Victoire de la Russie, Waterloo de l’Amérique
Le 1er mars 2018, le monde a appris l’existence des nouveaux systèmes d’armes de la Russie, qui seraient fondés sur de nouveaux principes physiques. S’adressant à l’Assemblée fédérale, M. Poutine a expliqué comment ils en étaient arrivés là : en 2002, les États-Unis se sont retirés du Traité sur les missiles antibalistiques. À l’époque, les Russes ont déclaré qu’ils seraient forcés de répondre, et on leur a essentiellement dit “Faites ce que vous voulez”.
Et c’est ce qu’ils ont fait, développant de nouvelles armes qu’aucun système de missiles anti-missiles balistiques ne pourra jamais espérer arrêter. Parmi les nouvelles armes russes, il y en a une qui est déjà en service dans des unités de combat (Kinzhal), une qui est en cours de préparation pour sa production en masse (Avangard) et plusieurs qui sont actuellement testées (Poséidon, Burevestnik, Peresvet, Sarmat). Leurs caractéristiques, brièvement, sont les suivantes :
• Kinzhal : missile de croisière hypersonique lancé par voie aérienne qui vole à Mach 10 (12 300 km/h) et peut détruire les installations au sol et les navires ;
• Avangard : système de lancement hypersonique manœuvrable pour missiles balistiques intercontinentaux qui vole à une vitesse supérieure à Mach 20 (24 600 km/h). Il a une portée de 1190 km et peut transporter une charge nucléaire allant jusqu’à 300 kilotonnes. [La bombe d’Hiroshima, « Little Boy », est estimée avoir développé une puissance de 12 à 18 kilotonnes de TNT, NdT] ;
• Poséidon : torpille autonome à propulsion nucléaire d’une portée illimitée qui peut se déplacer à une profondeur de 1 km en maintenant une vitesse d’un peu plus de 100 nœuds.
• Burevestnik : missile de croisière à propulsion nucléaire [à portée théoriquement illimitée et avec une grande capacité de leurrer les défenses antimissiles par des manœuvres d’évitement] ;
• Peresvet : un complexe laser mobile qui permet d’aveugler des drones et des satellites, en détruisant les systèmes de reconnaissance spatiale et aérienne ;
• Sarmat : un nouveau missile intercontinental lourd qui peut suivre des trajectoires suborbitales arbitraires (comme au-dessus du pôle Sud) et frapper des points arbitraires partout sur la planète. Parce qu’il ne suit pas une trajectoire balistique prévisible, il est impossible de l’intercepter.
La première réaction occidentale à cette annonce a été un silence sinistre. Quelques personnes ont essayé de convaincre quelqu’un qui écouterait que c’était du bluff et juste une animation sur ordinateur, et que ces systèmes d’armes n’existaient pas vraiment. (L’animation était d’assez mauvaise qualité, pourrait-on ajouter, probablement parce que les militaires russes ne pouvaient pas imaginer que des graphismes élégants, tels que ceux pour lesquels les Américains gaspillent leur argent, rendraient la Russie plus sûre). Mais les nouveaux systèmes d’armes ont fini par fonctionner et les services de renseignement américains ont confirmé leur existence.
Forcés de réagir, les Américains, avec l’UE en remorque, ont tenté de provoquer des scandales de relations publiques sur des questions sans rapport. De telles tentatives sont répétées avec une certaine fréquence dans cette sorte de circonstances. Par exemple, après que le putsch en Ukraine ait poussé la Crimée à retourner dans le giron de la Russie, il y a eu une offensive médiatique hystérique au sujet du vol MH17 de Malaysian Airlines, que les Américains avaient abattu au-dessus du territoire ukrainien avec l’aide des militaires ukrainiens.
