30 juillet 2020

L’Allemagne sans souteneur ?


Il y un mois et demi, tout le monde, – sauf les Allemands, habitués à la discipline formelle et au diktat des positions officielles, y compris quand le POTUS est un cinglé nommé Trump, – avait pris un peu par-dessus l’épaule le tweet du 15 juin de Trump annonçant un retrait de forces US d’Allemagne. Trump parlait de 8 000 ou de 9 500 hommes, et le Pentagone prenait soin, sur un ton assez léger avec un brin d’inquiétude tout de même, de préciser que rien n’était décidé. Les sources habituelles des journalistes comme-il-faut, réduisait cela à une foucade tweetée de Trump de plus; d’ailleurs, disait-on entre les lignes, comment Trump pourrait-il lancer une telle décision alors que sa position intérieure aux USA est si précaire ? C’est là une question d’importance, on le verra plus loin.

Eh bien dans tous les cas, on est obligé de convenir qu’il est en train de le faire

Présentation de la nouvelle par RT.com :


» “L’Allemagne paie à la Russie des milliards de dollars par an pour l'énergie, et nous sommes censés protéger l’Allemagne de la Russie. De quoi parle-t-on !” a-t-il tweeté, peu après que le secrétaire à la défense Mark Esper ait déclaré que les États-Unis allaient retirer quelque 11 900 soldats américains d’Allemagne, alors que le plan initial prévoyait le retrait de quelque 9 500 personnes.
» Trump a également cité la longue querelle sur les contributions à l'OTAN, accusant l’Allemagne de ne pas assumer sa juste part des coûts pour l’alliance militaire.
» “De plus, l’Allemagne est très en retard dans le paiement des 2% de son PIB pour sa participation à l’OTAN. Nous déplaçons donc des troupes hors d'Allemagne !”, écrit Trump, faisant référence à l’exigence de participation financière à l’Alliance pour les États membres.


» Mécontente, l’Allemagne soutient que le retrait porterait un coup au rôle de l’OTAN en Europe. Contrairement à l’affirmation de Trump selon laquelle le retrait prévu “renforcera” l’alliance, améliorant sa “capacité de dissuasion contre la Russie”, les politiciens allemands considèrent qu'il s’agit d'un geste qui creusera un fossé entre Berlin et Washington.


» Les États-Unis et l’Allemagne sont de plus en plus en désaccord en raison des pressions de Washington sur Berlin pour l’abandon du gazoduc Nord Stream 2 avec la Russie. Sa construction a été interrompue l’année dernière après que les États-Unis aient menacé de très fortes sanctions des transports impliqués dans le projet. Au début de ce mois, les États-Unis ont intensifié leur campagne de pression, déclarant qu’ils imposeraient des sanctions à toute personne investissant ou travaillant à la construction ou à l'entretien du gazoduc à l’avenir.


» Une analyse récente de la société de conseil en énergie Wood Mackenzie a suggéré que


Cette décision de retrait partiel de forces US d’Allemagne a une importance symbolique qui, en d’autres temps moins torturés par les crisiques gigantesques de

On s’interrogera : qui s’intéresse encore à la ‘mystique’ de l’Alliance Atlantique ? Pas nous certes, et Trump encore moins semble-t-il, dont le mysticisme se calcule en $milliards et $milliards d’exportation. Il faut admettre que ce désintérêt est assez justifié, objectivement dirait-on, alors que l’OTAN dérive dans une mer indifférente comme un vieux rafiot énorme, rouillé et fonctionnant au gaz d’une usine à gaz désaffectée. Ce qui est assez bouffon, c’est qu’Italiens et Belges se retrouvent avec une nouvelle sorte de migrants illégaux, des G.I. américanistes dont le repli vers leurs territoires améliore selon Trump et façon ‘défense en hérisson’ selon nous, la qualité de la dissuasion US contre la Russie.

On aura donc un sujet concret de plus pour les angoisses existentielles des experts du musée de survie où sont exposés les restes de l’Alliance Atlantique, mais on n’ira pas au-delà. On n’anticipera même pas une réaction vive de l’Allemagne dans le domaine, par exemple pour quelque chose de plus affirmée au niveau de cette chose insaisissable qu’est la défense européenne, et on suivra la poursuite dans un affrontement de plus en plus vif au sujet de NordStream 2. Cela fait au moins un sujet d’appréciation ironique pour les Russes, dans le cadre de la désintégration poursuivie du ‘lien’ transatlantique.

