01 août 2020

Le tweet nucléaire de Trump


Comme on le voit d’ores et déjà dans le texte qui précède celui-ci, la situation aux USA a pris un tour dramatique, avec le désordre crisique atteignant le niveau institutionnel. Pour l’aspect spectaculaire de la communication, cela est dû, une fois de plus, à un tweet sensationnel de Trump évoquant une situation où les choses pousseraient à retarder l’élection présidentielle.

Le tweet dit ceci: « With Universal Mail-In Voting (not Absentee Voting, which is good), 2020 will be the most INACCURATE & FRAUDULENT Election in history. It will be a great embarrassment to the USA. Delay the Election until people can properly, securely and safely vote??? » (soit : « Avec le système de Vote Universel par e-mail [et pas le Vote par Procuration, qui est une bonne chose], 2020 sera l’élection la plus FAUSSÉE et la plus FRAUDÉE de l’histoire. Cela sera un très grand embarras pour les USA. Repousser l’élection jusqu’à ce que les gens puissent voter en toute sécurité, en toute tranquillité et dans de bonnes conditions sanitaires ??? »)

La question est bien de savoir ce que recherche Trump en lançant ses brûlots. Il lance d’abord un tweet sur la possibilité d’un délai; les réactions sont unanimes : folie, impossibilité constitutionnelle, acte de désespoir du président en chute libre dans les sondages, etc. Trump continue : il ne rétropédale pas vraiment, il passe à l’argument “Il faut que tous les résultats soient connus le jour même”, ce qui consiste à en remettre une louche tangentiellement, ce qui ne fait et ne fera qu’alimenter le débat...

Le résultat est, pour l’instant et bien entendu, de créer une situation de communication encore plus confuse qu’elle n’était hier, avant le premier tweet sur le sujet, et sans que ce sujet soit enterré pour autant, bien au contraire. RT.com a demandé à Scott Ritter d’examiner cette question, et Ritter le fait à partir d’abord du constat, unanimement développé, que le président n’a pas le pouvoir d’une telle décision (retarder l’élection); et à partir du constat, ensuite, que si la situation conduisait à l’hypothèse de l’impossibilité d’un vote populaire à cause des conditions d’une situation chaotique, il y a d’autres moyens constitutionnels de désigner un président, essentiellement sinon exclusivement par les votes des élus.

« Tout retard dans l’élection du 3 novembre 2020 qui ne produirait pas un processus électoral juste et équitable dans les 50 États créerait les conditions pour que toute décision reposant sur la détermination d'un organe élu puisse être contestée.

» En bref, même si la Chambre était en mesure d’élire un président, cette décision n’aurait probablement pas l'approbation d’un nombre important d’États. Dans une démocratie où le pouvoir de gouverner est incontestablement lié au consentement du peuple à être gouverné, tout président ainsi élu verrait sa légitimité à gouverner contestée. Le chaos et l'anarchie s’ensuivraient probablement, et avec eux les perspectives de guerre civile.
» La probabilité qu’un tel scénario se produise, ou même puisse se produire, en Amérique aujourd’hui est pratiquement nulle. Les risques d’une telle entreprise sont si graves que même le plus partisan des partisans de Trump s’opposerait à tout effort sérieux visant à retarder la date des élections du 3 novembre.

» Cela soulève la question de savoir quelle est la motivation du président Trump pour laisser planer la possibilité d'une action qui, si elle est entreprise sans le consentement du Congrès, ne constitue rien de moins qu’une sédition. La réponse évidente est que le président, confronté à un déclin précipité du soutien populaire comme le reflètent de multiples sondages, cherche un moyen de retarder une défaite inévitable aux élections.
» Les personnes qui entourent le président, au premier rang desquelles le [ministre de la justice Barr], doivent lui faire comprendre à quel point le terrain sur lequel il cherche à s’aventurer est dangereux. Il y a des choses bien pires que de perdre une élection populaire ; toute action visant à saper le droit constitutionnel des citoyens américains d’élire le chef de l’exécutif aurait pour effet d’éloigner le président de son statut de “président dûment élu” et de le définir plutôt comme un “dictateur autocratique”. Les premiers ont tendance à bien se comporter dans la transition politique, les seconds non. »


