L’histoire se situe dans le sud-est de l’État du Massachusetts, sur la presqu’île de Cape Cod, célèbre pour ses plages immaculées. Elle s’est déroulée entre le 3 et 17 juillet 2021 dans la station balnéaire de Provincetown dans le comté de Barnstable à l’occasion de plusieurs événements estivaux et de grands rassemblements publics.
Tout commence le 10 juillet lorsque le département de santé publique du Massachusetts, État dans lequel le taux de couverture vaccinale était alors estimé à 69 %, est informé de la survenue de cas d’infection par le SARS-CoV-2 chez des personnes résidant ou ayant récemment séjourné dans le comté de Barnstable, notamment chez des individus complètement vaccinés contre la Covid-19. Ces personnes ont participé à des événements en intérieur avec de nombreux participants ainsi qu’à des activités en extérieur incluant de très nombreuses personnes (bars, restaurants, chambres d’hôtes, maisons de location). Alors que le 3 juillet, l’incidence des cas de Covid-19 dans la ville était pour la quinzaine glissante de zéro cas pour 100 000 habitants et par jour, celle-ci est passée le 17 juillet à 177 cas quotidiens pour 100 000 habitants sur une période de quinze jours.
Entre le 10 et 26 juillet, le département de santé publique du Massachusetts identifie un foyer de contamination parmi des résidents de l’État. D’autres cas de Covid-19 sont également détectés par les autorités sanitaires locales. Des prélèvements biologiques sont effectués à des fins de séquençage génomique.
Le 26 juillet, on dénombre 469 cas de Covid-19 chez des habitants du Massachusetts. Parmi eux, environ les trois-quarts (74 %) présentent des symptômes.
Les dates des prélèvements respiratoires positifs pour le SARS-CoV-2 s’étalent entre le 6 et 25 juillet. Près de la moitié des cas (42 %) concernent des résidents du comté de Barnstable. Cinq personnes vont devoir être hospitalisées. Le 27 juillet, on ne comptait aucun décès. Un patient hospitalisé, présentant plusieurs comorbidités, n’était pas vacciné. Quatre autres personnes, âgées de 20 à 70 ans et complètement vaccinées, sont également hospitalisées, dont deux présentaient des pathologies antérieures.
Variant Delta
Réalisé auprès de 133 patients, le séquençage génomique révèle la présence du variant Delta chez 119 patients, soit dans 89 % des cas, et du virus Delta de la sous-lignée AY.3 dans un cas. Le séquençage n’a pas été exploitable chez 13 autres patients.
Il s’avère que sur les 469 cas d’infection par le SARS-CoV-2 identifiés, 346 sont survenus chez des individus complètement vaccinés, dont 87 % étaient des hommes d’âge moyen 42 ans. Selon les cas, ils avaient reçu le vaccin Pfizer-BioNtech (46 % des cas), Moderna (38 %), Janssen (16%).
Chez ces personnes présentant une infection post-vaccinale, plus des deux-tiers (79 %) étaient symptomatiques, présentant la plupart du temps de la toux, des maux de tête, un mal de gorge, des douleurs musculaires, de la fièvre. Il s’est écoulé en moyenne au moins quatorze jours entre l’administration de la dernière dose vaccinale et le début des symptômes. Plus précisément, de 6 à 178 jours, soit environ une semaine à six mois.
Aucun décès n’est survenu pour les quatre patients avec infection post-vaccinale ayant été hospitalisés.
Chez 127 patients infectés complètement vaccinés, le niveau de la charge virale estimé par PCR était comparable à celui observé chez les non vaccinés. La charge virae est indirectement évauée par le Ct (Cycle Threshold) qui est le nombre de cycles d’amplification pour atteindre le seuil de détection lors de la réaction PCR. Plus la valeur du Ct est basse et plus il y a de virus dans le prélèvement analysé. Ainsi, les valeurs du Ct étaient similaires à celles observées chez 84 patients non vaccinés, non complètement vaccinées ou dont le statut vaccinal n’était pas connu. Les Ct étaient respectivement de 22,77 chez les patients infectés complètement vaccinés et de 21,54 chez les autres.
