CNBC maquille des graphiques en forme de V pour soutenir les fausses allégations de reprise économique. Hier, après l’annonce-moins-mauvaise-que-prévu, concernant les chiffres du non-emploi, CNBC a titré :
"La récupération du coronavirus se présente sous forme de V, selon ces graphiques"
Un meilleur titre aurait été :
"La récupération du coronavirus se présente sous forme de V, selon ces graphiques"
Un meilleur titre aurait été :
Pouvez-vous croire que nous avons maquillé des graphiques qui montrent une reprise en V ?
L’article commence ainsi :
L'économie américaine a ajouté un nombre record d'emplois en mai, car elle semblait rebondir après le plus bas de la récession due au coronavirus, et maintenant le graphique des gains et pertes d'emplois commence à ressembler à un «V.»
Le graphique est directement tiré du manuel "Comment faire mentir les graphiques", ou de livres et articles similaires. Une énorme baisse du nombre d’employés suivie d’une remontée beaucoup plus faible, bidouillée dans un graphique qui montre en quelque sorte un V.
Un véritable graphique des chiffres du chômage, du blog Calculated Risk, apparaît très différent :
Un véritable graphique des chiffres du chômage, du blog Calculated Risk, apparaît très différent :
"Le nombre total d'emplois salariés non agricoles a augmenté de 2,5 millions en mai et le taux de chômage est tombé à 13,3%, a rapporté aujourd'hui le Bureau américain des statistiques du travail."
Cependant, le BLS a ajouté une mise en garde technique que de nombreux médias n’ont pas signalée. Ses données, basées sur des enquêtes auprès des ménages et des établissements, n’ont pas la catégorie «épidémie de Covid-19», ce qui a conduit à une bizarrerie statistique :
Si les travailleurs qui étaient enregistrés comme employés mais absents du travail pour "d'autres raisons" (en plus du nombre d'absences pour d'autres raisons pendant un mois de mai typique) avaient été classés comme chômeurs mis à pied temporairement, le taux de chômage global aurait été d'environ 3 points de pourcentage de plus que celui déclaré (sur une base non désaisonnalisée).
Même si ces chiffres étaient inclus, le nombre réel de personnes à la recherche d’un emploi est encore plus élevé. La catégorie U-6 de la statistique BLS (tableau A-15), qui inclut toutes les personnes à la recherche d’un emploi, montre qu’il y avait 21,2 millions de chômeurs. Ce nombre n’est que de 1,6 million inférieur à ce qu’il était le mois dernier.
Que le nombre d’emplois ait augmenté était inattendu. Bill McBride de Calculated Risk suggère cette explication pour l’augmentation :
Étant donné que la semaine de référence comprenait le 12 mai, il était trop tôt pour voir l'impact des "réouvertures" dans la plupart des régions. Il y aura plus à voir en juin. Au lieu de cela, cette augmentation de l'emploi était probablement due à la réembauche par des entreprises qui avaient laissé trop de personnes partir en avril, et parce que certaines entreprises devaient réembaucher pour se qualifier au plan d'aide PPP [Plan de protection de la paie].
Dans le cadre du Plan de protection de la paie, les entreprises pouvaient avoir accès à des prêts gouvernementaux qui n’auraient pas à être remboursés si elles gardent un certain nombre de personnes sur leur liste de paie pendant plusieurs mois. Les entreprises qui n’ont adhéré à ce programme que récemment ont peut-être dû réembaucher des personnes pour se qualifier.
Mais revenons aux faussaires des graphiques de CNBC. Voici le deuxième qu’ils montrent pour soutenir leur thèse de la reprise en V :
Les données sur la mobilité chez Apple ont montré que les demandes d'autorisation de déplacement avaient presque atteint leur niveau d'avant la pandémie le 1er juin. L'augmentation de la demande de déplacements s'est également étendue aux vols, les grandes compagnies aériennes annonçant cette semaine qu'elles reprendraient les vols qu'elles avaient suspendus en raison de la pandémie.
Le troisième graphique que CNBC utilise pour sa théorie d’une reprise en V est celui des marchés pétroliers :
Les données sur les marchés ont également montré de fortes reprises. Les prix du pétrole affichent peut-être le «V» le plus spectaculaire, car les échanges de pétrole léger avant l'expiration du contrat pour West Texas Intermediate ont entraîné une brève chute sous les 0 $ pour la première fois en avril. Cette vente peut s'avérer être une anomalie historique, mais une combinaison d'une augmentation de la demande d'essence et de réductions de la production a ramené le prix de référence américain du pétrole près de son niveau de début mars.
La chute du prix du pétrole WTI en dessous de zéro était bien sûr une bizarrerie qui ne se reproduira probablement pas. Le prix du pétrole, actuellement légèrement en hausse, ne montre pas de reprise économique. Cela montre seulement que l’OPEP et d’autres producteurs ont massivement réduit leur production. L’offre correspond désormais à la faible demande.
Pour démontrer une reprise en forme de V, CNBC a sélectionné une période de trois mois. Mais le pétrole avait déjà chuté au début de l’année.
Pour démontrer une reprise en forme de V, CNBC a sélectionné une période de trois mois. Mais le pétrole avait déjà chuté au début de l’année.
Le prix du pétrole est toujours inférieur d’environ 30% à ce qu’il était au début de l’année. La demande mondiale a chuté depuis le tout début de la pandémie et n’est pas revenue. C’est pourquoi l’OPEP a tenu aujourd’hui une autre réunion et a annoncé de nouvelles réductions de production sur une plus longue période.
A la fin de l’article de CNBC, nous apprenons pourquoi ces tableaux ont été établis :
Vendredi, lors d'une conférence de presse, le président Donald Trump a déclaré : "Nous avons parlé d'une reprise en V"- c'est mieux qu'un V, "C'est une fusée spatiale." Les faux graphiques sont censés soutenir la déclaration absurde de Trump.
Le nombre de nouveaux cas de Covid-19 au Texas, en Californie et dans plusieurs autres États continue d’augmenter. La crise n’est pas terminée. Les récessions ont des conséquences assez longues et la reprise de celle-ci prendra probablement des années.
% de pertes d’emplois durant les récessions depuis la Seconde Guerre mondiale
Trop tôt pour sabler le champagne. Je m'attendais à une reprise en forme de W, un rebond initial suivi d'une inversion, indépendante d'une deuxième vague. Les taux d'infection continuent d'augmenter dans de nombreux États. Compte tenu des aléas dans le versement des fonds PPP aux employeurs, la plupart de ceux-ci, sinon la quasi-totalité, se trouvent dans la situation où ils doivent maintenir leur masse salariale. J'ai directement entendu des propriétaires d'entreprise s'attendre à devoir couper des têtes, de sorte que le carnage commencera sous peu.
L’économie américaine est en baisse de 50%. Bon nombre des emplois récemment perdus ne reviendront pas. Toute exagération d’une reprise en forme de V empêche seulement le Congrès de prendre les mesures nécessaires, comme le lancement de grands programmes d’infrastructure, pour aider les millions de chômeurs à retrouver du travail.
Moon of Alabama
Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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