L’avis de Ritter rejoint, par exemple, celui que donnait le colonel Lang sur son site Sic Semper Tyrannis immédiatement après le premier tweet explosif de Trump. En bref, dit Lang, développant une position institutionnaliste et légaliste impeccable : Trump a commis une erreur fatale, tout le monde va se retourner contre lui. Voici les quelques lignes de Lang :

« [...] 2. Le PIB des États-Unis s'est contracté d'un tiers au deuxième trimestre. Cela a frappé les marchés comme une tonne de briques. C'est une affreuse situation.
» 3. Comme pour encore aggraver les choses, Trumpy a tweeté que les élections de novembre devraient être reportées parce qu'il y a de fortes chances que le vote par courriel [e-mail] proposé dans un certain nombre d’États soit truffé de fraudes. Tout d’abord, la Constitution américaine fait des élections fédérales la responsabilité des États. A ma connaissance, Trump n’a aucune autorité pour reporter une élection. Son désir de le faire démontre a contrario la sagesse des Pères Fondateurs. C’est peut-être bien son dernier faux pas, fatal pour lui. [...]»


Mais il y a une chose intéressante après ce très court commentaire de Lang, manifestement suscité par la pression de la nouvelle. Un lecteur donne un commentaire où il suggère une explication, notamment à propos du comportement de Trump. Il ne fait aucun doute que le lecteur, identifié comme ‘Deap’, est un partisan enthousiaste de Trump, mais aussi un connaisseur des pratiques pré-électorales avec peut-être des connexions dans l’équipe électorale de Trump.

« Ne vous inquiétez pas. Trump détourne l’attention des Démocrates, alors qu’il prépare un coup important. C’est un tour de magie. Supposons que cela signifie que le rapport Durham est prêt à être diffusé, alors que les démocrates sont complètement sollicités par cette ruse sur le jour des élections. [...]
» Trump est simplement en train de déployer son ‘Art of the Deal’. Il vient de prendre au piège les démocrates, qui tentent de prendre en otage la nation avec leurs manipulations couardes. »


L’idée est que le rapport Durham, qui est le compte-rendu final de l’enquête du procureur Durham, diligentée par le ministre de la justice Barr sur les diverses tentatives de déstabilisation de Trump depuis 2016 (Russiagate & le reste), impliquerait de nombreuses personnalités démocrates et proches des démocrates dans des complots antiTrump. La référence faite ici par ‘Deap’ est celle de ‘la surprise d’Octobre’ (‘October Surprise’), expression passée dans le langage politique courant et désignant une manœuvre de dernière minute dans une campagne présidentielle, – concernant un document, un acte embarrassant, un chantage politique, etc. –pour déstabiliser un adversaire et prendre sur lui un avantage décisif.

Tout autour de ces agitations provoquées par Trump, son tweet et ses intentions, on trouve les points de fixation habituels de la situation crisique chaotique désormais endémique sinon structurelle aux USA. Citons quelques détails de deux d’entre eux.

• Il existe évidemment des centres de chaos où la situation opérationnelle pourrait servir de détonateur à une accélération décisive du chaos général... Le principal actuellement est la situation à Portland, dans l’Oregon, une ville objet de manifestations répétées des foules BLM & Cie, et de l’intervention d’agents fédéraux. Le gouverneur de l’Oregon dit que ces détachements fédéraux de maintien de l’ordre qui avaient été déployés sur ordre de Trump (et sans l’autorisation du gouverneur) sont en train de quitter la ville si ce n’est déjà fait. Le ministère de l’Intérieur (HSD) puis Trump lui-même et son ministère de la justice ont affirmé en réponse que ces forces étaient toujours déployées et le resteraient tant que l’administration Trump jugerait que des bâtiments fédéraux y sont menacés. Plus récemment (hier soir), Trump a menacé de déployer la Garde Nationale à Portland si les détachements fédéraux ne suffisaient pas à la défense des bâtiments fédéraux. L’analyse opérationnelle de la situation de Portland est que cette ville est sous la menace d’une “invasion” des anarchistes et des Antifas qui veulent y installer un équivalent de la CHAZ qui vécut quelques semaines au cœur de la ville de Seattle.