Restons-en là pour la nouvelle, parlant de ‘désintégration lente’ de l’OTAN, de désintérêt presque hostile de Washington D.C. et de “D.C.-la-folle” pour l’Europe, voire d’un aménagement des orientations stratégiques du Pentagone, en même temps qu’une position tactique d’accommodement avec le président après les heurts qui ont eu lieu concernant le traitement des manifestations Grande-Émeute2020, à Washington, début-juin.

Un autre sujet nous paraît plus intéressant, qui concerne la position et les pouvoirs du président dans cette période d’intense crise intérieure, conjuguée et à l’occasion d’une fin de mandat qui, – réélection ou pas, – devrait en bonne logique politique conduire à une paralysie certaine et voyante de la politique extérieure US. On a déjà vu ce phénomène dans deux exemples des années 1970 :
• En 1973-74, Nixon fut plongé dans une paralysie complète de sa politique extérieure pourtant notablement ambitieuse à cause du Watergate. Selon Anatoli Dobrynine, alors ambassadeur d’URSS aux USA, Nixon était prêt à réaliser avec Brejnev ce que Gorbatchev fit avec Reagan quinze ans plus tard : « Notre analyse était donc de penser que le Watergate était une sorte d’intrigue organisée par ses ennemis politiques pour renverser[Nixon]. Et, à Moscou, la plupart de ces ennemis étaient de toute façon considérés comme les opposants à de meilleures relations[des États-Unis] avec l’Union soviétique. » (Dobrynine dans In Confidence, Random House, 1995.)
• En 1979-1981, Carter fut totalement paralysé dans sa politique extérieure par la crise iranienne (les otages de Teheran de novembre 1979) et la crise intérieure qui s’ensuivit à partir de l’embargo pétrolier iranien, et notamment avec les manipulations des républicains en toute complicité avec les ayatollahs iraniens, pour faire élire Reagan.

Ces observations introduisent un aspect particulier de la situation US actuelle dont on sait l’originalité et le caractère sans précédent, aspect qui est complètement contraire à ce que la pratique et la tradition (Nixon-Carter) nous en disent. Dans le texte du Journal-dde.crisis d’il y a trois jours, PhG notait à propos du texte, du même jour,

«D’une part, tout le monde s’entend pour convenir de l’importance de l’affaire, qui pourrait bien conduire à un véritable conflit. D’autre part, on prend soin de noter qu’il s’agit essentiellement du rôle et des actes des USA ; d’ailleurs il y a cette phrase, dans la conclusion, indiquant que tout repose sur les machinations américanistes : “Comme on le voit, nous ne prêtons pas un rôle essentiel à la Chine, ni même à la Russie dans cette affaire.”

» Pour autant, même ridiculisée, même objet du mépris le plus complet, cette non-stratégie reste puissante et d’un poids considérable, elle existe diablement puisqu’elle défait toutes les relations internationales et fait voler en éclats le rangement des choses, puisque personne n’est capable de stopper sa course, de la briser, puisque s’expriment la force brute, le chantage, la piraterie. »


Ce qu’on observe ainsi, c’est que Trump, effectivement au contraire de Nixon-Carter, a une ‘politique extérieure’ (est-ce le bon terme ?) extrêmement affirmée et cohérente par rapport à ses propres conceptions capitalistiques, mercantiles et mercatiques. Il ne s’agit pas de ‘coups’ désespérés lancés vers l’extérieur pour tenter de se sortir d’une paralysie intérieure, mais bien de la poursuite sans entraves de lignes ‘stratégiques’ qui lui sont chères.

Certes, nous tenons objectivement cette stratégie pour informe et immonde (

C’est bien là l’un des caractères les plus insolites de ces temps de Grande-GCES, où l’on évolue finalement dans des mondes parallèles, le même étant ici honni et réduit à merci par les foules humanitaristes, antiracistes et manipulatrices d’elles-mêmes ; et complètement en position de force là pour se conduire en goujat international et maître-chanteur globalisé, – et fasciste aussi, il ne faut pas oublier de le préciser. Pendant ce temps, l’Allemagne, l’UE, l’OTAN pleurent leur solitude transatlantique et le beau monde d’avant où l’on savait à quel souteneur se vouer.

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