06 juin 2020

Heureusement l’État ne laisse surtout pas le marché tranquille


Mars 2020 : après deux mois à regarder en gloussant des vidéos sur youtube de Chinois s’effondrant dans la rue et d’Italiens s’entassant aux urgences, la France découvre sur son territoire un méchant virus qui fait s’entasser des Français aux urgences. La surprise est totale. Heureusement, l’organisation millimétrique de l’État et son Système de Soins Que Le Monde Nous Envie sont là, et tout va mieux.

Les premiers actes que pose le gouvernement sont aussi lucides que forts : en déclenchant habilement la pénurie complète de masques et de gel hydroalcoolique, nos élites s’assurent rapidement de l’attention du peuple auquel elles expliqueront ensuite, avec un aplomb historique, que le virus se transmet dans les postillons provoqués par la parole, et en même temps que les masques sont de toute façon inutiles voire dangereux.

Cependant, comme il y a pénurie, le peuple comprend qu’il va lui falloir trouver un moyen de fournir les équipes soignantes aux abois puis toute une population qui, confinée, comprend confusément que cette situation ne va pas pouvoir durer éternellement, au plus grand chagrin de cette partie imputrescible d’adulescents qui s’humidifient dès qu’on parle d’être payé à ne rien faire.

Qu’à cela ne tienne : rapidement, la partie la plus industrieuse et la plus généreuse du pays se met donc en tête de fournir masques et protections à ceux qui en manquent. L’affaire n’est pas mince : on parle en millions d’unités de masques à fournir, de dizaines de milliers de blouses, de milliers de visières qu’il va falloir fabriquer avec les moyens du bord.

Incroyablement, les bénévoles sont au rendez-vous : rapidement, couturières, « makers » (d’ingénieux bricoleurs aux imprimantes 3D hitech) et passionnés s’organisent, se font connaître et se mettent à produire les indispensables protections. Parallèlement, les industriels français, comprenant le problème, détournent rapidement leurs machines-outils de leurs fabrications traditionnelles et les emploient à produire en grand nombre ces masques, ces visières et ces blouses qui faisaient tant défaut. Le peuple a entendu le message du président : « nous chommes zen guerre » a-t-il zozotté dignement, et le peuple a répondu présent.

 

Des individus débrouillards qui se lancent, bénévolement, dans des productions industrielles de protections personnelles ? Des entrepreneurs qui reconvertissent leurs chaînes de production pour relever le défi pandémique ? Des couturières qui se dévouent ?

Comment, l’intendance suivrait ainsi, prompte et agile, sans cerfa ni trompettes ?

Mais vous n’y pensez pas, malheureux ! On commence ainsi, on laisse les gens improviser, trouver des solutions ingénieuses et peu coûteuses à un problème concret et, de fil en aiguille, et on se rend subitement compte de la parfaite dispensabilité de tout un pan de la société française dont la fibre vibre entièrement au chant mélodieux du formulaire administratif sur velin surfin et au rythme chaloupé du tampon caoutchouc aux odeurs bureaucratiques. Et ça, mon brave, ce n’est pas possible, pas même envisageable !

Heureusement, à ce nouveau problème, la France a aussi une solution : l’administration va donc se jeter à corps perdu dans une bataille pied-à-pied avec l’ennemi implacable de l’efficacité et de l’agilité intellectuelle pour y opposer avec une bravoure héroïque les tracasseries administratives de gros calibre en feu roulant, de lourdes normes de sécurité à fragmentation, un esprit en béton borné surcontraint ainsi que les inévitables frappes chirurgicales de missiles législatifs à têtes creuses.

Après deux mois d’âpres batailles où aux morts de covid s’ajouteront bientôt les faillites des entreprises mortes sous les tapis de bombes normatives, c’est la victoire !

Les vilaines forces bénévoles des petites mains volontaires ainsi que les couturières du maquis rendent rapidement les armes : noyée dans un tsunami de contraintes règlementaires toujours plus illisibles, la petite armée du peuple est mise en déroute.

Cependant, la victoire n’aurait pas été totale si seuls les bénévoles avaient été éparpillés à coup de grenades normatives et de décrets chemisés. Là encore, l’intervention de tout l’appareil d’État fut absolument indispensable pour transformer en véritable déroute cuisante ce qui n’était qu’une déception de ces volontaires lancés dans l’aventure.

En cela, on admirera la puissance de la tactique impitoyable de l’administration française pour ainsi écrabouiller toute possibilité de succès, en deux temps solidement exécutés : dans un premier temps, l’État feint d’être complètement à la ramasse et laisse ainsi les entrepreneurs se lancer dans la production de ces protections indispensables au corps médical. Rapidement, des millions de pièces sont produites qui trouveront preneur, sans mal.

Dans un second temps, ayant fort à propos complètement oublié pourquoi ces productions n’existaient plus depuis un moment sur le sol français, l’État réimpose rapidement ce qui a provoqué cette disparition : charges sociales invraisemblables, contrôles de sécurité tatillons, normes sanitaires à la précision micrométrique, contraintes administratives kilométriques, tout rendre dans l’ordre et inévitablement, alors que la méchante concurrence mondiale (pas du tout contrainte par les mêmes pousse-cerfas) déferle sur l’Hexagone, la production, devenue subitement fort chère devant une concurrence agile et bon marché, ne trouve plus d’acheteurs.

Outre le timing diabolique de ces productions qui arriveront, comme les tests, juste au moment où plus personne n’en a vraiment besoin, timing qui doit aussi aux instructions claires et à l’attitude exemplaire de notre gouvernement dans sa gestion de crise, on se devra d’admirer la situation actuelle, où une masse considérable d’entreprises produisent maintenant un bien plus cher que partout ailleurs et vont lentement mais sûrement essuyer de nouvelles pertes, ce qui va assez probablement pousser l’un ou l’autre crétin thermophile qui nous gouverne à vouloir les subventionner afin de se garantir une page ou deux dans la presse idiote du pays.

Le confinement a transformé une crise sanitaire notable en catastrophe économique d’ampleur centennale. La France aurait cependant pu s’en sortir si, simplement, les politiciens avaient parié sur la liberté et la responsabilité de leurs concitoyens. Ils ont choisi de les considérer comme des enfants irresponsables et un peu idiots, en les noyant sous les injonctions paradoxales. Ils ont choisi de protéger leurs tendres fesses politiciennes en se bardant de normes et de règlements écartant minutieusement toute responsabilité de leur part.

Au résultat, en plus de la mort et des impôts, nous avons eu la peste pangoline et nous avons maintenant le choléra étatique.

Quel régal !

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