De même, après l’annonce par Poutine de nouveaux systèmes d’armes, il y a eu une réaction hystérique tout aussi poussive utilisant l’affaire du prétendu empoisonnement au “Novichok” de Sergei Skripal et de sa fille. Deux touristes russes, si vous vous souvenez bien, ont été accusés d’avoir empoisonné les Skripal en imprégnant de gaz toxique la poignée de la porte d’entrée de sa maison quelque temps après qu’il l’eut quittée pour ne jamais y revenir. De telles bouffonneries ont peut-être fait du bien à certaines personnes, mais s’opposer à de nouveaux systèmes d’armes révolutionnaires en générant de telles sortes d’infox n’est pas une réaction très sérieuse ni professionnelle.
Dites ce que vous voulez au sujet de la réponse russe au retrait des États-Unis du traité ABM, mais elle était adéquate. Elle a été rendue nécessaire par deux faits bien connus. Tout d’abord, les États-Unis sont le seul pays à avoir largué des bombes nucléaires sur un autre pays (Hiroshima, Nagasaki). Cela n’a pas été fait en état de légitime défense, mais simplement pour envoyer un message à l’URSS selon lequel toute résistance face aux USA serait futile (une manœuvre stupide s’il en est). Deuxièmement, on sait que les États-Unis ont planifié à plusieurs reprises la destruction de l’URSS en utilisant une première frappe nucléaire. Cela n’a pas été mise en action, d’abord par un manque d’armes nucléaires US en quantité suffisante, ensuite par la mise au point d’armes nucléaires soviétiques, puis par le développement d’ICBM soviétiques.
La“Guerre des étoiles” de Ronald Reagan visait à mettre au point un système qui abattrait suffisamment d’ICBM soviétiques pour qu’une première frappe nucléaire sur l’URSS soit gagnable. Ces travaux ont pris fin lorsque Reagan et Gorbatchev [se sont entendus sur les initiatives de limitation des armements et de désarmement accompagnant la fin de la Guerre froide]. Mais lorsque Bush Jr. s’est retiré du traité ABM en 2002, les États-Unis ont relancé la course aux armements. L’année dernière, Poutine a déclaré que la Russie avait gagné : les Américains peuvent maintenant être assurés que s’ils attaquent la Russie, le résultat sera leur anéantissement complet et garanti, et les Russes peuvent être rassurés en sachant que les États-Unis n’oseront jamais les attaquer.
Mais ce n’était que le prélude. La véritable victoire a eu lieu le 2 février 2019. On se souviendra de ce jour comme du jour où la Fédération de Russie a vaincu les États-Unis dans la bataille pour l’Eurasie – de Lisbonne à Vladivostok et de Mourmansk à Mumbai.
Alors, que voulaient les Américains, et qu’ont-ils obtenu à la place ? Ils voulaient renégocier le traité INF, en réviser certains termes et l’étendre à la Chine. En annonçant que les États-Unis suspendaient le traité INF, M. Trump a déclaré : « J’espère qu’on pourra mettre tout le monde dans une grande et belle salle et faire un nouveau traité qui serait bien mieux… ». Par « tout le monde » Trump voulait probablement dire les États-Unis, la Chine et la Russie.
Pourquoi ce besoin soudain d’inclure la Chine ? Parce que la Chine dispose d’un arsenal complet d’armes de portée intermédiaire avec une portée de 500 à 5500 km (celles qui sont interdites par le traité INF) pointées sur les bases militaires américaines dans toute la région, en Corée du Sud, au Japon et à Guam. Le traité INF empéchait les États-Unis de mettre au point quoi que ce soit qui pourrait être déployé dans ces bases pour viser spécifiquement la Chine.
