17 août 2020

Quasi-mortelle randonnée


En redescendant de Trounaze, Dimanche dernier, Jean Foupallour s’étonnait du contraste frappant entre l’absolue nature, celle que la main de l’homme effleure à peine, juste pour en tirer la frugale subsistance d’une poignée d’hurluberlus, et le monde des villes, bruyant et mortifère, grouillant d’une humanité cradingue, moche et plus ou moins covidisée. On ne peut pas lui donner tort, à ce brave Jeannot. Ça fait drôle, le silence et la sérénité, le parfum délicat des végétations montagnardes, la solitude tranquille, enfin tout ce qu’on redécouvre dans les coins déserts. Ça nous rappelle vaguement les temps où nous déambulions en tout petits groupes à la recherche de bestioles susceptibles de nous finir sous la dent, l’époque Cro-Magnon, quand la population mondiale d’homo-sapiens n’atteignait même pas le million. C’était chouette, au fond… avec une espérance de vie de vingt-cinq ans, la retraite, la dépendance, tout ça, ils n’en avaient rien à secouer, nos ancêtres de quatre-cents siècles, pas d’impôts, pas de république, pas de socialos, pas d’écolos, pas de macronistes… Oui, enfin bon, ils devaient bien se trouver enquiquinés eux aussi par les casse-pieds de la tribu et les voisins malveillants toujours à essayer de leur piquer leurs réserves de bouffe et leurs gonzesses. En réalité la nature humaine est ainsi conçue, au fond, que toute société si rudimentaire fût-elle, génère les emmerdements. Vous avez tout le temps des fâcheux de toute sorte pour vous empoisonner l’existence, c’était vrai chez nos anciens des cavernes, soyez-en certains, forcément, la taille du cerveau en est la cause essentielle.
Dès que nous eûmes la grosse-tête, c’est à dire une cervelle trois fois plus grosse que celle du chimpanzé moyen, le malheur nous tomba dessus comme la vérole sur le bas-clergé! Une malédiction, vous savez, un peu celle que nous raconte La Genèse, le Paradis Terrestre perdu pour cause de curiosité malsaine, parce qu’il suffit d’une nana un peu plus vicelarde que les autres – avec Eve, naturellement, la question des autres ne se posait pas- pour nous pousser aux conneries majeures! La plupart du temps l’origine de nos tuiles se trouve là: la meuf, imaginative et audacieuse, trouve le moyen d’obliger le brave couillon de bonhomme à se lancer dans de vastes entreprises qui le conduiront souvent aux plus abominables catastrophes. C’est bien vu, finalement, l’histoire d’Adam et de son bout de côte transformé en pétroleuse, c’est toute la vie de l’humanité depuis l’origine des temps… Plaît-il? Ah, oui, excusez-moi, ce que je vous raconte apparaît politiquement incorrect et de surcroît injuste car les porteurs de baloches vous semblent tout à fait capables de faire les pires couillonnades sans y être incités par leurs compagnes, c’est même bien souvent le contraire! Allez, je vous l’accorde, je veux bien faire mon mea culpa (« comme disait le latiniste qui ne voulait pas se laisser sodomiser » scribit San-Antonio), elles nous boostent dans le bon sens, nos copines…mais pas toujours, faut pas déconner! Moi, je vous parle d’expérience, vous savez, je connais la question à fond. Alors, tenez, par exemple ce pauvre cornichon d’Adam, là, mettez vous donc un peu à sa place: soit il est amoureux d’Eve et alors il fait tout ce qu’elle veut, sans discuter et avec plaisir encore, rien à ajouter; soit l’amour lui a passé, du coup il envisage la chose froidement et évalue le niveau de la grosse connerie qu’elle exige de lui, par conséquent il résiste et, en contrepartie, elle commence méthodiquement à l’emmerder. Sauf qu’au Paradis Terrestre, tous les deux tout seuls, avec juste le Diable et le Bon Dieu qui viennent de temps à autres jeter un coup d’œil, vous imaginez bien la vie qu’elle a dû lui mener, Eve, à son jules, enfin son Adam, elle lui a forcément transformé le paradis en enfer. Sur le long terme je défie quiconque de tenir le coup, croyez moi…dès lors le péché originel on ne pouvait pas y couper, inéluctable, incontournable, imparable! D’ailleurs, soyons sérieux, Dieu qui n’est tout de même pas le premier imbécile venu savait parfaitement ce qu’il faisait en bricolant la femme, il condamnait l’humanité à la souffrance éternelle! Belle vacherie qu’il nous a réservée, Celui-Là, il n’y a vraiment pas de quoi lui rendre grâce!
J’en entends quelques-uns qui chuchotent « regardez moi ce pignouf, le voilà en train de se mettre simultanément à dos, les féministes, les Israélites orthodoxes, les Catholiques fervents et même les Musulmans puisque pour ces derniers l’Ancien-Testament reste un texte sacré traitant d’un Dieu qui n’est autre qu’Allah ». Et en effet, moi je suis là, je cause, je cause et je me cause, du coup, un préjudice potentiellement mortel. Heureusement très peu de gens me lisent et tous ceux qui appartiennent aux quatre catégories précitées ont depuis bien longtemps compris qu’ils n’avaient rien à trouver d’intéressant ici. A la rigueur, peut être, deux ou trois braves catholiques sincèrement convaincus, à ceux-là, bien sûr, je présente mes excuses, sans toutefois revenir sur mes précédents constats relatifs aux procédés malveillants du Père-Éternel à notre égard. Je veux bien qu’Il nous ait envoyé Jésus pour racheter nos péchés mais je crois bien que le Pauvre a perdu le ticket de caisse.

