26 juin 2019

Du Global Hawk au P-8 Poseidon


Pour suivre et compléter le texte du 22 juin de Elijah J. Magnier sur la position de l’Iran à la lumière des derniers événements accompagnant la tension entre les USA et l’Iran, voici un texte du même auteur rapportant une description précise, du côté iranien, des événements de la destruction du drone RQ-4C Global Hawk, et aussi de la décision de ne pas détruire un P-8 Poseidon de la Navy qui se trouvait dans la même zone. Comme dans l’article précédent, Magnier travaille directement à partir de sources iraniennes, qui sont citées longuement et iden,tifiées dans leurs fonctions (essentiellement, des chefs militaires des Gardiens de la Révolution).

Son récit semble corroborer diverses hypothèses opérationnelles déjà lancées, mais avec une crédibilité plus grande dans le chef des habitudes de travail de l’auteur, et de ses réseaux d’information. On trouve notamment des précisions sur la façon dont le drone a été identifié, tracé puis abattu. Magnier présente l’utilisation d’un missile iranien développé à partir du missile russe SA-6 et désigné 3-Khordad. Il confirme après d’autres que le Pentagone a été notablement surpris de la destruction du Global Hawk.

Il y a également, et peut-être surtout, une explication très complète de l’incident (ou l’absence volontaire d’incident) du P-8 Poseidon de l’US Navy, avec de nombreux détails notamment sur la présence exceptionnelle de 38 personnes à bord alors que l’équipage du P-8 est de neuf personnes. Il est manifeste que les sources de Magnier entendent suivre une politique informelle et indirecte de communication tendant à montrer, notamment aux USA, les capacités d’information et de renseignement de l’Iran.

Il est d’autre part à noter qu’une des déclarations d’une source de Magnier laisse planer une grande ambiguïté sur l'identité des auteurs des attaques récentes contre des pétroliers, les décrivant sous un jour favorable semble-t-il, puisque les attaques sont présentées indirectement comme une “riposte” aux décisions de Trump (« Ces attaques sont le résultat de la décision de Trump de sanctionner l’Iran et d’empêcher les autres pays d’acheter son pétrole. »). Jusqu'ici, l'Iran a toujours nié officiellement être impliqué dans ces attaques.

Plus que jamais, la situation reste ouverte dans cette crise, avec la détermination iranienne réaffirmée à toutes les occasions. Il est manifeste que des prolongements auront lieu dans les semaines qui viennent. Le titre original du texte de Elijah J. Magnier est « Comment l’Iran a décidé d’abattre un drone des Etats-Unis et évité de justesse la guerre en épargnant un autre de leurs appareils. »
dde.org

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Abattre un Global Hawk en évitant la guerre

L’Iran a évité de justesse une guerre totale au Moyen-Orient grâce à la décision du commandement central et du contrôle opérationnel de son armée et du Corps des Gardiens de la révolution iraniens (Pasdaran) de ne pas abattre un avion de guerre de renseignement, de surveillance et anti-sous-marin, de type P-8 Poséidon, de la marine américaine.

Il y avait 38 membres d’équipage à bord de l’avion P-8, au lieu des 9 habituels. Il y avait au moins 6 à 8 officiers (2 à 3 colonels, 3 à 4 lieutenants-colonels) et les autres probablement de grade inférieur. L’avion survolait les eaux iraniennes à portée des missiles iraniens quand le commandement central iranien a reçu la confirmation que les États-Unis ne déclencheraient pas une guerre en attaquant des cibles en Iran. Tout cela s’est produit après que l’Iran a abattu un des drones étatsuniens les plus perfectionnés jeudi dernier. Le drone violait l’espace aérien iranien, selon les autorités de Téhéran, qui ont ensuite présenté les débris du drone sans pilote aux médias. L’Iran avait reçu confirmation, par l’intermédiaire d’un pays tiers, que le Président Donald Trump ne bombarderait pas les positions iraniennes.