Peut-être s’agissait-il de la tentative de Trump de pratiquer the art of the deal avec les superpuissances nucléaires comme il en a l’expérience en tant que magnat de l’immobilier new-yorkais, ou peut-être est-ce parce que l’orgueil impérial a pourri le cerveau d’à peu près tout le monde dans l’establishment américain. Mais le plan pour renégocier le traité INF est aussi stupide que l’on peut imaginer :
1). Accuser la Russie de violer le traité INF sans aucun élément de preuve tout en ignorant les efforts de la Russie pour démontrer que l’accusation est fausse ;
2). Annoncer le retrait du traité INF ;
3). Attendre un peu, puis annoncer que le traité INF est important et essentiel ;
4). Condescendre à pardonner à la Russie et offrir de signer un nouveau traité, mais exiger qu’il inclue la Chine ;
5). Attendre que la Russie convainque la Chine de le faire ;
6). Signe le nouveau traité dans la « grande et belle salle »de Trump.
Alors, comment cela s’est passé ? En réponse à la décision US, la Russie a instantanément annoncé qu’elle se retirait également du traité INF. Poutine a ordonné au ministre des Affaires étrangères Lavrov de s’abstenir désormais de proposer toute négociation avec les Américains dans cette affaire. Il a ensuite ordonné au ministre de la Défense, M. Shoigu, de construire des plates-formes terrestres pour les nouveaux systèmes de missiles aériens et navals de la Russie, sans augmenter le budget de la défense. Poutine a ajouté que ces nouveaux systèmes terrestres ne seront déployés qu’en réponse au déploiement d’armes à portée intermédiaire de fabrication américaine. Oh, et la Chine a annoncé qu’elle n’était pas intéressée par de telles négociations. Maintenant, Trump peut avoir sa « grande et belle salle » pour y parader tout seul.
Pourquoi cela s’est-il produit ? Grâce au traité INF, la Russie avait depuis longtemps un énorme trou béant dans son arsenal, en particulier dans la zone de 500 à 5500 km. Elle avait des X-101/102 lancés par voie aérienne, puis elle a mis au point le missile de croisière Kalibr, mais elle disposait de peu d’avions et de peu de navires – assez pour assurer sa défense, mais pas assez pour garantir qu’elle pourrait détruire de façon fiable l’OTAN dans son ensemble. En ce qui concerne la sécurité nationale de la Russie, étant donné la position belliqueuse permanente des États-Unis, il était nécessaire que l’OTAN sache qu’en cas de conflit militaire avec la Russie, elle serait complètement anéantie et qu’aucun système de défense aérienne ne l’aiderait jamais à éviter ce sort.
Si vous regardez une carte, vous constaterez que le fait d’avoir des armes dans un rayon de 500 à 5500 km résout assez bien ce problème. Dessinez un cercle d’un rayon de 5500 km autour de l’enclave russe de Kaliningrad ; notez qu’il englobe tous les pays de l’OTAN, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Le traité INF n’était pas nécessairement une bonne affaire pour la Russie, même lorsqu’il a été signé pour la première fois (rappelez-vous, Gorbatchev, qui l’a signé, était un traître), mais il est devenu un accord extrêmement mauvais lorsque l’OTAN a commencée à s’étendre vers l’est. Mais la Russie ne pouvait pas s’en sortir sans déclencher une confrontation, et elle avait besoin de temps pour se remettre et se réarmer.
Déjà en 2004, Poutine a annoncé que « la Russie a besoin d’une percée afin d’avoir une nouvelle génération d’armes et de technologies ». À l’époque, les Américains l’ignoraient, pensant que la Russie pouvait s’effondrer à tout moment et qu’ils pourraient profiter gratuitement et pour toujours du pétrole, du gaz, du combustible nucléaire et d’autres produits stratégiques russes, même si les Russes eux-mêmes s’éteignaient. Ils pensaient que même si la Russie tentait de résister, il suffirait de soudoyer certains traîtres – comme Gorbatchev ou Eltsine – et tout irait bien à nouveau.
