28 août 2020

«La seule chose que le port du masque permet d’éviter, ce sont les amendes»



La colère monte à propos de la généralisation du port du masque, décidée pour faire face à la montée du Covid-19. Près d’un quart des Français pourraient défier l’injonction gouvernementale de le porter au travail. Une obligation qui révolte René Chiche, professeur de philosophie et vice-président d’Action et Démocratie. Il s’est confié à Sputnik.

La France avance masquée. C’est la direction autoritaire choisie par l’exécutif afin de lutter contre la «recrudescence incontestable des tests positifs» de Covid-19 qui «progresse sur tout le territoire».

​Selon les données de Santé publique France, plus de 5.000 tests positifs ont été enregistrés en France le 26 août, un record depuis la fin du confinement en mai dernier, lié avant tout au fait que pendant l'épidémie on testait très peu. «Le taux de reproduction du virus se situe au-dessus de 1, ce qui signifie qu'il gagne du terrain. Nous étions redescendus à 0,7 en mai. Nous sommes remontés à 1,4», et «la positivité augmente pour toutes les tranches d’'âge», a précisé le Premier ministre Jean Castex. 

«Hypocrisie totale»

Afin de lutter contre l'augmentation des tests positifs, le port du masque se généralise donc : à l’école, en entreprise, et même dans la rue. Le 27 août, le Premier ministre Jean Castex a annoncé qu’il serait désormais obligatoire dans les rues de Paris. C’est déjà le cas à Marseille, deuxième ville de France.
«Ce à quoi nous assistons relève de l’hypocrisie totale. C’est la solution du pauvre qui est choisie au lieu de vraies mesures qui seraient à la hauteur de la crise sanitaire, si crise sanitaire il y a. L’exécutif se contente du service minimum et impose le port d’un masque qui était encore jugé inutile il y a quelques mois», explique au micro de Sputnik René Chiche, professeur de philosophie et membre du Conseil supérieur de l’éducation.

D’une manière plus générale, le chef du gouvernement a expliqué que les Français devront porter un masque dans tous les espaces fermés où se situent plusieurs individus, «qu'il s'agisse d’'un train, d'une salle de réunion ou d’'un supermarché». Mais sans donner de date.

​René Chiche relève le virage à 180 degrés de l’exécutif sur la question du port du masque. Sur TF1, le 13 mars, Édouard Philippe, l’ex alors Premier ministre, Edouard Philippe déclarait: «Le port de masque, en population générale dans la rue, ça ne sert à rien.» Dans Le Point du 16 avril, c’est Emmanuel Macron lui-même qui y allait de son commentaire: «Je refuse de recommander le port du masque pour tous et jamais le gouvernement ne l’a fait.»
«Je pense que le manque de crédibilité de la parole du gouvernement est encore plus inquiétant que la crise sanitaire, qui n’est objectivement pas si grave que cela. La crise morale engendrée par la parole sans contenu qui est celle de l’exécutif est préoccupante», se désole René Chiche, également vice-président du syndicat Action et Démocratie CFE-CGC.

Alors que la rentrée du 1er septembre approche, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’EducationÉducation nationale, Jean-Michel Blanquer a apporté des précisions concernant les règles du port du masque. Ce dernier a expliqué qu’il serait obligatoire à partir du collège, y compris à la récréation pour cette rentrée scolaire. Pour les professeurs, le port du masque obligatoire est systématique de la maternelle au lycée.

​Une obligation qui révolte René Chiche, qui envisage déjà une grève du silence :
«Je ne ferai pas cours avec le masque. Si l’on m’impose de le porter, je ne pourrai pas déroger à la règle, mais je ne prononcerai pas un mot», martèle René Chiche.

Le masque deviendra-t-il un bâillon? «Le gouvernement connaît la situation depuis le mois de mai. Il avait quatre mois pour préparer une rentrée sérieuse. Au lieu de cela, il ne s’est occupé de rien et se contente d’édicter à quelques jours de la rentrée des règles qui ne sont pas compatibles avec l’exercice du métier d’enseignant», ajoute le professeur de philosophie.
Non-port du masque: 700 verbalisations par jour

Ces mesures sanitaires provoquent beaucoup de critiques. D’après une récente enquête de la plateforme de recrutement par intérim Qapa, 38% des Français ne veulent pas porter un masque dans leur entreprise, alors qu’Élisabeth Borne, la ministre du travail, a annoncé qu’il serait obligatoire à partir du 1er septembre. Plus précisément, 12% refusent le port du masque s’il n’est pas obligatoire et 26% défieront la règle imposée par le gouvernement. Une majorité de Français (62%) se plieront sagement à la consigne, 36% par obligation et 25% volontairement.

Du côté des professeurs, des voix s’élèvent pour critiquer les mesures du gouvernement. L’enseignant et essayiste Jean-Paul Brighelli exprimait récemment sur à Sputnik sa colère face à «une situation de panique qui vire à la psychose».

Même son de cloche du côté de René Chiche :

«Il aurait fallu faire une différenciation territoriale. Il est absolument absurde d’imposer la même règle partout sans tenir compte de la circulation du virus. De plus, un dédoublement des effectifs permettant d’assurer une distanciation physique en divisant par deux de manière provisoire et ponctuelle le temps scolaire aurait été plus efficace.»

Jean Castex s’est montré ferme. Il a brandi le chiffre de 700 verbalisations par jour pour infraction aux règles du port du masque. Depuis le 17 août, les autorités ont procédé dans les établissements recevant du public à 30.000 contrôles, qui ont donné lieu à 1.900 mesures de police et 53 fermetures.

«Il ne suffit pas d’'édicter des obligations, encore faut-il imposer leur respect», a affirmé le locataire de Matignon. D’après lui, il incombe aux autorités locales de décider «de l'intensification de ces actions qui, je ne le cache pas, est parfois nécessaire».
«On rend la vie impossible aux gens. Ma femme, pour plaisanter, dit que la seule chose que le port du masque permet d’éviter, ce sont les amendes. Je pense que les Français sont dans une situation d’exaspération. Ils ont bon dos d’accepter des mesures aussi absurdes et contradictoires. À un moment donné, ils pourraient ne plus obéir», conclut René Chiche. 

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