Snif, snif… Mais, sapristi, pas de doute ! On dirait bien des odeurs de campagne ! Ici, je ne parle pas de celle où, au milieu de verts pâturages et sur fond de champs et de vignobles dorés, veaux, vaches, cochons et petits moutons gambadent en faisant des petits bruits rigolos, mais bien de campagne présidentielle : oui, décidément, cela sent la bonne grosse odeur lourde et méphitique d’une campagne présidentielle en approche.
Et les premiers fumets proviennent du Figaro auquel son altesse présidentielle vient d’accorder un long entretien plein d’air chaud, auquel la titraille niaiseuse rend un hommage adapté : voilà, c’est dit, Emmanuel se bat pour nous tous, petits Français, et notre droit imprescriptible à « une vie paisible ».
Si l’on s’en tient au titre, force est de constater que le combat se solde jusqu’à présent par un échec absolument catastrophique : depuis que l’histrion est parvenu au pouvoir, les tensions sociales n’ont cessé de grimper en flèche. Alors que la République se remettait à peine du passage particulièrement violent des Gilets Jaunes qui faillirent la faire tomber, elle s’est retrouvée projetée dans une pandémie largement aggravée par sa gestion particulièrement foutraque, pour rester gentil et ne pas trop prêter d’intentions criminelles aux clowns incompétents qui hantent les couloirs des hôtels ministériels.
Heureusement pour Manu Les Bons Tuyaux, le long entretien accordé au Figaro lui permet d’éviter une analyse (qui serait douloureuse) d’un passif calamiteux en matière de sécurité, et de s’attarder un peu sur le futur et ce qu’il compte faire pour boucler son quinquennat. Cela tombe bien puisqu’il reste une douzaine de mois à Macron pour maquiller ses résultats, encore que l’ampleur de la tâche imposera d’utiliser Liebherr ou Caterpillar plutôt que Gemey ou L’Oréal.
Et c’est vrai qu’il a de la volonté, le brave petit bonhomme ! Il aimerait tant que la vie de ses concitoyens soit aussi paisible que la sienne ! Las, tout le monde n’a pas une escouade de gardes du corps pour protéger son auguste personne de la volonté de discuter d’une part croissante du peuple qu’il a très calmement jeté en résidence surveillée.
Conscient de ce petit écart, il lance donc quelques palpitantes pistes de réflexion au cours de son échange avec les passe-plats du Figaro. Toute l’idée est ici de ratisser à droite aussi vigoureusement que possible. Le sabotage de la gauche et le torpillage du seul concurrent crédible de la droite de 2017 lui avait permis le tour de force d’être élu sur un profond malentendu, il compte donc procéder sensiblement de la même façon pour 2022.
On attendra donc avec une feinte surprise l’affaire crapoteuse qu’on découvrira sur Marine Le Pen et/ou le pantin que la droite aura dégotté d’ici là, mais en attendant, voilà le Présidentissime qui se lance dans un exposé sécuritaire qu’il veut musclé.
Sans grand étonnement, cela tombe assez vite à plat : le locataire de l’Élysée enfile en effet erreurs d’analyses, de méthodes et de renseignements qui annulent toute crédibilité au propos et renvoie l’ensemble de ses réponses au rang de petite musique politicienne habituelle sans intérêt.
Pour lui, la violence serait ainsi essentiellement la conséquence des trafics de drogue (comme le prouvent de nombreux États où elle est en vente libre comme le Colorado ou le Canada qui ont depuis sombré dans la plus totale anarchie). Il entend donc répondre à cette violence avec un accroissement des moyens et des efforts contre les trafics. La guerre contre la drogue ayant amplement montré son efficacité (en fait, pas du tout), le président entend donc redoubler d’efforts.
Et d’après notre anti-narco en chef, ça marche : « chaque jour nous fermons un point de deal », ce qu’une recherche dans Google permet de confi… oups d’infirmer assez lourdement. Manifestement, chaque point fermé renaît illico presto un peu plus loin. Les gesticulations d’Emmanuel n’amusent que lui.