Si on fait une bond de 15 ans dans le tempos, qu’est-ce que nous avons ? La Russie s’est reconstruite et réarmée. Ses industries d’exportation assurent une balance commerciale positive même en l’absence d’exportations de pétrole et de gaz. Elle construit trois grands pipelines d’exportation en même temps vers l’Allemagne, la Turquie et la Chine. Elle développe la capacité de production d’énergie nucléaire dans le monde entier et possède la part du lion de l’industrie nucléaire mondiale. Les États-Unis ne peuvent plus garder leurs lumières allumées sans les importations russes de combustible nucléaire. Les États-Unis n’ont pas de nouveaux systèmes d’armes pour contrer le réarmement de la Russie. Oui, ils parlent d’en développer, mais tout ce qu’ils ont pour l’instant, ce sont des puits d’argent sans fond et beaucoup de présentations PowerPoint. Il n’y a plus les cerveaux pour faire le travail, ou le temps, ou l’argent.
Une partie des ordres de Poutine, lorsqu’il s’est retiré du traité INF, était de construire des missiles hypersoniques terrestres à moyenne portée. C’est une nouvelle tournure des événements : non seulement il sera impossible de les intercepter, mais ils réduiront de quelques minutes à quelques secondes le temps qu’il reste à vivre à l’OTAN, si jamais elle devait attaquer la Russie. La nouvelle torpille à propulsion nucléaire Poséidon a également été mentionnée : même si une attaque contre la Russie réussissait, ce serait une victoire à la Pyrrhus, car les tsunamis de 30 mètres de hauts déclenchés par les armes nucléaires nettoieront les deux côtes des États-Unis sur des centaines de kilomètres dans les terres, réduisant ainsi le pays entier à un terrain vague légèrement radioactif.
Non seulement les États-Unis ont perdu leur capacité d’attaquer, mais ils ont également perdu leur capacité de menacer. Leur principal moyen de projeter leur force dans le monde entier est leur marine, et Poséidon l’a réduit à un tas de ferraille inutile et lente à se déplacer. Il suffirait d’une poignée de Poséidons qui suivent discrètement chaque groupe de porte-avions américains pour réduire à zéro la valeur stratégique de la marine américaine, où qu’elle soit déployée dans le monde.
Sans les entraves du traité INF, la Russie sera en mesure de neutraliser complètement l’OTAN déjà obsolète et inutile et d’absorber toute l’Europe dans sa sphère de sécurité. Les politiciens européens sont assez malléables et apprendront bientôt à apprécier le fait que de bonnes relations avec la Russie et la Chine sont un atout alors que toute dépendance à l’égard des États-Unis, si cela continue, constitue un énorme handicap. Beaucoup d’entre eux comprennent déjà dans quel sens le vent souffle.
Ce ne sera pas une décision difficile à prendre pour les dirigeants européens. D’un côté, il y a la perspective d’une Grande Eurasie pacifique et prospère, de Lisbonne à Vladivostok et de Mourmansk à Mumbai, assurée par le parapluie nucléaire de la Russie et liée avec le projet One Belt One Roadde la Chine.
De l’autre côté du spectre, il y a une ancienne colonie obscure perdue dans la nature sauvage de l’Amérique du Nord, imprégnée d’une foi inébranlable dans son propre exceptionnalisme alors même qu’elle s’affaiblit, que la guerre civile gronde en son sein ce qui la rend encore plus dangereuse, mais surtout pour elle-même, et qui est dirigée par un bouffon qui ne peut faire la différence entre un traité sur les armes nucléaires et une affaire immobilière. Ce pays a besoin d’être relégué discrètement et pacifiquement à la périphérie de la civilisation, puis aux marges de l’Histoire.
Trump devrait profiter de sa propre compagnie dans sa « grande et belle salle », et éviter de faire quoi que ce soit de plus tragiquement stupide, tandis que les esprits plus raisonnables négocient tranquillement les conditions d’une honorable capitulation. La seule stratégie de sortie acceptable pour les États-Unis est de renoncer discrètement et pacifiquement à leur position dans le monde, de se retirer dans leur propre zone géographique et de s’abstenir de s’ingérer dans les affaires de la Grande Eurasie.
(Le 5 février 2019, Club Orlov, – Traduction du Sakerfrancophone.)
