18 octobre 2021

Piotr Tolstoï : la Russie a perdu la campagne d'information sur la vaccination

Selon Piotr Tolstoï, député à la Douma, l'Etat a perdu la campagne d'information sur la vaccination contre le Covid. C'est un fait, même s'il est difficile de perdre ce qui n'a pas eu lieu. Car, si l'on y regarde plus attentivement, il n'y a pas eu de "campagne d'information" à proprement parler, il y a eu une campagne publicitaire, dont les commanditaires restent par ailleurs dans l'ombre, et une campagne de rétorsion, contre ceux qui osent émettre des réserves. Comme le souligne avec justesse ce député, la modalité "nous décidons, vous exécutez" ne fonctionne pas car de questions restent sans réponse.

Y aura-t-il enfin un changement de stratégie, ce qui serait salutaire pour le pays, ou n'attendons-nous qu'un changement de communication, devant voiler la continuation ? A moins que, finalement, et il semblerait que ce soit le cas, rien ne change du côté des élites (ont-elles encore le choix?). Ce qui va continuer à faire monter la pression sociale.

Il est parfois agréable d'entendre dire les choses, même lorsqu'elles sont évidentes. Piotr Tolstoï est député à la Douma pour le parti présidentiel et il a déclaré sur NTV, chaîne fédérale, que l"Etat a perdu la campagne d'information sur la vaccination contre le Covid, car il n'a pas choisi la bonne stratégie. Personne ne peut répondre aux questions que se posent les gens : pourquoi il peut y avoir des complications, pourquoi les vaccinés peuvent de toute manière tomber malade. Et les gens n'ont pas confiance en ce vaccin. Ses déclarations de fin de semaine, alors que les pouvoirs locaux repartent au combat contre les non-vaccinés, montrent l'impasse de la stratégie choisie : non pas de réponses aux questions, mais une approche commerciale, pour faire vendre un produit, cette fois-ci le vaccin.

Une campagne publicitaire très professionnellement menée et parfaitement anonyme

Les chaînes de télévision fédérales, les radios, annoncent diffuser gratuitement tous ces spots publicitaires. C'est en tout cas ce qui est affirmé dans l'enquête menée par le journal financier Vedomosti. Il est quand même extrêmement surprenant que les commanditaires restent à ce point jaloux de leur anonymat... Car si les chaînes interrogées affirment agir en fonction de leur "position citoyenne" en soutenant la campagne publicitaire de vaccination, celle-ci est coordonnée. Car l'ampleur du phénomène a été soulignée, pas uniquement par nous qui regardons la télévision et coupons le son dès l'arrivée de la publicité pour éviter ces inepties, mais également par les professionnels des médias. Pour le premier trimestre 2021, cette campagne a touché plus de 80 millions de personnes. Qui est derrière ? Pourquoi ne pas agir au grand jour ? Cela ne favorise pas la confiance en la campagne de vaccination.

Un autre domaine de propagande est celui des affiches dans les villes. Au-delà des visages en gros plan de médecins appelant à se faire vacciner, avec le temps, le ton bon enfant a été changé proportionnellement à la montée de méfiance de la population face au vaccin

Ainsi, dans plusieurs villes de Russie, cette affiche est apparue : "Combien doivent mourir pour que tu te vaccines ?". Ce qui conduit les habitants de Saint-Pétersbourg et de Stavropol à s'adresser aux autorités locales contre ce qu'ils considèrent comme un message agressif, une menace cachée. Et ces campagnes aussi sont menées anonymement.


Sur une autre affiche, les habitants de Saint-Pétersbourg, Moscou, Ekaterinbourg, Tomsk, etc, ont pu voir fleurir ce message tout aussi agressif : "La vaccination sauve la vie. Ne pas se protéger et protéger ses proches est de la folie". Toujours anonyme.

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Les pouvoirs locaux d'Ivanovo ont été très créatifs et une affiche lancée (formellement) par les pompes funèbres annonce : "Si tu n'es pas vacciné, nous t'attendons". Manifestement, la vaccination rend immortel. Sans oublier la dimension sociale de la vaccination, elle permet de revoir ses amis, de voyager, etc. C'est le message lancé par la campagne publicitaire organisée par le centre "Priorités nationales", qui s'occupe des projets étatiques nationaux et notamment de la comm du Covid.

Pour compléter le tableau, puisque la population ne se soumet pas si facilement au diktat, des mesures de coercition devant les "convaincre" de se vacciner, sont discutées au niveau local, le pouvoir fédéral restant en retrait, sans pour autant empêcher (bien au contraire) cette folie.

Ainsi, par exemple, car les exemples sont malheureusement nombreux, l'Ombudsman des entrepreneurs estime que les QR Codes pour accéder aux bars et aux restaurants ne sont pas suffisamment contraignants pour la population non-vaccinée. Il estime qu'il serait beaucoup plus contraignant d'interdire l'achat d'alcool aux non-vaccinés en conditionnant ces achats à la validation par QR Code - ce qui les pousserait à se faire vacciner. Tous les moyens sont bons pour conduire à la vaccination, sauf manifestement une campagne d'information réellement sanitaire ...

Dans la catégorie fanatique, l'on retrouve aussi les pouvoirs locaux de la région de Perm, qui veulent instaurer un confinement géographiquement zoné, non pas simplement en fonction du taux de contamination, mais du taux de vaccination. Qu'en sera-t-il des zones vaccinées, mais contaminées ? Vont-ils mettre en place des postes de contrôle pour empêcher la circulation des gens ? Ou bien tout cela n'est-il que de la comm, pour maintenir une pression psychologique que la population ?

En effet, comme le disait Piotr Tolstoï, l’État russe a perdu la campagne d'information. Mais, il ne l'a pas menée. Sans cette contrainte malsaine au quotidien, beaucoup plus de personnes avec le temps, tranquillement, se seraient fait vacciner. Mais la logique mise en place n'est pas une logique politique, qui doit conduire à convaincre, une logique s'appuyant sur la légitimité. Ces élites managériales pensent comme des commerçants : elles veulent vendre leur produit. Mais des commerçants avec une tendance Al Capone : si tu ne l'achètes pas, on va te mettre une telle pression, que tu vas craquer. 

Et cette démarche n'est pas propre à la Russie, elle est globale, elle est fonctionnellement l'image de la prise de pouvoir managériale. Mais elle est surprenante en Russie, car si les autorités gouvernantes prétendent à la souveraineté, il n'est alors pas de leur intérêt politique de lutter contre leur propre population, puisque la légitimité de leur pouvoir en dépend directement et que ces élites gouvernantes n'ont et n'auront aucun soutien extérieur - quoi qu'elles fassent. Il serait bon d'y réfléchir, surtout quand l'argument sanitaire du fanatisme vaccinal soulève beaucoup de questions, avec l'augmentation des cas, indépendamment de l'augmentation de la vaccination ... Mais il est vrai que leur logique n'est plus politique. Peut-être y revenir ?

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