16 juillet 2019

Palimpsestes


Depuis le début de notre ère et encore il y a peu, les moines grattaient les vélins des manuscrits anciens pour en écrire de nouveau. La science contemporaine en retient qu’ils les effaçaient parce qu’ils ne comprenaient pas le sens du savoir contenu. C’est un raisonnement court. Les connaissances sous toutes ses formes sont un trésor à toutes les époques, particulièrement ce qui provenait de ces anciennes grandes sociétés disparues. Elle n’est qu’une autre des très nombreuses preuves circonstancielles sur lesquelles notre histoire est basée.

Les moines faisaient le tour des cités et villages pour racheter à vil prix et même voler des manuscrits avant de les détruire. Mais il n’y a aucun doute qu’ils n’ont pas tous disparu et que beaucoup d’autres connaissances anciennes demeurent lovées dans le secret du Vatican et des nobles.

Voici ce qu’en disait le grand écrivain Anatole France en 1888 dans La vie Littéraire :
« On nomme palimpsestes, comme chacun sait, les manuscrits d'auteurs anciens que les copistes du moyen âge ont effacés puis recouverts d'une seconde écriture, sous laquelle on peut faire reparaître parfois les premiers caractères. Le palimpseste a donc par lui-même l'attrait du mystère; il cache un secret. Ce sont les chimistes du commencement de ce siècle qui ont trouvé les réactifs propres à faire revivre le texte primitif sur le parchemin lavé par les moines au lait de chaux. Mais déjà les humanistes, lors de la Renaissance, tentaient de lire l'écriture effacée des palimpsestes. Ils y mettaient, à défaut de science et de méthode, une amoureuse ardeur. Michelet a retracé avec beaucoup de poésie l'émotion et la tristesse de ces déchiffrements inspirés par tant de piété et si vainement essayés. « Chaque fois, a-t-il dit, que l'on découvrait sous quelque antienne insipide un mot des grands auteurs perdus, on maudissait cent fois ce crime, ce vol fait à l'esprit humain, cette diminution irréparable de son patrimoine. Souvent la ligne commencée mettait sur la voie d'une découverte, d'une idée qui semblait féconde ; on croyait saisir de profil la fuyante nymphe ; on y attachait les yeux, mais en vain ; l'objet désiré rentrait obstinément dans l'ombre ; l'Eurydice ressuscitée retombait au sombre royaume et s'y perdait pour toujours. ». Aujourd'hui, la nymphe, l'Eurydice revit sous de puissants réactifs, ou du moins on retrouve quelques lambeaux de son corps; car les moines non seulement grattaient les manuscrits grecs et latins, mais encore ils les dépeçaient et ils en éparpillaient les feuilles. »
 
Pas ordinaire ces Lalanne. Des documents exceptionnels, d’autres dont nous ne connaissons pas la teneur appartenaient à des gens qui ont souvent marqué l’histoire. Au nom d’un commerce? Mais quel commerce, ces documents n’ont jamais réapparu! - Ce n’est pas le fruit d’un commerce, mais celui d’une censure. – Ils savent mentir. Mais pourquoi mentent-ils?? - Sous l’édicte du catholicisme, il y a eu interdit sur les connaissances anciennes depuis le début de notre ère, véritable consécration de la société nouvelle. Les moines, les prêtres, les curés et les lettrés ont formé le corps des représentants de l’autorité et le forment encore. Les inquisitions, les raids, les conquêtes, les guerres, la justice, la destruction des manuscrits et des livres sont tous autant d’outils qu’ils ont utilisés. Des centaines d’épisodes de destructions de livres et encore plus des monuments ont eu lieu à travers l’histoire. Il y a peu de documentation sur cet interdit qui a franchi la barrière du savoir populaire moderne. Voici ce que disait Christine de Pisan à l’époque de Charles lV concernant le feu grégeois, dans le livre « Études sur le passé et l'avenir de l'artillerie »

«Et il est a savoir qu'il est une manière de faire et de composer certain feu lequel aucuns nomment du grec, pour ce peut être ainsi utilisés au siège devant Troye, si que disent aucuns; celui de l’art mesme de tirer des pierres, du fer et toutes choses avec grand bruit, avec un feu qui ne peut être éteint, il peut-être éteint, mais par eau non. D’autres se font certains poisons si forts et mortels qu’après avoir percés les cuirasses, ça entrait dans le corps de l’homme, jusqu’au sang et la plaie était mortelle. Mais comme telles choses à faire ou enseigner pour les maulx qui s'en pourroient ensuivre sont deffendues et excommuniées , n'est bon d'en mettre en livres ne plus pleinement en réciter, pour ce qu'à crestien n'appartient user de telles inhumanités qui sont contre tout droit de guerre. »

Puisque se défendre des barbares est une tâche éternelle, cela avait comme conséquence de réfugier le savoir militaire et tout ce qui pouvait y conduire, dans les mains de groupes fermés.
 
PDC

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