Le 1er mars 2018, le monde a appris l’existence des nouveaux systèmes d’armes de la Russie, qui seraient fondés sur de nouveaux principes physiques. S’adressant à l’Assemblée fédérale, M. Poutine a expliqué comment ils en étaient arrivés là : en 2002, les États-Unis se sont retirés du Traité sur les missiles antibalistiques. À l’époque, les Russes ont déclaré qu’ils seraient forcés de répondre, et on leur a essentiellement dit “Faites ce que vous voulez”.
Et c’est ce qu’ils ont fait, développant de nouvelles armes qu’aucun système de missiles anti-missiles balistiques ne pourra jamais espérer arrêter. Parmi les nouvelles armes russes, il y en a une qui est déjà en service dans des unités de combat (Kinzhal), une qui est en cours de préparation pour sa production en masse (Avangard) et plusieurs qui sont actuellement testées (Poséidon, Burevestnik, Peresvet, Sarmat). Leurs caractéristiques, brièvement, sont les suivantes :
• Kinzhal : missile de croisière hypersonique lancé par voie aérienne qui vole à Mach 10 (12 300 km/h) et peut détruire les installations au sol et les navires ;
• Avangard : système de lancement hypersonique manœuvrable pour missiles balistiques intercontinentaux qui vole à une vitesse supérieure à Mach 20 (24 600 km/h). Il a une portée de 1190 km et peut transporter une charge nucléaire allant jusqu’à 300 kilotonnes. [La bombe d’Hiroshima, « Little Boy », est estimée avoir développé une puissance de 12 à 18 kilotonnes de TNT, NdT] ;
• Poséidon : torpille autonome à propulsion nucléaire d’une portée illimitée qui peut se déplacer à une profondeur de 1 km en maintenant une vitesse d’un peu plus de 100 nœuds.
• Burevestnik : missile de croisière à propulsion nucléaire [à portée théoriquement illimitée et avec une grande capacité de leurrer les défenses antimissiles par des manœuvres d’évitement] ;
• Peresvet : un complexe laser mobile qui permet d’aveugler des drones et des satellites, en détruisant les systèmes de reconnaissance spatiale et aérienne ;
• Sarmat : un nouveau missile intercontinental lourd qui peut suivre des trajectoires suborbitales arbitraires (comme au-dessus du pôle Sud) et frapper des points arbitraires partout sur la planète. Parce qu’il ne suit pas une trajectoire balistique prévisible, il est impossible de l’intercepter.
La première réaction occidentale à cette annonce a été un silence sinistre. Quelques personnes ont essayé de convaincre quelqu’un qui écouterait que c’était du bluff et juste une animation sur ordinateur, et que ces systèmes d’armes n’existaient pas vraiment. (L’animation était d’assez mauvaise qualité, pourrait-on ajouter, probablement parce que les militaires russes ne pouvaient pas imaginer que des graphismes élégants, tels que ceux pour lesquels les Américains gaspillent leur argent, rendraient la Russie plus sûre). Mais les nouveaux systèmes d’armes ont fini par fonctionner et les services de renseignement américains ont confirmé leur existence.
Forcés de réagir, les Américains, avec l’UE en remorque, ont tenté de provoquer des scandales de relations publiques sur des questions sans rapport. De telles tentatives sont répétées avec une certaine fréquence dans cette sorte de circonstances. Par exemple, après que le putsch en Ukraine ait poussé la Crimée à retourner dans le giron de la Russie, il y a eu une offensive médiatique hystérique au sujet du vol MH17 de Malaysian Airlines, que les Américains avaient abattu au-dessus du territoire ukrainien avec l’aide des militaires ukrainiens.
