La précédente version de ce programme avait été publiée fin 2015 alors qu’une révision radicale de la structure des forces armées et du système de contrôle de l’ensemble du pouvoir était nécessaire.
Le 24 juillet dernier, le ministère de la Défense nationale de la République populaire de Chine a procédé à la présentation officielle du nouveau document dont le texte (en anglais) est présenté sur 51 pages pleines de sens et de contenu.
Le préambule révèle d’entrée le motif principal de sa publication qui découle directement des concepts politiques clés de la République populaire de Chine de ces dernières années : « Aujourd’hui, avec leurs intérêts et leur sécurité entrelacés, les gens du monde entier deviennent des membres d’une même communauté, avec un avenir commun. La Chine se trouve à un stade critique de l’achèvement de la construction d’une société modérément prospère à tous égards… Le socialisme avec des caractéristiques chinoises est entré dans une nouvelle ère. »
L’essentiel de l’ouvrage met l’accent sur les profonds changements qui se produisent dans le monde, puis sur la mondialisation économique, l’émergence des sociétés de l’information, la diversification culturelle et l’aspiration à la paix et à une coopération mutuellement avantageuse. « Néanmoins, il existe des facteurs déstabilisateurs et des incertitudes importantes en matière de sécurité internationale », comme le montre de manière particulièrement remarquable la région Asie-Pacifique vers laquelle « le centre économique et stratégique mondial continue à se tourner ». Cette région est désignée comme « un centre de compétition entre grands pays ».
Le document définit sans ambiguïté la principale source des problèmes internationaux : les États-Unis, dont la stratégie de défense nationale et les mesures de maintien de la sécurité visent à mener des « politiques unilatérales ». Les États-Unis ont « augmenté de manière significative leurs dépenses de défense et cherchent des capacités supplémentaires dans les domaines du nucléaire, de l’espace, de la cyberdéfense et de la défense antimissile ». Tout cela a généralement « miné la stabilité stratégique mondiale ».
Dans ces conditions, « la stabilité politique, l’unité ethnique et la stabilité sociale » de la Chine en augmentant « la force nationale globale, l’influence mondiale et la résistance aux risques » est nécessaire.
L’essentiel du document se trouve dans la 4ème partie intitulée La réforme des forces de défense nationale et des forces armées chinoises. Il confirme les tendances esquissées dans le document publié fin 2015. L’ancien document proposait déjà de simplifier le système de contrôle de l’Armée populaire de libération de la Chine (APL), notamment en supprimant les barrières horizontales excessives et en augmentant l’efficacité globale, conformément au concept de révolution dans les affaires militaires apparu aux États-Unis à la fin des années 90.
Le même document (celui de 2015) mentionnait la nécessité de réduire le nombre total des forces armées de 300.000 hommes (généralement aux dépens des forces terrestres) pour atteindre le chiffre total de 2 millions de militaires.
Le même document attachait également une importance particulière au développement des Forces navales, des Forces aériennes et des missiles stratégiques – alors appelées deuxième artillerie – pour résoudre le problème politique de la sauvegarde des intérêts essentiels du pays, en particulier les routes commerciales maritimes.
La sixième et dernière section [Contribuer activement à l’édification d’une communauté d’avenir commun pour l’humanité[ accorde une attention particulière à la coopération avec la Russie dans le domaine de la défense et de la sécurité qui est non seulement bilatérale par nature, mais qui joue également un rôle important dans le maintien de la stabilité stratégique mondiale.
L’un des sous-titres du document sonne de manière remarquable : « [La Chine] ne cherche jamais l’hégémonie, l’expansion ou [à diviser le monde en] sphères d’influence. » Il a été choisi comme la déclaration clé de l’ensemble du document lors de sa présentation par les représentants du Ministère de la Défense de la République Populaire de Chine. Le commentaire officiel du Global Times explicite le même ordre d’idées : « Les militaires chinois sont forts mais ne cherchent qu’à se défendre ».
L’évolution des dépenses militaires relatives et leur niveau actuel indiqué dans le document peuvent constituer un argument de poids en faveur de ces déclarations. Bien que, en termes absolus, les dépenses de la RPC soient aujourd’hui les deuxièmes plus importantes au monde, après celles des États-Unis, quatre fois inférieures à celles des États-Unis et trois fois supérieures à celles de la Russie, elles se situent toujours dans la fourchette de 1,3% du PIB. La partie dépenses du budget de l’État chinois prévoit une portion pour la défense d’un peu plus de 5% du budget.
C’est-à-dire, qu’en termes relatifs, les dépenses militaires de la RPC sont au même niveau que celles de « pays non militarisés » tels que le Japon (1% du PIB) et l’Allemagne (1,3%), et très inférieures à celles de « leaders » comme la Russie et les États-Unis. Ce tableau d’ensemble ne va pas changer radicalement, même si l’on considère certaines dépenses militaires chinoises « cachées » comme on aime à en discuter aux États-Unis.
Il est tout à fait naturel que le commentaire fourni par les « sympathisants » de la RPC exprime un doute sur les bonnes intentions du document en question. En même temps, l’argument principal d’un tel scepticisme repose sur divers passages qui touchent directement ou indirectement à la question de Taïwan. Sujet qui est en effet extrêmement sensible pour l’establishment chinois en général.
Ainsi, dès le début du commentaire de l’agence Associated Press, il est souligné que la Chine « n’exclut pas le recours à la force » pour résoudre le problème taïwanais. La question de la « lutte contre le séparatisme », qui se manifeste principalement dans deux régions administratives spéciales de la République populaire de Chine, fait l’objet d’une attention plus soutenue dans les régions du Xinjiang-Ouïghour et du Tibet.
Ajoutons que la situation dans ces deux régions, ainsi qu’à Hong Kong récemment, est depuis longtemps le sujet principal de la campagne de propagande anti-chinoise menée par les mêmes « sympathisants ». Avec une partie spécifique du cercle politique russe toujours prête à y adhérer, comme elle l’a déjà fait pour les questions de la Corée du Nord et du Cambodge dans le passé.
Sur le plan professionnel, ce nouveau document conceptuel dans le domaine de la défense et de la sécurité de la République populaire de Chine est actuellement examiné par l’une des principales institutions analytiques américaines, le Center for Strategic and International Studies (CSIS).
L’article publié par le CSIS et rédigé par Anthony H. Cordesman – spécialisé, comme on peut s’en douter, sur les problèmes du Grand Moyen-Orient en général et la résolution des problèmes dans lesquels cet expert a été directement impliqué – a un sous-titre remarquable : «Un défi stratégique ouvert aux États-Unis, mais qui ne doit pas mener au conflit.»
L’auteur de l’article tire une conclusion intermédiaire remarquable en essayant de s’en tenir à un style d’opposition scientifique consciencieuse au document en question et en exprimant un certain nombre de remarques critiques à son égard : « En même temps, il est important de noter que, d’une certaine façon, le Livre blanc chinois est plus modéré dans son traitement des États-Unis que les documents stratégiques américains ne l’ont été dans les discussions sur les développements militaires en Chine.»
C’est tout à fait cela. Si seulement ces mots pouvaient parvenir aux oreilles des dirigeants de l’establishment américain. Cependant, le problème aujourd’hui est que ces mêmes dirigeants s’observent les uns les autres d’une manière de plus en plus mordante.
Vladimir Terehov
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