« L’Iran se préparait à détruire le Boeing espion anti-sous-marin de type P-8 Poséidon de la marine américaine qui volait dans la zone quand nous avons reçu la confirmation que les États-Unis avaient décidé de ne pas nous déclarer la guerre et de ne bombarder aucune position de notre commandement ni aucune de nos batteries de missiles, déclarées ou non, le long du détroit d’Ormuz. Si Trump en avait décidé autrement, nous avions reçu l’ordre d’attaquer plusieurs cibles des États-Unis et de leurs alliés, et le Moyen-Orient serait devenu le théâtre d’une guerre très destructrice avec des pertes énormes de toutes parts », a déclaré un général iranien des Gardiens de la révolution islamique.

Mais pourquoi la guerre a-t-elle failli éclater dans la matinée du 20 juin, et pourquoi l’Iran a-t-il décidé d’abattre un drone américain ?

Un officier de haut rang des Pasdaran a déclaré que « les règles d’engagement sont déterminées par le commandement central de l’armée et des Pasdaran. Elles sont communiquées aux milliers de positions des forces de défense aérienne réparties dans tout le pays. Les décisions ne sont pas prises de manière indépendante et unilatérale par un général solitaire ou par le commandant d’une unité particulière, comme Trump semble bizarrement le croire.

» L’Iran a obtenu des informations détaillées et des objectifs de mission, grâce à la surveillance et à d’autres moyens de renseignement, concernant les missions du dernier contingent de forces américaines envoyé par Trump (le Pentagone a annoncé qu’il envoyait 1000 hommes) dans la région. Leur mission sera de surveiller l’espace aérien et maritime (du haut du ciel et du fond de la mer). Elles disposeront de plusieurs drones et de forces opérationnelles prêtes à attaquer des cibles potentielles. Il s’agit de protéger les pétroliers naviguant dans le golfe d’Oman et le golfe de Perse suite aux attaques contre des pétroliers à al-Fujairah et aux dernières attaques contre les deux pétroliers. Ces attaques sont le résultat de la décision de Trump de sanctionner l’Iran et d’empêcher les autres pays d’acheter son pétrole. L’Iran a clairement indiqué que pas une goutte de pétrole ne quitterait la région si l’Iran ne pouvait pas exporter le sien. Par conséquent, quoi que fasse l’armée étatsunienne, l’Iran ne laissera pas le pétrole arriver à destination, et encore moins maintenant qu’il a abattu le drone », a expliqué la source.

Selon l’officier militaire, le « commandement central iranien a diffusé un protocole à suivre par tous les commandements militaires répartis sur l’ensemble du territoire national, avec instruction d’empêcher toute violation du territoire maritime, terrestre et aérien de l’Iran. Lorsqu’une violation est constatée, qu’elle soit intentionnelle ou non intentionnelle, elle donne lieu à un avertissement. Le commandement local du Corps des Gardiens de la révolution informe le commandement central de la violation et, simultanément, ordonne à l’intrus de modifier sa trajectoire et de s’identifier.

» C’est exactement ce qui s’est passé le matin du 20 juin, qui correspond au 30 Khordad du calendrier persan. C’est ce jour-là que le drone américain a été repéré. Il est parti des Émirats vers la côte iranienne et a exploré le Golfe pendant environ 4 heures. C’est en repartant qu’il a violé l’espace aérien iranien. La base a alors communiqué avec le drone et lui a transmis l’avertissement habituel. Le drone a réagi en éteignant son système numérique, ses lumières et son GPS, montrant par là qu’il s’agissait d’un objet militaire ayant une mission de collecte de renseignements ou une mission de combat. Il a donc été immédiatement considéré comme hostile et comme une cible potentielle. Quand il a ignoré les appels répétés à l’identification, le commandement central de la position de défense aérienne a suivi les instructions et a décidé de descendre le drone. Nos radars pouvaient voir le drone et la chaleur qu’il produisait. Un missile “3-Khordad” a été tiré pour détruire la cible immédiatement”.