De même, après l’annonce par Poutine de nouveaux systèmes d’armes, il y a eu une réaction hystérique tout aussi poussive utilisant l’affaire du prétendu empoisonnement au “Novichok” de Sergei Skripal et de sa fille. Deux touristes russes, si vous vous souvenez bien, ont été accusés d’avoir empoisonné les Skripal en imprégnant de gaz toxique la poignée de la porte d’entrée de sa maison quelque temps après qu’il l’eut quittée pour ne jamais y revenir. De telles bouffonneries ont peut-être fait du bien à certaines personnes, mais s’opposer à de nouveaux systèmes d’armes révolutionnaires en générant de telles sortes d’infox n’est pas une réaction très sérieuse ni professionnelle.
Dites ce que vous voulez au sujet de la réponse russe au retrait des États-Unis du traité ABM, mais elle était adéquate. Elle a été rendue nécessaire par deux faits bien connus. Tout d’abord, les États-Unis sont le seul pays à avoir largué des bombes nucléaires sur un autre pays (Hiroshima, Nagasaki). Cela n’a pas été fait en état de légitime défense, mais simplement pour envoyer un message à l’URSS selon lequel toute résistance face aux USA serait futile (une manœuvre stupide s’il en est). Deuxièmement, on sait que les États-Unis ont planifié à plusieurs reprises la destruction de l’URSS en utilisant une première frappe nucléaire. Cela n’a pas été mise en action, d’abord par un manque d’armes nucléaires US en quantité suffisante, ensuite par la mise au point d’armes nucléaires soviétiques, puis par le développement d’ICBM soviétiques.
La“Guerre des étoiles” de Ronald Reagan visait à mettre au point un système qui abattrait suffisamment d’ICBM soviétiques pour qu’une première frappe nucléaire sur l’URSS soit gagnable. Ces travaux ont pris fin lorsque Reagan et Gorbatchev [se sont entendus sur les initiatives de limitation des armements et de désarmement accompagnant la fin de la Guerre froide]. Mais lorsque Bush Jr. s’est retiré du traité ABM en 2002, les États-Unis ont relancé la course aux armements. L’année dernière, Poutine a déclaré que la Russie avait gagné : les Américains peuvent maintenant être assurés que s’ils attaquent la Russie, le résultat sera leur anéantissement complet et garanti, et les Russes peuvent être rassurés en sachant que les États-Unis n’oseront jamais les attaquer.
Mais ce n’était que le prélude. La véritable victoire a eu lieu le 2 février 2019. On se souviendra de ce jour comme du jour où la Fédération de Russie a vaincu les États-Unis dans la bataille pour l’Eurasie – de Lisbonne à Vladivostok et de Mourmansk à Mumbai.
Alors, que voulaient les Américains, et qu’ont-ils obtenu à la place ? Ils voulaient renégocier le traité INF, en réviser certains termes et l’étendre à la Chine. En annonçant que les États-Unis suspendaient le traité INF, M. Trump a déclaré : « J’espère qu’on pourra mettre tout le monde dans une grande et belle salle et faire un nouveau traité qui serait bien mieux… ». Par « tout le monde » Trump voulait probablement dire les États-Unis, la Chine et la Russie.
Pourquoi ce besoin soudain d’inclure la Chine ? Parce que la Chine dispose d’un arsenal complet d’armes de portée intermédiaire avec une portée de 500 à 5500 km (celles qui sont interdites par le traité INF) pointées sur les bases militaires américaines dans toute la région, en Corée du Sud, au Japon et à Guam. Le traité INF empéchait les États-Unis de mettre au point quoi que ce soit qui pourrait être déployé dans ces bases pour viser spécifiquement la Chine.
