "sont un peu moins bien protégées que celles qui ont été vaccinées avec le vaccin Pfizer". "Ces populations devraient être considérées comme prioritaires", estime-t-il.
En outre, cette piqûre de rappel pourrait être dans le futur une "vaccination de type ‘boost’",
c’est-à-dire un vaccin basé sur les variants circulant majoritairement
actuellement. À l’instar des injections contre la grippe, "où chaque année le vaccin évolue en fonction des souches qui circulent", souligne le virologue.
"La question qui se pose néanmoins est la suivante: quand
est-ce que ces formules ‘boost’ seront disponibles, de manière à
optimiser la vaccination? Pour l’instant on n’a pas de réponse claire,
c’est une interrogation qui a évidemment de l’importance au moment ou
l’épidémie repart dans plusieurs pays européen", conclut notre
interlocuteur.
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