Le fait de ne pas avoir observé de différence significative dans les valeurs du CT entre les cas d’infection post-vaccinale et les autres cas « pourrait signifier que la charge virale des personnes vaccinées et non vaccinées par le SARS-CoV-2 est également similaire », déclarent Catherine Brown et ses collègues du département de santé publique du Massachusetts dans un article paru en ligne le 30 juillet 2021 dans le MMWR, bulletin épidémiologique hebdomadaire des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
Vingt-deux cas supplémentaires ont été recensés dans d’autres États chez des personnes qui s’étaient rendues entre le 3 et 17 juillet dans le comté de Barnstable. Ces personnes ont été à l’origine d’infections secondaires.
Comme le soulignent les auteurs, les données présentées sont cependant insuffisantes pour permettre de tirer des conclusions définitives concernant l’efficacité des vaccins anti-Covid-19, notamment vis-à-vis du variant Delta, durant cette flambée épidémique. En effet, plus le taux de couverture vaccinale augmente, plus le nombre de personnes vaccinées tend à augmenter parmi les cas de Covid-19.
Par ailleurs, il se peut que le nombre d’infections asymptomatiques soit sous-estimé du fait d’une moindre détection. Enfin, les personnes ayant participé à des regroupements estivaux festifs étaient majoritairement des hommes. Il importe donc de mener de plus amples recherches afin de déterminer si d’autres facteurs pourraient également intervenir, tel que l’existence de comorbidités et notamment de pathologies exposant à un déficit de l’immunité.
Que conclure de ces données ? Selon les auteurs, il importe que les organisateurs d’événements et les autorités sanitaires locales continuent d’évaluer la nécessité d’instaurer des mesures supplémentaires, notamment la limitation de la jauge pour les rassemblements, voire l’annulation de l’événement, notamment en fonction du taux d’incidence et du niveau de couverture vaccinale de la population.
« La guerre a changé »
Aux États-Unis, le 27 juillet, les CDC ont publié des recommandations selon lesquelles toutes les personnes, y compris celles qui sont entièrement vaccinées, devraient porter un masque dans les lieux publics intérieurs lorsque l’incidence de la Covid-19 est élevée ou substantielle. Des documents internes aux CDC, révélé par le Washington Post, indique que le variant Delta est aussi contagieux que le virus de la varicelle, ce qui confirme une fois de plus qu’il est hautement transmissible.
Ces documents s’accompagnent d’une mise en garde : « La guerre a changé », soulignant à quel point l’émergence de variants préoccupants a changé la donne. La directrice des CDC, Rochelle Walensky, s’est notamment appuyée sur ces nouvelles données pour recommander, depuis deux jours, le port du masque en intérieur dans les zones à haut risque pour les personnes vaccinées. Ces nouvelles recommandations modifient substantiellement la directive de l’agence publiée le 13 mai, controversée à l’époque, selon laquelle les personnes vaccinées ne doivent pas porter de masque à l’intérieur ou à l’extérieur en raison de la protection offerte par les vaccins contre le SARS-CoV-2.
Mesures barrières indispensables
Selon les auteurs, les résultats de leur enquête suggèrent que « même les localités dans lesquelles on n’observe pas de transmission de Covid-19 substantielle ou élevée pourraient envisager d’étendre les stratégies de protection, dont le port du masque dans les lieux publics intérieurs, et ce quel que soit le statut vaccinal, étant donné le risque potentiel d’infection en cas de participation à de grands rassemblements publics réunissant des personnes en provenance de nombreuses régions ayant des niveaux de transmission différents ».
Reste à savoir, en France, dans quelle mesure les autorités sanitaires et les localités touristiques, en particulier dans les zones à haut risque, auront la volonté de marteler aux résidents et aux touristes à quel point l’ensemble des mesures barrières reste plus que jamais, en plus du vaccin, essentielles pour contrer la progression du variant Delta sur le sol français. Un message qu’il n’est pas facile à faire passer au vu du relâchement actuel et de la croyance de certains que le vaccin assurerait une protection à 100 %. Et ce d’autant plus que plusieurs études internationales récentes, à l’instar de celle publiée dans le MMWR, décrivent la survenue d’infections post-vaccinales (breakthrough infections). Celles-ci sont cependant rares et n’entraînent dans la très grande majorité des cas seulement des formes légères ou asymptomatiques de Covid-19. Selon les CDC, on dénombre 35 000 infections symptomatiques par semaine parmi 162 millions d’Américains vaccinés.
Marc Gozlan
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