14 octobre 2019

La reculade militaire américaine


Le récent déménagement du CENTCOM a éclairé les moins endormis. La défaite impériale se rapproche sous les coups des modestes Houthis et de l’Iran hilare, héritier des parthes et des sassanides.

Philippe Grasset décrivit notre déclin et le technologismedes anglo-saxons qui anéantissent peuples, sexes, histoire, et finalement technicité et efficacité militaire. Il ne reste que l’hélium boursier gonflé par la dette.

On assiste ainsi au déclin des transports, du nucléaire, de la construction, de la pharmacie, de l’alimentation, des loisirs... Depuis les années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, l’information) et de l’autre elle vicie des élites qui copient les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie tue le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux de Marvel. Et ce n’est pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes, iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah… Le Donald commence à comprendre qu’il faut s’en laver les mains des guerres du Deep State et des lobbies, surtout quand on n’est plus trop équipé pour les mener à mal. BHL hurle après Trump, mais laissons ce clown à ses mûres lamentations.

Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel Huntington et Victor David Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence » occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson faisait remonter aux lointaines guerres médiques. Mais Hanson oublie la victoire des parthes contre Crassus (lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de raser de près le petit cap asiatique. Samuel Huntington affirmait lui que l’occident s’était imposé par sa violence organisée (« superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité ontologique de sa civilisation…

Tel un Philippe Grasset, Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur Unz.org, alors on va le laisser parler.

Fred Reed rappelle sa carrière :

« Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s, et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate. Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait, vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre avec un « vrai » pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée. »

Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :

« Les armées inutilisées se détériorent. La flotte américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis 1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est pas la guerre. »


Sur la conscription Reed souligne une débandade morale :

« Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait pas. Les Etats-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait une désobéissance civile généralisée. »

Sur la marine US devenue invalide :

« Un porte-avions est une vessie de carburéacteur enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe lequel dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat de l’avion de ces porte-avions. Oups. »

Pour Reed le soldat US devient une poule mouillée :

« Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux, connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune, c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.

Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus des taillés comme des bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des unités de combat. Une plainte sur le sexisme et c’en est fini de votre arrière. »


Trait important, le pourrissement du corps des Officiers :

« En temps de paix prolongée, le corps des officiers se désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.

L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie, de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils, lance-roquettes et pas grand-chose d’autre? »


Incompétence et corruption sont la norme :

« Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.

En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon temps, II a vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, la loi. Rien n’a changé. »


Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :

« Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons distants. »

Alors l’efficacité est remplacée par la folie :

« Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile, chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Hormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. La marine, à sa grande surprise, ne trouve pas les missiles antinavires profondément enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers. Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il a fait une gaffe, et Bolton[ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre Téhéran.

Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux Chinetoques. Malheureusement, les missiles antinavires chinois s’avèrent plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers transformés en tas de ferraille.

Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et tout le monde voudra acheter des missiles antinavires chinois. La vanité joue un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels. Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses deviendraient imprévisibles. »


Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas gagnable :

« Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable. Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les New-Yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement radioactives pour une décennie.

Les «intellectuels de la Défense», généralement tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium. »


Et Reed de conclure :

« C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre. »

On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.

Il faudra le mettre au pas cet occident. Il lui reste son marché, ses phobies (Russie, souverainisme, Chine maintenant) ses dollars, ses marottes écolos, ses migrants. Mais sa manière grotesque de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de toute manière inefficace.

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