Peut-être s’agissait-il de la tentative de Trump de pratiquer the art of the deal avec les superpuissances nucléaires comme il en a l’expérience en tant que magnat de l’immobilier new-yorkais, ou peut-être est-ce parce que l’orgueil impérial a pourri le cerveau d’à peu près tout le monde dans l’establishment américain. Mais le plan pour renégocier le traité INF est aussi stupide que l’on peut imaginer :
1). Accuser la Russie de violer le traité INF sans aucun élément de preuve tout en ignorant les efforts de la Russie pour démontrer que l’accusation est fausse ;
2). Annoncer le retrait du traité INF ;
3). Attendre un peu, puis annoncer que le traité INF est important et essentiel ;
4). Condescendre à pardonner à la Russie et offrir de signer un nouveau traité, mais exiger qu’il inclue la Chine ;
5). Attendre que la Russie convainque la Chine de le faire ;
6). Signe le nouveau traité dans la « grande et belle salle »de Trump.
Alors, comment cela s’est passé ? En réponse à la décision US, la Russie a instantanément annoncé qu’elle se retirait également du traité INF. Poutine a ordonné au ministre des Affaires étrangères Lavrov de s’abstenir désormais de proposer toute négociation avec les Américains dans cette affaire. Il a ensuite ordonné au ministre de la Défense, M. Shoigu, de construire des plates-formes terrestres pour les nouveaux systèmes de missiles aériens et navals de la Russie, sans augmenter le budget de la défense. Poutine a ajouté que ces nouveaux systèmes terrestres ne seront déployés qu’en réponse au déploiement d’armes à portée intermédiaire de fabrication américaine. Oh, et la Chine a annoncé qu’elle n’était pas intéressée par de telles négociations. Maintenant, Trump peut avoir sa « grande et belle salle » pour y parader tout seul.
Pourquoi cela s’est-il produit ? Grâce au traité INF, la Russie avait depuis longtemps un énorme trou béant dans son arsenal, en particulier dans la zone de 500 à 5500 km. Elle avait des X-101/102 lancés par voie aérienne, puis elle a mis au point le missile de croisière Kalibr, mais elle disposait de peu d’avions et de peu de navires – assez pour assurer sa défense, mais pas assez pour garantir qu’elle pourrait détruire de façon fiable l’OTAN dans son ensemble. En ce qui concerne la sécurité nationale de la Russie, étant donné la position belliqueuse permanente des États-Unis, il était nécessaire que l’OTAN sache qu’en cas de conflit militaire avec la Russie, elle serait complètement anéantie et qu’aucun système de défense aérienne ne l’aiderait jamais à éviter ce sort.
Si vous regardez une carte, vous constaterez que le fait d’avoir des armes dans un rayon de 500 à 5500 km résout assez bien ce problème. Dessinez un cercle d’un rayon de 5500 km autour de l’enclave russe de Kaliningrad ; notez qu’il englobe tous les pays de l’OTAN, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Le traité INF n’était pas nécessairement une bonne affaire pour la Russie, même lorsqu’il a été signé pour la première fois (rappelez-vous, Gorbatchev, qui l’a signé, était un traître), mais il est devenu un accord extrêmement mauvais lorsque l’OTAN a commencée à s’étendre vers l’est. Mais la Russie ne pouvait pas s’en sortir sans déclencher une confrontation, et elle avait besoin de temps pour se remettre et se réarmer.
Déjà en 2004, Poutine a annoncé que « la Russie a besoin d’une percée afin d’avoir une nouvelle génération d’armes et de technologies ». À l’époque, les Américains l’ignoraient, pensant que la Russie pouvait s’effondrer à tout moment et qu’ils pourraient profiter gratuitement et pour toujours du pétrole, du gaz, du combustible nucléaire et d’autres produits stratégiques russes, même si les Russes eux-mêmes s’éteignaient. Ils pensaient que même si la Russie tentait de résister, il suffirait de soudoyer certains traîtres – comme Gorbatchev ou Eltsine – et tout irait bien à nouveau.
