11 jours avant la commémoration d’AZF, l’usine Aubert & Duval, ferronnerie industrielle de la sous-traitance aéronautique en Ariège a pris feu libérant ainsi une grande quantité de fumées toxiques, ceci alors même que les salariés avaient récemment fait remonter des problèmes de sécurité.
Avant 7h ce matin, un grand incendie s’est déclaré dans l’usine de pièces industrielles Aubert & Duval située dans le centre-ville de Pamiers en Ariège. Selon les informations fournies par la Dépêche « un bac d’acide se serait enflammé au moment du nettoyage sur ce site, qui n’est pas classé Seveso. Mais au regard des produits chimiques qui sont parfois manipulés, il y a un risque incendie connu des autorités ». Si aucun blessé n’est à déplorer pour le moment il nous est impossible de confirmer pour l’heure que les travailleurs ne présenteront aucune séquelles dû à l’exposition des vapeurs toxiques.
Un salarié du site incendié, nous a expliqué que « la chaîne de traitement de surface qui a pris feu suite à l’inflammation d’une cuve de trempe comprenait différents produits toxiques : des bains d’acide type décapage titane (hydrofluoré), d’alodine (chrome exavalant de type VI) ainsi que des bains de Sulfo tartrique (tartaric sulforic anodisation) ». Ce ne serait pas moins de 50.000 litres de produits (50m3) partis en fumée, soit moins que lors de la catastrophe de Lubrizol de 2019 à Rouen. Cependant, pour le moment impossible de savoir à quel point cette catastrophe industrielle peut être comparable à celle de Lubrizol[1] au regard de l’hétérogénéité des substances sur place.
Ce que l’on peut d’ores et déjà dire c’est que certains produits qui ont brulé à Pamiers sont extrêmement cancérigènes, mutagènes et polluants… Comme pour le cas du chrome hexavalent par exemple, dont l’utilisation sera interdite à partir de 2024 au regard de sa dangerosité.
Ce nouvel accident industriel catastrophique était prévisible. Les salariés et les syndicats avaient déjà fait remonter des dysfonctionnements notamment sur l’aspiration : « au niveau des bains de produits, même en temps « normal » l’aspiration était insuffisante ! » toujours selon le salarié que nous avons interviewé.
En juillet 2020, les salariés de l’usine ont par ailleurs subi un terrible accord de performance collective (APC) qui a mis à la porte l’ensemble des intérimaires et prestataires de l’entreprise.
Même si nous ne connaissons pas encore les origines directes de
l’accident, il est clair que cette attaque contre les salariés de
l’usine qui fait augmenter la charge individuelle de travail en même
temps que les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs est
sans aucun doute une cause centrale de l’état de la situation ! Il est
évident qu’un manque de personnel ainsi qu’une augmentation des cadences
ne peuvent qu’amplifier les manquements dans la sécurité, en
l’occurrence dans la maintenance de la chaîne de traitement de surface.
Le cas de Lubrizol
avait montré des manquements graves à la sécurité pourtant dénoncées
par les travailleurs avant l’accident, faisant face à une direction
obnubilée par la diminution des charges fixes.
Par ailleurs, le salarié que nous avons contacté, dénonce les conditions d’évacuation : « la
grande majorité des travailleurs ont été évacué de l’usine seulement 45
minutes après le départ du feu ! Certains ateliers, plus de 2h après ! ». Cette pression mise sur les salariés pour maintenir la production malgré l’incendie est un scandale dans le scandale.
Le feu aurait été jugulé aux alentours de 10h30, ainsi les mesures de confinement des populations et de fermeture des activités scolaires ont été levées, soit seulement 3h30 après le début de l’incendie et alors même qu’aucun bilan sur la toxicité n’ait été produit…
Cet accident industriel fait échos aux travailleurs de l’entreprise Toray, également dans la sous-traitance aéronautique, qui se sont mis en grève afin de dénoncer eux aussi le risque industriel de leur site face à une direction totalement insensible à la santé des ouvriers et des populations alentours.
Cet événement arrive 11 jours avant les 20 ans de la catastrophe industrielle d’AZF qui a tué 21 travailleurs et 8 extérieurs à Toulouse et a provoqué de nombreux débats à court mais aussi à long terme notamment sur la santé de la population.
L’enchaînement de ces catastrophes industrielles confirment que le patronat n’a que faire de la sécurité des travailleurs et de leurs conditions de travail et que ces dernières constituent des entraves à la rentabilité et dans la course aux profits, qu’il convient de négliger et rogner. C’est pourquoi, seuls les travailleurs sont en mesure d’assurer la sécurité totale de l’industrie, pour eux-mêmes mais aussi pour les populations et l’environnement. Comme l’explique Adrien Cornet, raffineur et gréviste lors de la lutte sur le site Total de Grandpuits : « quand on va dépasser les normes qui polluent les fleuves dans lequel on rejette les eaux issues de notre industrie, plutôt que d’aller chercher des solutions pour diluer, pour cacher ces dépassements, les ouvriers arrêteraient l’outil de travail, ils chercheraient à résoudre le problème par une maintenance de l’outil de travail et ensuite ils redémarreraient l’outil en toute sécurité. Tout simplement parce qu’ils habitent aux abords de ce fleuve. Aujourd’hui ce n’est pas ce qui se passe parce qu’une entreprise capitaliste elle pense avant tout aux profits. Un outil de travail aux mains des travailleurs, c’est penser écologie, c’est penser sécurité. Sinon demain on aura un Lubrizol ».
Les travailleuses et travailleurs d’Aubert et Duval et la population locale font malheureusement les frais de la gestion capitaliste, cette fois-ci c’est leur santé qui a été mise sur la balance risque/profit, de quoi relancer une colère légitime qui n’a, depuis l’APC, pas été éteinte malgré l’ignorance de la direction.
[1] la liste des produits brûlés à Lubrizol : acide chlorhydrique, des hydrocarbures sulfurés, des sources radioactives scellées, de l’amiante, du pentasulfure de phosphore, des solvants, des additifs détergents
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