• Quant à Joe Biden, il poursuit sa saison de gloire avec 90 à 95% de son temps de campagne électorale dans un confinement retranché, dans sa cave aménagée en bunker. Il fait énormément de ‘télé-campagne’, ce qui lui permet de poursuivre avec régularité sa série de gaffes et comportements erratiques alimentant les rumeurs sur ses faiblesses cognitives dues à l’âge. En d’autres mots : l’alternative à ce que certains pourraient juger être une sorte de “folie du Trump”, avec une sorte de bricolage légaliste pour cochonner un retour aux normes électorales que serait une élection de Biden n’est pas tellement plus engageante ; d’autant que Biden n’a pas encore sélectionné sa vice-présidente présomptive (puisqu’il a promis de choisir une femme, que tout le monde le donne gagnant dans des conditions ‘démocratique’ et qu’il faut envisager pour lui une présidence écourtée à deux ans), et que les noms qui ont la faveur des pronostics, – Susan Rice, Kamala Harris, etc., – sont des Africaines-Américaines toutes soumises, volontairement ou pas, aux pressions extrémistes de la gauche ‘antiraciste’.

Les complots de Trump

Trump calcule-t-il ? A-t-il un, plan, comme par exemple l’affirme le lecteur ‘Deap’ du colonel Lang ? Dit autrement, on peut s’interroger sur les raisons du tweet de Trump (avec la suite) sur le déplacement du jour de l’élection.

Il nous paraît difficile de penser, comme le font certains dans un réflexe immédiat, qu’il s’agit effectivement d’une tentative directe de Trump de repousser l’élection. Il devrait savoir qu’une telle décision, proposée dans les formes légales, est hors de son autorité et n’a aucune chance de passer au Congrès ; il n’aurait aucun mal à être informé à cet égard, travaillant en ce moment assez proche de son ministre de la justice Barr, qui a été auditionné il y a trois jours et interrogé sur cette question. Peu importe les réponses de Barr aux députés ; ce qui importe ici est de considérer comme très probable une information sérieuse de Trump sur cette question, directement obtenue de Barr. Nous avons donc du mal à partager les opinions du colonel Lang et de Scott Ritter.

On peut revenir sur la révélation chuchotée du lecteur ‘Deap’ du colonel Lang. Il est effectivement possible que Trump ait un plan, – ou bien est-ce lui prêter un peu trop de vista stratégique ? Mais ce dont nous serions certain, considérant le personnage pour ce qu’il est, la considération qu’il a pour ses adversaires et, en général, pour tout ce qui n’est pas lui, c’est qu’il y a une dose de provocation dans la démarche de Trump, d’ailleurs calculée parce que la rédaction de ses tweets ne suggère à aucun moment qu’il prétende lui-même prendre une telle décision de déplacer la date de l’élection.

Dans tous les cas, et qu’il l’ait explicitement voulu ou pas, il nous semble évident que l’offensive de Trump a effectivement eu l’effet d’une provocation, – éléphant dans un magasin de porcelaines pourtant déjà fort dérangé et agité. Disons que “tout se passe comme si” dans le chef de Trump, et le résultat est une intense agitation et un passage de la crise à un autre niveau, supérieur et plus haut, plus fondamental, qui est le niveau du sort des institutions. L’effet objectif, – que Trump l’ait voulu ou non et il nous semble que c’est plutôt ‘non’ parce que trop élaboré, – est de faire passer d’une situation avec Trump au centre de toutes les responsabilités du désordre, à une situation où le désordre existe désormais per se, et que le désordre ne vient plus d’une seule personne, ni ne menace plus une seule personne, mais vient désormais du système de l’américanisme lui-même, et menace ce système dans une logique d’autodestruction.