Cela dit c’est vrai, je m’égare. J’évoquais juste Trounaze, son calme absolu, ses herbes folles (pas toutes folles, d’ailleurs, certaines aux jolies feuilles dentelées sont cultivées avec le plus grand soin), et ses parfums de nature vierge. Cela dit, avec Jeannot, nous redescendîmes au crépuscule, éclairés à la lampe torche (la vieille torche Zylku, cadeau de Mimile qui ne m’a plus quitté depuis l’époque épique de l’Overseas Winner) (1). Parce que vous savez, aujourd’hui on fait tout avec son smartphone, y compris s’éclairer dans l’obscurité mais si vous voulez y voir vraiment et pendant un bon bout de temps, rien ne vaut encore une bonne vieille torche soviétique! Vous vous rendez compte, c’est avec la torche Zylku que les gardiens des goulags donnaient la chasse aux malheureux Zeks en cavale, même les chiens s’en servaient pour visualiser la barbaque, lorsqu’ils en chopaient un, je ne vous fais pas un dessin, le communisme a ses raisons…
Ainsi donc, Foupallour et moi quittâmes Trounaze à la fraîche pour retrouver la vallée où Marcel Grauburle nous attendait avec sa 4L, vu qu’à cette heure tardive le car des vallées est couché depuis longtemps…enfin je veux dire le chauffeur, étant donné que celui-ci, sitôt quitté le service, s’en va prendre une cuite majeure au bistrot de la gare des autobus. Précisons toutefois qu’après une bonne nuit de sommeil il n’y paraît plus, l’intéressé peut donc, dès potron-minet, reprendre le volant sans haine et sans crainte.
Alors évidemment il nous a attendus beaucoup plus longtemps que prévu, ce cher Marcel, vu qu’en pleine nuit et malgré la torche Zylku, les sentiers de montagne comportent un certain nombre de pièges, inoffensifs quand le soleil brille mais redoutables lorsqu’il fait noir comme dans le derrière de Sibête N’Diaye. Et ça n’a pas loupé, évidemment, l’embranchement maudit, celui qu’il convient à tout prix d’éviter, nous l’empruntâmes, hélas, et faillîmes de peu ne le rendre jamais. Parce qu’au bout d’un certain temps j’entendis un bruit sourd suivi d’un beuglement caractéristique, je me retournai alors, vu que je marchais en tête en éclairant bien devant mes pieds…mais pas devant ceux de Foupallour, bien sûr, lequel n’existait carrément plus! J’eus beau balayer les lieux du faisceau de la torche, plus de Jeannot, fini, disparu, escamoté par la profonde obscurité d’une nuit mal lunée! Mince alors, décidément les chemins escarpés ne lui réussissent pas, à ce mec! Et puis, au bout d’un moment, j’entendis comme une plainte qui disait » rapplique, bougre de con, là derrière toi, à ta droite, grouille! » Il avait chu dans une espèce de ravin, peu profond, certes, mais raviné tout de même! Bon, bref, je vous la fais courte, sorti de son trou tant bien que mal, une entorse à la cheville, incapable de marcher, l’andouille! Il fallut téléphoner à Grauburle, lequel, endormi dans sa guimbarde, n’entendit jamais le son émasculé de son antique portable. Adoncques, lorsque nous commençâmes à entendre hurler les loups -le coin en est truffé- il fallut se résoudre à appeler les gendarmes. Je vous les garantis, ceux-là, si vous n’avez besoin de rien vous pouvez compter dessus: « ici le brigadier Ben Ahmed, ne vous inquiétez pas, les loups ne vous feront rien, ils fuient l’homme. Attendez tranquillement le jour, si vraiment vous avez besoin de nous, rappelez, à partir de 8h30. On vous enverra les pompiers, mais vous savez, ça risque de durer un peu, ils sont très pris, les probabilités d’incendies de broussailles, tout ça… »
Nous repartîmes donc, que voulez vous, clopin-clopan, Foupallour appuyé sur mon épaule! Un vrai chemin de croix! Au petit matin, complètement rétamés, nous retrouvâmes Marcel, épouvanté d’avoir involontairement découché et certain de récolter une chouette branlée dès son retour à la maison!
Une belle réussite, la balade à Trounaze, désormais je ne partirai plus jamais, à nos âges ça commence vraiment à puer grave!
En même temps, de quoi eussiez vous préféré que je vous parle, hein? Du port du masque? De l’ensauvagement de la société? Des évènements du Liban ou de Biélorussie?
Ben voilà, vous voyez, après tout c’est encore aussi bien comme ça…

Bonne semaine à tous et portez vous du mieux possible.

Et merde pour qui ne me lira pas.

NOURATIN

(1) Voir DERRIERE NAPOLEON chapitre VI

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