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09 avril 2021

Quelle forme prennent les choses en Chine ?

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Le nouveau plan quinquennal vise une réforme économique de « haute qualité », un bond en avant technologique et une nouvelle ère de prospérité commune.

L’heure est au Lianghui (Les deux sessions), le rituel annuel des dirigeants de Pékin. Les vedettes du spectacle sont l’organe consultatif politique suprême, la Conférence consultative politique du peuple chinois, et la remise traditionnelle d’un rapport de travail par le Premier ministre à l’organe législatif suprême, l’Assemblée nationale populaire (ANP).

L’examen de l’ébauche du 14e plan quinquennal chinois se poursuivra jusqu’au 15 mars. Mais dans la conjoncture actuelle, il ne s’agit pas seulement de 2025 (rappelez-vous Made in China 2025, qui reste en vigueur). La planification s’inscrit dans une perspective à long terme, vers les objectifs du projet Vision 2035 (réalisation d’une « modernisation sur une base socialiste ») et même au-delà, jusqu’en 2049, date du 100e anniversaire de la République populaire de Chine.

Lors de la présentation du rapport sur le travail du gouvernement pour 2021, le Premier ministre Li Keqiang a souligné que l’objectif de croissance du PIB était « supérieur à 6 % ». (le FMI avait précédemment prévu 8,1 %). Cela inclut la création d’au moins 11 millions de nouveaux emplois urbains.

En matière de politique étrangère, Li ne pouvait pas établir un contraste plus net avec l’Hégémon : « La Chine poursuivra une politique étrangère indépendante et pacifique et encouragera la construction d’un nouveau type de relations internationales. »

Cela signifie que Pékin travaillera éventuellement avec Washington sur des dossiers spécifiques, mais surtout qu’elle se concentrera sur le renforcement des relations commerciales/investissements/finances avec l’UE, l’ANASE, le Japon et le Sud.

Les grandes lignes du 14e plan quinquennal (2021-2025) pour l’économie chinoise avaient déjà été conçues en octobre dernier, lors du plénum du PCC. L’APN va maintenant l’approuver. L’axe principal en est la politique de « double circulation », dont la meilleure définition, traduite du mandarin, est la « double dynamique de développement ».

Cela signifie un effort concerté pour consolider et étendre le marché intérieur tout en continuant à promouvoir le commerce et les investissements étrangers, comme dans les innombrables projets de l’initiative des Nouvelles routes de la soie. D’un point de vue conceptuel, il s’agit d’un équilibre très sophistiqué, très taoïste, entre le yin et le yang.

Au début de l’année 2021, le président Xi Jinping, tout en faisant l’éloge de la « conviction et de la résilience des Chinois, ainsi que de notre détermination et de notre confiance », a tenu à souligner que la nation était confrontée à « des défis et des opportunités sans précédent ». Il a déclaré au Politburo que des « conditions sociales favorables » devaient être créées par tous les moyens disponibles jusqu’en 2025, 2035 et 2049.

Ce qui nous amène à cette nouvelle étape du développement chinois.

L’objectif clé à surveiller est la « prospérité commune » (ou, mieux encore, la « prospérité partagée »), à mettre en œuvre parallèlement aux innovations technologiques, au respect de l’environnement et à la prise en compte complète de la « question rurale ».

Xi a été catégorique : il y a trop d’inégalités en Chine – disparités régionales, urbaines-rurales, de revenus.

C’est comme si, dans une lecture froide de l’élan dialectique du matérialisme historique en Chine, nous arrivions au modèle suivant. Thèse : dynasties impériales. Antithèse : Mao Zedong. Synthèse : Deng Xiaoping, suivi de quelques dérivations (notamment Jiang Zemin) jusqu’à la véritable synthèse : Xi. 

Sur la « menace » chinoise

Li a souligné le succès de la Chine à contenir le virus de la Covid-19 sur le plan intérieur ; la nation y a consacré au moins 62 milliards de dollars. Il faut y voir un message subtil, adressé en particulier aux pays du Sud, sur l’efficacité du système de gouvernance chinois pour concevoir et exécuter non seulement des plans de développement complexes, mais aussi pour faire face à des urgences graves.

Ce qui est finalement en jeu dans cette compétition entre les démocraties (néo)libérales occidentales vacillantes et le « socialisme aux caractéristiques chinoises » (copyright Deng Xiaoping), c’est la capacité à gérer et à améliorer la vie des gens. Les universitaires chinois sont très fiers de la philosophie de leur plan de développement national, défini comme SMART (spécifique, mesurable, réalisable, pertinent et limité dans le temps).

Un très bon exemple est la façon dont la Chine, en moins de deux décennies, a réussi à sortir 800 millions de personnes de la pauvreté : une première absolue dans l’Histoire.