Bien sûr, une telle évolution, notamment dans la perception qui est en train de s’imposer, n’est possible que parce qu’il y a la personnalité de Trump, son narcissisme, ses audaces incontrôlées, ses mensongeries permanentes, etc. Il n’empêche, désormais le désordre-chaotique règne de lui-même. Trump reste un excellent incendiaire, mais la situation n’est plus dépendante de sa seule personne. Le paradoxe est que cette évolution décisive s’est faite à l’occasion d’une intervention de Trump qui a mis en évidence tous ses traits de caractère, ses outrances et ses inconséquences.
Le dollar et son château de cartes

Pour couronner ce grand inventaire, nous parlerons du dollar, à propos d’une analyse extrêmement pessimiste de Peter Schiff, qui pourrait avoir un rapport avec ces événements autour du jour de l’élection ou du jour de la prestation de serment du président-élu “sans qu’on sache qui est le président”... Selon l’appréciation de Schiff, les événements aux États-Unis ont un effet considérable sur le statut du dollar ; le jour de l’élection ou celui de la prestation de serment, si l’une des situations extrêmes envisagées se manifestait, on pourrait y trouver la dynamique suffisante pour provoquer l’effondrement du dollar.

Voici le rapport que nous fait RT.com des considérations que le site juge importantes, de ce courtier et commentateur financier fameux qu’est Peter Schiff :

« Personne ne semble s’inquiéter de la chute du dollar, écrit Peter Schiff, courtier en valeurs mobilières chevronné, alors que la devise américaine continue de chuter par rapport à ses principaux rivaux, dans un contexte de croissance record de valeurs historiques de l’or et de l’argent.
» Selon Schiff, cette indifférence “persistera probablement jusqu'à ce que la chute se transforme en crash, ce qui, je pense, ne commencera pas avant que l’indice du dollar ne passe sous les 80. Au rythme actuel de sa baisse, ce niveau pourrait être franchi avant la fin de l'année, peut-être le jour des élections”.
» La baisse du dollar américain s’est accélérée ces dernières semaines en raison d’une augmentation des cas de coronavirus aux États-Unis et des indications d’une reprise de l’activité économique mondiale. L’indice ICE du dollar américain, qui suit le billet vert par rapport à un panier de six grands rivaux, a chuté de 0,4 % vendredi à 92,635 et s’est échangé à son plus bas niveau depuis juillet 2018. Dans le même temps, l’or a atteint de nouveaux sommets.

» “Le coronavirus vient d’accélérer le processus de chute du dollar et il n’y a rien que la Fed puisse faire désormais pour préserver le dollar de la chute”, a déclaré Schiff sur son podcast.
» Il a expliqué que les taux d’intérêt négatifs sont en fait beaucoup plus négatifs qu’affichés parce que le gouvernement américain utilise l'IPC (indice des prix à la consommation) “qui ne fait qu'effleurer la surface de l'inflation”.
» Selon Schiff, l’or va supplanter le dollar parce que l’euro et les autres devises ne sont pas prêts à prendre sa place. “Aucune autre monnaie ne prendra la place du dollar, l’argent réel prendra sa place, en particulier l’or, parce que l’or était là avant le dollar”, a-t-il déclaré, notant que le billet vert “a fait un mauvais travail, et maintenant l’or reprend sa place”.

» Schiff conclut donc : “Toute l’économie du château de cartes qui a été érigée au fil des ans, et la Réserve fédérale a été l’architecte de cette économie du château de cartes, repose sur les fondations de la réserve du dollar. Si le dollar perd ce statut, alors la fondation s’effondre et tout le château de cartes s’écroule”. »

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