L’affaire, raconte-t-elle, commence par un dîner cordial au domicile d’un homme rencontré sur Tinder. «J’avais bu quatre verres de rosé, j’étais parfaitement cohérente. Quand il me demande un bisou, la tête sur mes genoux…» Refus poli, qui déclenche l’algarade : «Il m’attrape à la gorge, criant que je suis folle.» Et d’en conclure ironiquement à ce stade de la soirée : «Je lui ai dit non, donc je suis hystérique !»
Test d’alcoolémie
Première intervention policière sur les coups de minuit : l’homme, furieux d’être rejeté, met Marie dehors – ses affaires et papiers restant toutefois à l’intérieur. Deux policiers alertés parviennent à les récupérer et emmènent Marie au commissariat afin qu’elle puisse porter plainte. Mais c’est là que les véritables ennuis vont commencer – contactée à plusieurs reprises, la police de Montrouge n’a pas souhaité répondre à Libération pour donner sa version des faits.
Sur place, l’ambiance est toute différente, raconte Marie. «Il faut encore que je m’occupe de l’autre», entend-elle à travers une porte. Cela commence par un test d’alcoolémie : avec un taux de 0,49 g/L, elle aurait pu reprendre le volant d’une voiture… Sa plainte traînant à être prise en compte, elle finit par contacter son avocat, qui lui répond un peu avant 3 heures du matin : «Ils me disent que tu es hystérique.»
«C’est une comédienne !»
La suite sera à l’avenant, selon le récit de Marie. Un policier : «On ne se retrouve pas par hasard avec des menottes.» Une policière : «Je vais te faire des palpations, ça va te calmer.» Elle, selon son souvenir : «Ils sont à cinq sur moi, alors que je pèse 58 kg pour 1m50.»
Vers 3 heures du matin, Marie tente de rentrer chez elle. Cri à l’intérieur du commissariat : «Ne la laissez pas sortir !» C’est l’heure de la placer en garde à vue pour outrage et rébellion. La victime devenue présumée délinquante admet : «OK, je leur ai dit des trucs pas très sympas.» Un médecin est appelé à la rescousse au petit matin, un policier le prévient d’entrée : «C’est une comédienne !» Entre-temps, Marie aura eu droit à tout : «Une fliquette m’a remonté la robe, retiré mon soutif, seins à l’air, au motif que j’aurais pu me suicider avec.» Et pas question de la laisser aller aux toilettes.
«Dans ma flaque de pisse»
Sa notification de placement en garde à vue, rédigée à 5h20, notifie sans rire : «Assise de façon nonchalante.» Cette vaste fumisterie ne s’achèvera qu’à 13 heures, après avoir laissé la victime d’une présumée agression sexuelle s’uriner dessus plusieurs fois dans sa cellule – «On n’a pas que ça à faire», lui auraient rétorqué ses geôliers d’un soir, «trop occupés à regarder la télé».
Ce n’est qu’à 16h30 que Marie a pu enfin déposer plainte. Depuis la veille au soir, elle aura quand même eu droit à un verre d’eau. Elle oscille depuis entre diverses indignations : «On m’a humiliée toute une nuit, dans ma flaque de pisse» ou bien «j’ai commis le crime de me faire agresser». Après avoir déposé une plainte auprès de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), elle dit avoir reçu ce message anonyme : «Qu’est-ce que vous voulez ?»
(1) Le prénom a été modifié.
Renaud Lecadre
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