Si on fait une bond de 15 ans dans le tempos, qu’est-ce que nous avons ? La Russie s’est reconstruite et réarmée. Ses industries d’exportation assurent une balance commerciale positive même en l’absence d’exportations de pétrole et de gaz. Elle construit trois grands pipelines d’exportation en même temps vers l’Allemagne, la Turquie et la Chine. Elle développe la capacité de production d’énergie nucléaire dans le monde entier et possède la part du lion de l’industrie nucléaire mondiale. Les États-Unis ne peuvent plus garder leurs lumières allumées sans les importations russes de combustible nucléaire. Les États-Unis n’ont pas de nouveaux systèmes d’armes pour contrer le réarmement de la Russie. Oui, ils parlent d’en développer, mais tout ce qu’ils ont pour l’instant, ce sont des puits d’argent sans fond et beaucoup de présentations PowerPoint. Il n’y a plus les cerveaux pour faire le travail, ou le temps, ou l’argent.
Une partie des ordres de Poutine, lorsqu’il s’est retiré du traité INF, était de construire des missiles hypersoniques terrestres à moyenne portée. C’est une nouvelle tournure des événements : non seulement il sera impossible de les intercepter, mais ils réduiront de quelques minutes à quelques secondes le temps qu’il reste à vivre à l’OTAN, si jamais elle devait attaquer la Russie. La nouvelle torpille à propulsion nucléaire Poséidon a également été mentionnée : même si une attaque contre la Russie réussissait, ce serait une victoire à la Pyrrhus, car les tsunamis de 30 mètres de hauts déclenchés par les armes nucléaires nettoieront les deux côtes des États-Unis sur des centaines de kilomètres dans les terres, réduisant ainsi le pays entier à un terrain vague légèrement radioactif.
Non seulement les États-Unis ont perdu leur capacité d’attaquer, mais ils ont également perdu leur capacité de menacer. Leur principal moyen de projeter leur force dans le monde entier est leur marine, et Poséidon l’a réduit à un tas de ferraille inutile et lente à se déplacer. Il suffirait d’une poignée de Poséidons qui suivent discrètement chaque groupe de porte-avions américains pour réduire à zéro la valeur stratégique de la marine américaine, où qu’elle soit déployée dans le monde.
Sans les entraves du traité INF, la Russie sera en mesure de neutraliser complètement l’OTAN déjà obsolète et inutile et d’absorber toute l’Europe dans sa sphère de sécurité. Les politiciens européens sont assez malléables et apprendront bientôt à apprécier le fait que de bonnes relations avec la Russie et la Chine sont un atout alors que toute dépendance à l’égard des États-Unis, si cela continue, constitue un énorme handicap. Beaucoup d’entre eux comprennent déjà dans quel sens le vent souffle.
Ce ne sera pas une décision difficile à prendre pour les dirigeants européens. D’un côté, il y a la perspective d’une Grande Eurasie pacifique et prospère, de Lisbonne à Vladivostok et de Mourmansk à Mumbai, assurée par le parapluie nucléaire de la Russie et liée avec le projet One Belt One Roadde la Chine.
De l’autre côté du spectre, il y a une ancienne colonie obscure perdue dans la nature sauvage de l’Amérique du Nord, imprégnée d’une foi inébranlable dans son propre exceptionnalisme alors même qu’elle s’affaiblit, que la guerre civile gronde en son sein ce qui la rend encore plus dangereuse, mais surtout pour elle-même, et qui est dirigée par un bouffon qui ne peut faire la différence entre un traité sur les armes nucléaires et une affaire immobilière. Ce pays a besoin d’être relégué discrètement et pacifiquement à la périphérie de la civilisation, puis aux marges de l’Histoire.
Trump devrait profiter de sa propre compagnie dans sa « grande et belle salle », et éviter de faire quoi que ce soit de plus tragiquement stupide, tandis que les esprits plus raisonnables négocient tranquillement les conditions d’une honorable capitulation. La seule stratégie de sortie acceptable pour les États-Unis est de renoncer discrètement et pacifiquement à leur position dans le monde, de se retirer dans leur propre zone géographique et de s’abstenir de s’ingérer dans les affaires de la Grande Eurasie.
(Le 5 février 2019, Club Orlov, – Traduction du Sakerfrancophone.)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.