Bon, soyons clair : si la situation sanitaire est assez bof, la situation économique est, elle, plutôt pas top comme en témoignent les exhortations nerveuses de Bruno Le Maire envers les Français pour les pousser à cramer, rapidement, leur bas de laine. Il ne faudrait pas que ces citoyens aux compétences économiques médiocres en viennent à douter d’une fulgurante reprise, pourtant garantie à la fois par l’actuel locataire de Bercy, véritable expert en matière de cramage d’argent des autres, et par le beau plan de relance à moult milliards qu’il concocte avec la finesse qui le caractérise.
L’assurance que l’économie française va rapidement retrouver ses niveaux d’avant-crise n’empêche cependant pas de préparer un peu le terrain en cas – fort improbable, convenons-en – de déconvenues, par exemple sur le plan de l’emploi. Car oui, il se pourrait, murmure-t-on de façon discrète dans les couloirs républicains, que le niveau d’emploi dans le pays pourrait subir quelques tensions passagères.
Heureusement, tout comme le pays a pu surmonter la crise sanitaire grâce au travail remarquable de toute son administration, à la justesse des analyses gouvernementales et à des prises de décisions rapides, déterminées et particulièrement bien pensées, on sait d’ores et déjà que le pays saura maîtriser ses petits problèmes temporaires de chômage par l’habile truchement de l’institution dédiée à la gestion de l’emploi : Pôle Emploi se prépare donc à accueillir comme il se doit les quelques chômeurs supplémentaires qui pourraient advenir dans ce petit moment délicat.
Et s’il y a bien une méthode avérée pour lutter contre le chômage, c’est bien… de créer de l’emploi, pardi !
Évidence que n’a pas manqué de comprendre et d’appliquer Pôle Emploi qui se prépare donc à cette nouvelle « vague » … en embauchant 3.000 à 5.000 employés en CDD. Et même si ce nombre est encore faible face au demi-million de nouveaux chômeurs enregistrés depuis le début de la crise sanitaire, on est sur le bon chemin : lorsque 400.000 CDD auront été contractés par Pôle Emploi pour lutter contre le chômage, pouf, la mission sera remplie puisqu’il n’y aura plus de nouveaux chômeurs. Malin.
Néanmoins et nonobstant cette judicieuse approche du problème, Pôle Emploi s’attend malgré tout à une hausse notable de la charge imposée à ses employés par la brusque montée du chômage français. Et là, une question s’imposera à tous les contribuables et les salariés dont les cotisations, obligatoires, financent cette institution : en quoi l’embauche de ces milliers d’employés garantira-t-elle un meilleur traitement des chômeurs ?
La question est d’autant plus légitime que Pôle Emploi s’illustre, ces dernières décennies, par son absolue nullité tant en matière de résultats obtenus qu’en matière de gestion des deniers et des dossiers qui lui sont confiés. Enfin, ici, « nullité » est un délicat euphémisme puisque, s’agissant d’argent public, le résultat est toujours une dépense qui, ne trouvant pas en face une concrétisation valable, se transforme donc en perte sèche pour le contribuable et le cotisant, sans parler des pauvres hères confrontés à la machine bureaucratique de gestion de l’emploi auxquels on propose régulièrement, avec une décontraction calibrée par d’intéressants cerfas et une assurance qualité au taquet, des stages de charcutier lorsqu’ils ont une formation de menuisier ou l’inverse.
Et ce constat n’est pas issu d’une simple observation ou par la collection taquine de coupures de presse sur les cas les plus grotesques, mais bien par la Cour des Comptes notamment, qui a récemment rendu ses conclusions d’une étude de l’institution de 2012 à 2019 : absentéisme très élevé, primes à gogos, avantages indus des cadres et dirigeants, augmentations salariales trop rapides, à tel point que la Cour en vient même à préconiser de « réexaminer » l’affectation des conseillers supplémentaires de Pôle emploi pour tenir compte de l’afflux à venir de demandeurs d’emplois. Ouch.
Et sur le plan des résultats en termes d’emploi, le constat est aussi accablant : non seulement la fusion ASSEDIC – UNEDIC n’a pas permis d’améliorer quoi que ce soit (et les inscrits doivent toujours en passer par un parcours du combattant pour percevoir leurs indemnités et bénéficier des aides, formations et encadrement pour lesquels ils ont cotisé), mais les objectifs statistiques en termes d’emploi, pourtant fixés comme mission pour l’institution, ne sont pas du tout remplis ; le nombre de chômeurs continue d’augmenter, quelle que soit la catégorie qu’on regarde ; les chômeurs de longue durée (depuis plus d’un an) ont vu leur nombre exploser de 153,7% depuis la création de Pôle emploi ; en 10 ans, l’ancienneté moyenne au chômage a aussi bondi de près de 58% pour atteindre… 610 jours ; sur la même période, on observe aussi un bond de près de 570.000 personnes âgées de plus de 50 ans. En bref, le bilan est désastreux.
Et surtout, il est extrêmement coûteux puisqu’en parallèle, force est de constater que le secteur privé de gestion des offres d’emploi s’en sort beaucoup mieux. Le nombre de sites consacrés à la recherche d’emplois n’a pas cessé de grandir, et les entreprises passent maintenant volontiers par LinkedIn, LeBonCoin, Monster ou d’autres pour leurs recrutements avec une efficacité qui n’est plus à démontrer. En pratique, ces entreprises obtiennent de bien meilleurs résultats que les armées d’employés d’un Pôle Emploi parfaitement englué dans une bureaucratie et une paperasserie aussi kafkaïennes que grotesquement inutiles.
Chaque année, des milliards d’euros sont consacrés, par les cotisations, à tenter d’aider les demandeurs à retrouver un emploi. Ces milliards actuellement dépensés au travers de Pôle Emploi, structure imposée et grossièrement inefficace, n’ont en réalité aucun besoin ni d’être dépensés dans ce mastodonte incompétent, ni même d’être prélevés alors que des entreprises privées fournissent le même travail pour une fraction du coût.
Et si la disparition de Pôle Emploi signerait inévitablement l’arrivée d’un nouveau contingent de chômeurs actuellement employés à pousser des papiers dans cette bureaucratie coûteuse, nul doute que les économies réalisées ensuite contribueraient amplement à relancer l’économie française, fort mal en point.
En attendant, les autorités ont donc choisi la tactique exactement inverse : grossir les rangs de Pôle Emploi et obésifier encore un peu plus l’entité. Mais cette fois-ci, c’est sûr, ça va marcher !
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