Tout ce qui précède est rarement évoqué car les cercles atlantistes se noient dans une diabolisation hystérique de la Chine, pratiquement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Wang Huiyao, directeur du Centre pour la Chine et la mondialisation, basé à Pékin, a au moins eu le mérite de faire intervenir dans la discussion le sinologue Kerry Brown du King’s College de Londres.

S’appuyant sur des comparaisons entre Leibniz – proche des jésuites, intéressé par le confucianisme – et Montesquieu – qui ne voyait la Chine que comme un système despotique, autocratique et impérial – Brown réexamine 250 ans de positions occidentales bien ancrées sur la Chine et remarque combien il est « plus difficile que jamais » d’engager un débat raisonnable.

Il identifie trois problèmes majeurs.

1. Tout au long de l’histoire moderne, l’Occident n’a jamais pris conscience que la Chine devenait une nation forte et puissante, et que son importance historique se restaurait. Les mentalités occidentales ne sont pas prêtes à y faire face.

2. L’Occident moderne n’a jamais vraiment considéré la Chine comme une puissance mondiale ; au mieux, comme une puissance régionale. La Chine n’a jamais été considérée comme une puissance navale, ou capable d’exercer un pouvoir bien au-delà de ses frontières.

3. Propulsé par une certitude de fer sur ses valeurs – le concept très dévalorisé de « vraie démocratie » – l’Occident atlantiste n’a aucune idée de ce qu’il faut faire avec les valeurs chinoises. En fin de compte, l’Occident n’est pas intéressé par comprendre la Chine. Le biais de confirmation règne ; le résultat est que la Chine est considérée comme une « menace pour l’Occident ».

M. Brown met en évidence la principale difficulté à laquelle est confronté tout universitaire ou analyste qui tente d’expliquer la Chine : comment transmettre la vision chinoise extrêmement complexe du monde, comment saisir l’histoire de la Chine en quelques mots. Il faut plus que quelques borborygmes pour y parvenir.

Exemples : expliquer comment 1,3 milliard de personnes en Chine bénéficient d’une certaine forme de sécurité médicale et comment 1 milliard de personnes bénéficient d’une certaine forme de sécurité sociale. Ou expliquer les détails complexes de la politique ethnique chinoise.

Lors de la présentation de son rapport, le Premier ministre Li s’est engagé à « forger un fort sentiment de communauté au sein du peuple chinois et à encourager tous les groupes ethniques de Chine à travailler de concert pour la prospérité et le développement communs ». Il n’a pas mentionné spécifiquement le Xinjiang ou le Tibet. C’est une tâche ardue que d’expliquer les épreuves et les tribulations de l’intégration des minorités ethniques dans un projet national, dans un contexte d’hystérie permanente sur le Xinjiang, Taïwan, la mer de Chine méridionale et Hong Kong. 

Venez vous joindre à la fête

Quels que soient les caprices de l’Occident atlantiste, ce qui compte pour les masses chinoises, c’est de savoir comment le nouveau plan quinquennal concrétisera ce que Xi a précédemment décrit comme une réforme économique de « haute qualité ».

Les choses s’annoncent bien pour les puissantes villes de Shanghai et de Guangdong, qui visaient déjà une croissance de 6 %. Le Hubei – où les cas de Covid-19 sont apparus pour la première fois – vise 10 %.

D’après l’activité frénétique des médias sociaux, la confiance de l’opinion publique dans les dirigeants de Pékin reste solide, compte tenu de cette série de facteurs. La Chine a gagné la « guerre sanitaire » contre la Covid-19 en un temps record ; la croissance économique est de retour ; la pauvreté absolue a été éradiquée, conformément au calendrier initial ; l’État-civilisation est fermement établi comme une « société modérément prospère », 100 ans après la fondation du Parti communiste.

Depuis le début du millénaire, le PIB de la Chine a été multiplié par pas moins de 11. Au cours des dix dernières années, le PIB a plus que doublé, passant de 6.000 à 15.000 milliards de dollars. Pas moins de 99 millions de ruraux, 832 comtés et 128.000 villages ruraux ont été les derniers à s’extirper de la pauvreté absolue.

Cette économie hybride complexe est même en train de mettre en place un piège à miel élaboré pour les entreprises occidentales. Des sanctions ? Ne soyez pas idiots ; venez donc ici et profitez-en pour faire des affaires avec un marché d’au moins 700 millions de consommateurs.

Comme je l’ai noté l’année dernière, le processus systémique en jeu ressemble à un mélange sophistiqué de marxisme internationaliste et de confucianisme (privilégiant l’harmonie, abhorrant le conflit) : le cadre en est la « communauté dans un avenir partagé avec l’humanité ». Un pays – en réalité un État-civilisation, concentré sur sa mission historique renouvelée de superpuissance renaissante. Deux sessions. Tant d’objectifs. Tous réalisables.

Pepe Escobar

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