Le public américain, gavé de Mueller, attentif, troublé et désorienté pourrait trouver les pourparlers commerciaux américano-chinois aussi intéressants qu’un report, dû à la neige, d’un match entre Lyon et Saint-Étienne, mais l’échec des négociations de vendredi pourrait être marqué par les historiens comme le jour où l’économie mondiale a trépassé.
Les épisodes orgiaques de soldes 7/7-24/24, ont été orchestrés depuis une trentaine d’années chez Walmart, alors que la Chine produisait avec exubérance des biens de consommation bon marché destinés à nourrir Mammon, le monstre US. Les Américains ont gaiement payé le tout avec des reconnaissances de dette enfilées tout au du long collier d’autres vieilles reconnaissances de dette. Tom Friedman du New York Times a déclaré que cela durerait pour toujours. Hélas….
Le paradigme a démarré pour une raison simple : les flux d’énergie ont dicté les flux de capitaux. Au milieu des années 1980, les pays non membres de l’OPEP baignaient une fois de plus dans le pétrole des dernières cornes d’abondance de l’ère pétrolière : le versant nord de l’Alaska et la mer du Nord. Vingt ans plus tard, elles s’épuisaient. Pendant ce temps, les États-Unis avaient impitoyablement délocalisé leurs usines en croyant à tort que nous étions entrés dans une nouvelle économie numérique scintillante de business virtuels où personne n’avait à créer des produits réels. La Chine est devenue l’atelier du monde et les États-Unis, le marché mondial des affaires financières, essaimant des arnaques et des fraudes sans fin. Le résultat prévisible a été la crise financière de 2008, qui a coïncidé avec une hausse des prix du pétrole à plus de 140 dollars le baril – et six mois plus tard, ils se sont effondrés à moins de 30 dollars le baril, et l’économie avec.
La reprise qui en découla était basée sur l’embrouille de premier plan de Wall Street : le miracle de l’huile de schiste, basé sur des prêts à haut risque aux entreprises, qui n’ont pas pu gagner un centime, même en accomplissant le majestueux exploit de dépasser le sommet de l’ancienne production pétrolière américaine de 1970 d’environ 10 millions de barils par jour – aujourd’hui environ 12 millions. Notez également que la poussée finale de 12 millions de barils a eu lieu au cours des deux dernières années : de là l’économie miracle de M. Trump. Tout cela, pour paraphraser les paroles immortelles de M. Dylan, en équilibre comme un matelas sur le toit d’une vieille guimbarde.
L’impasse commerciale entre la Chine et les États-Unis, si elle dure encore quelques mois, fera de nouveau s’écrouler l’économie américaine et fera chuter le prix du pétrole de schiste à des niveaux qui détruiront les sociétés pétrolières. Vous comprenez, bien sûr, que l’essor de l’huile de schiste a été étonnamment rapide, dix ans, et que sa chute sera tout aussi rapide et furieuse. Le gouvernement fédéral devra peut-être renflouer ou nationaliser tout le champ de bataille – et ce sera un nouveau tonneau des Danaïdes, accompagné d’une longue campagne au long cours pour la reconstruction des États étrangers en faillite. Traduction : pas très bon pour la valeur du dollar américain.
Nous entrons dans un été de grave mécontentement. Je ne crois pas que les relations commerciales sino-américaines puissent être ravaudées. Les perturbations que nous avons déclenchées vont sûrement déchaîner chez les autres nations, un méchant ressentiment contre les États-Unis, qui couve depuis le 11/09/01. Même les Européens, nos vieux copains, sont aigris. Les faucons de la guerre dirigent le navire de l’État vers les récifs. La Réserve fédérale – la Banque centrale américaine – hésitante, s’est acculée dans une impasse après des années de compression des taux d’intérêt et de manipulation du marché. Le mauvais temps dans la huche à pain américaine laisse présager une hausse des prix des aliments pour nous, et une moindre exportation – ou donation – vers les régions les plus affamées du monde. Le manque de nourriture fait les nations belligérantes.
Il y a déjà suffisamment de tension dans le monde, car il ne s’agit pas seulement de la fin d’une fiesta commerciale mondiale, mais d’une dépression économique mondiale synchronisée. C’est à partir de là qu’il n’y aura plus de reprise, mais seulement une adaptation à des niveaux de vie plus bas et de nouvelles dispositions pour se débrouiller. En d’autres termes, la contraction sera permanente. Nos fantasmes sur le nirvana des hautes technologies du loisir sans fin avec des robots sexuels vont se dissoudre. La sombre appréhension de tout cela a déjà provoqué une rupture psychotique dans la politique américaine. Nous vivons maintenant dans un pays où Nabisco utilise des transsexuels pour vendre des biscuits Chips Ahoy. À côté de nous, l’ancienne République de Weimar ressemble à un jubilé de boy scouts.
Cette crise économique se jouera dans les pires conditions d’insécurité pour M. Trump, le Golem d’or de la grandeur. Ses opposants politiques nationaux lui ont déclaré depuis longtemps une guerre totale. La bourse, en constante augmentation, était tout ce qui tempérait son comportement face à cet opprobre. Alors que l’économie s’essouffle, il se battra à la manière du Golem, le démon des enfers. Mais malgré la névrose teutonique de M. Trump, il détient un avantage dans cette bataille : les faits connus semblent montrer qu’il a été injustement persécuté pendant deux ans par des opposants qui se sont surpassés en enfreignant la loi, et sont maintenant en fuite avant un rassemblement monstre de renvois aux fins d’accusation. La folie de leur désespoir est maintenant visible pour tous dans les singeries des comités de la Chambre.
Tout cela soulève une question : ce pays peut-il se maintenir ? M. Trump serait une personne très improbable pour fournir le soutien moral nécessaire. Ce n’est pas Franklin Roosevelt qui rassurait les masses, devenues misérables, au coin du feu, en discutant à la radio, et il est sûr que ce n’est pas Fiorello LaGuardia, en train de lire des blagues le dimanche aux gens désœuvrés et malchanceux. Mais n’oublions jamais que l’histoire joue des tours. Même des personnes profondément imparfaites se retrouvent parfois étrangement sur la voie de l’héroïsme.
James Howard Kunstler
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
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