Le commandant militaire a confirmé que « le leadership politique et militaire coordonne les décisions du centre de commandement et pèse soigneusement les conséquences et les implications de toutes les instructions. Ces instructions sont claires : réagir fermement en cas de menace. L’Iran est la cible d’une guerre économique aussi violente qu’une guerre militaire. C’est pourquoi les milliers de positions de défense aérienne disséminées dans le pays répondront sans hésitation à toute violation ; elles sont en état d’alerte permanent et prêtes à exécuter les ordres qu’elles ont reçus au cas où les Etats-Unis décideraient d’aller à la guerre.

» Nous avons décidé de ne pas abattre le P-8 Poseidon parce que nous avons reçu la garantie qu’il n’y aurait pas de guerre. Mais si l’armée américaine avait décidé de nous attaquer, nous n’aurions pas hésité à frapper des cibles américaines aériennes et maritimes et des bases militaires américaines dans la région. On ne se posera pas la question des conséquences ni celle de savoir qui sera considéré comme responsable d’avoir déclenché le conflit. Ce sera la guerre », a dit le général.

L’Iran prévoit d’adopter une stratégie de frappes progressives en cas de guerre : « Nos alliés feront partie intégrante de la guerre et donc notre front s’étendra au-delà de l’Iran et des bases étatsuniennes voisines. Nos alliés sont prêts à se lancer dans la bataille, nous le savons. Nous avons noté qu’aucun drone israélien n’a été repéré dans le ciel libanais depuis quelques jours. De toute évidence, Israël évite les provocations pour ne pas recevoir un message libanais similaire à l’abattage du drone américain. On dirait que les États-Unis ne veulent pas recevoir de message d’un autre front. Cela ne signifie pas pour autant qu’Israël va cesser de violer l’espace aérien libanais, mais Israël est maintenant conscient que ses mouvements aériens sont surveillés et que le ciel ne sera plus sûr quand viendra le moment de la confrontation. »

Les États-Unis ont été surpris par la capacité du missile “3-Khordad”. Son nom commémore le 24 mai 1982, le jour où la ville de Khorramshahr a été libérée après 578 jours d’occupation irakienne pendant la guerre Iraq-Iran. Sayyed Ali Khamenei a appelé ce 3 Khordad : “Le jour de la résistance et de la victoire”.

Le missile 3-Khordad – à l’origine un SAM-6 – avait été perfectionné par l’Iran en 2013 quand la Russie avait refusé de le développer. Des modifications spécifiques ont été introduites afin d’optimiser ses équipements électroniques, d’améliorer les capteurs de détection, y compris les capteurs thermiques, et de développer une option de verrouillage pour son GPS pour le protéger en cas d’interférences de forte intensité. Le missile a reçu les coordonnées qui l’ont lancé sur la trace thermique du drone américain et il a détruit la cible.

« Nous ne resterons pas les bras croisés si les pays signataires de l’Accord ne trouvent pas le moyen de permettre à l’Iran de retrouver son marché, son énergie et sa position commerciale sur le marché international. Si les sanctions ne sont pas levées d’une manière ou d’une autre, la situation empirera. Ce n’est que le début de la crise.

» L’Iran n’acceptera jamais d’être privé de ses missiles parce qu’ils sont la garantie de sa sécurité et de celle de la région. Aujourd’hui, l’Iran est beaucoup plus fort, il bénéficie du soutien de sa population et l’harmonie règne entre les dirigeants politiques et militaires. Nous ne nous soumettrons pas et nous ne négocierons pas avec Trump tant que des sanctions planent sur nos têtes. Le monde doit s’attendre à d’autres surprises dans les jours à venir parce que les Iraniens refusent de mourir de faim. Nous n’avons plus peur de la guerre, pas même d’une guerre d’envergure contre une superpuissance ».

Elijah J. Magnier

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