Introduction
Toutes les épidémies ont plusieurs choses en commun : l’irrationalité, la recherche de coupables et la croyance dans le remède-miracle.
Relire les histoires, l’Histoire, et c’est toujours pareil. Un confrère me demande ce que je pense de cette “recette” thérapeutique, une de plus qu’il vient de recevoir via les médias.
Voici ma réponse.
Randomisation en double aveugle contre placebo, le choix du roi
S’il y a un seul procès que je ferais pendant cette crise Covid c’est celui de la “science » médicale et de tout ce monde de “scientifiques » aux titres ronflants qui sont en réalité les vrais conseillers de nos dirigeants. Ce ne sont pas les politiciens qui sont -seuls- responsables, ils sont autant démunis que le quidam de la rue, mais bien tous les “spécialistes » qui sont derrière, ceux que j’appelle nos sorciers modernes.
Depuis le début nous avons vu défiler les hypra-experts, comme diraient le jeunes, qui nous ont balancé toutes leurs hypothèses avec force de savoir et de conviction allant du blanc au noir en passant par toutes les nuances de gris.
Les gué-guerres pour la dominance intellectuelle (querelle de priorité, reconnaissance, prix à la con, …), scientifique, politique et bien entendu économique ont fait en sorte qu’on a raté, depuis le début, ce qui aurait du être fait par des esprits éclairés et désintéressés: des études randomisées (RCT, Randomized Clinical Trial) en double aveugle contre placebo.
C’est la seule façon de démontrer qu’un médicament fonctionne ou ne fonctionne pas.
Avec les dizaines de milliers de morts en Occident et en Orient on aurait pu faire, depuis des mois, des dizaines d’études randomisées contre placebo, puisqu’il ne faut qu’une vingtaine de jours au maximum pour avoir la réponse à la question posée (décès ou vie), à condition de bien définir le “primary endpoint” (critère principal unique) à savoir le décès, de tester médoc X contre placebo, sous contrôle d’une méthodologie béton.
C’est la seule façon de neutraliser le plus grand empêcheur de tourner en rond : le hasard ! Il n’y a qu’une seule façon d’exclure le hasard d’une expérience médicale et c’est l’étude randomisée contre placebo.
Avec les centaines de milliers de contaminés, qu’on ne viennent pas me dire que le matériel humain manquait! Et pour une fois en Europe et sans devoir acheter des populations dans les lointaines contrées.
Mais pour engager une étude de ce type il faut commencer par modestement avouer et dire “je ne sais pas”. Suit alors automatiquement la réponse : pour savoir je dois faire une étude RCT (Randomized Clinical Trial) médicament contre placebo.
Pauvre médecine
Et que l’on ne vienne pas non plus me brandir l’argument du serment d’Hippocrate à savoir “quand j’ai un patient en face de moi mon devoir est de le traiter”. Il y a actuellement dans le monde au moins 75 médicaments ou protocoles utilisés contre la Covid!
L’un d’eux est d’ailleurs de ne « rien donner du tout », c’était d’ailleurs la seule alternative imposée aux généralistes français!
Raisonnement par l’absurde : dans “l’urgence” et pour « respecter le serment d’Hippocrate », il faudrait logiquement donner tous les 75 traitements ou protocoles d’un coup car “on ne sait jamais” … Sans oublier “ne rien donner du tout” qui, ne l’oublions pas, est aussi une option.
Que mes confrères arrêtent d’être irrationnels !
Comme je l’ai dit, et je ne suis pas le seul, l’irrationalité est un élément central de toutes les épidémies. Le niveau d’intelligence n’y fait rien, la preuve. Les biais de jugements font partie de notre inconscient. Les neurosciences ont beaucoup à nous apprendre sur nous mêmes.
Se souvenir de la streptomycine
Une des premières études (la première?) randomisées est celle qui a démontré l’efficacité de la streptomycine dans la tuberculose. Et bien entendu comme chez tous les humains, tout commence ou se termine par la recherche de la gloire avec la querelle de priorité entre celui qui a reçu le prix Nobel en 1948, Waksman, et Schatz qui est probablement celui qui a découvert la streptomycine. Ben oui : Nihil nuevo sub sole (1).
Vous verrez après Covid ce qui se passera dans les hautes sphères des temples scientifiques … je me marre déjà.
Revenons à l’étude randomisée.
L’étude randomisée a été publiée par les Anglais dans le BMJ en 1948. (2) Oui oui : 1948!!
Pour démontrer l’efficacité du traitement contre placebo il aura fallu 55 patients dans le groupe traité et 52 patients dans le groupe placebo ! 107 patients au total, c’est tout ce qu’il aura fallu pour démontrer l’efficacité du médicament qui sauvera des millions de patients.
Et ceci sans formules statistiques complexes et sans aucune des manipulations statistiques que l’on rencontre dans nos papiers modernes.
Conclusion
Combien d’études auraient-on pu réaliser à ce jour depuis le début de la crise avec nos dizaines de milliers de morts et les centaines de milliers de vivants contaminés? Combien d’information vitale a t-on perdue? Combien de vies auraient pu être sauvées si le monde scientifique s’était comporté en scientifiques éclairés?
Comme tout le monde j’aimerais tellement croire que tel médicament est le bon … Mais voilà : l’approche scientifique c’est la seule façon de faire la différence entre croire et démontrer.
Dr Willy KOSTUCKI
Juin 2020
Notes et sources :
(1) « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil« , pour ceux qui aurait choisi le Grec à l’école…
(2) Streptomycin in tuberculosis trial committee. Streptomycin treatment of pulmonary tuberculosis. Medical research council investigation. Br Med J 1948; ii : 769-82
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