Quant aux méthodes qu’il propose, elles sont là encore parfaitement en décalage avec les besoins, les attentes et la réalité du terrain dont il n’a aucune idée. Depuis son idée – si violemment originale – de lancer un « grand débat national » jusqu’à la possibilité de mettre en place une plateforme (à quand le numéro vert ?) pour dénoncer les contrôles au faciès (ou la violence policière), en passant par la multiplication mécanique d’affichage du nombre de policiers, rien ne permet d’affirmer que l’ensemble rentre dans un tout cohérent.
Mais réjouissez-vous quand même : d’ici 2022, c’est garanti, les Français verront plus de bleu sur le terrain. Sur les routes, ils seront attendus avec grand plaisir ! Sur les plages, on les adorera à pruner durement les familles qui osent boire du jus de fruit sur le sable ! Et dans les forêts, quelle joie de les voir verbaliser le randonneur sans masque !
Sérieusement, c’est véritablement du moquage de visage à l’opposé de ce qui est attendu.
Par ce qu’en attendant, dans le réel loin des zones sécurisées de Paris ou des villes de province qu’il daigne visiter de temps en temps (la règle des 10 km, c’est pour les autres, hein), la sécurité du quotidien c’est la courageuse dissolution d’un groupe identitaire de Français qui ont agité des drapeaux à la frontière pendant que se multiplient les insolences des Traorés, les violences des indigénistes et autres décoloniaux.
Le concret, c’est le discours de plus en plus agressif et de plus en plus audible des communautaristes de tous crins qui entendent imposer leurs agendas d’hydrocéphales à l’ensemble d’une population qu’on abrutit de moraline, de taxes et d’interdictions.
La réalité, celle qui pique, c’est l’existence d’associations lucratives à but séditieux dont certaines sont clairement financées par les pouvoirs publics.
Le réel, contre lequel « on n’a jamais raison », ce sont des quartiers qui n’ont ni police ni justice autre que celles imposées par les petits caïds. Oh, le candidat Macron ne les ignore pas, mais il sait qu’il n’a aucun intérêt électoral à s’y attaquer vraiment.
Alors le réel, dans son coin, loin des ors de la République, offre toutes les semaines des petits morceaux croustillants de vie paisible, avec des fusillades (jusqu’à Montpellier où Macron faisait son kéké), des petits coups de couteau ça et là, des bagarres, des rixes, des incivilités (définition floue, lisez « cambriolage » par exemple), bref, le réel refuse de se cantonner à quelques quartiers et à un simple « manque de bleus » dans les rues.
Et puis le réel, ce sont aussi des tribunaux partis si loin dans l’idéologie, l’excuse et la perte de tous repères qu’on en arrive à devoir relire plusieurs fois certains comptes-rendus pour tenter de comprendre ce qui pousse l’épave judiciaire à pondre ses jugements.
La réalité, c’est qu’au delà de l’avalanche de poncifs, d’erreurs d’analyses et de méthodes, au-delà de tout ce discours qu’on n’aura aucun mal à étiqueter crument électoraliste et seulement ça, le président livre sans même s’en rendre compte une clé essentielle de sa façon de gérer la sécurité, dès le début de l’entretien : pour lui, rien n’est de sa faute, la dérive qui pré-existait certes à son arrivée n’a pas été aggravée par son incompétence ou son jmenfoutisme, non. Ce n’est pas un problème de fond régalien avec une justice impotente, une police écouillée et une armée éparpillée en tâches inutiles. Non : c’est un souci de kartchiers délaissés, de réseaux sociaux et d’anonymat (!) et, surtout, voyez-vous, ce sont les mêmes problèmes ailleurs, la France n’est pas spéciale et elle n’est pas plus violente, non, c’est la société mondiale qui est plus agressive, voilà tout m’ame Ginette…
Devant un tel déni, devant une analyse si boiteuse, des solutions si éculées déjà tentées & déjà foirées, les patchs et cautères assemblées à la va-vite dans la dernière année de quinquennat n’ont aucune chance de servir à quoi que ce soit. Attendez-vous donc à une multiplication des gesticulations.
Et donc à une augmentation de la violence. Celle des racailles sur les Français honnêtes, et celle des forces de l’ordre sur les Français solvables.
Youpi.
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