Pourquoi ? Selon Sandra Polaski, ancienne représentante des Etats-Unis pour les questions liées au travail, l’explication réside peut-être en partie dans l’explosion des inégalités salariales. Au Royaume-Uni, les salaires ont à peine augmenté depuis quinze ans et le pays a connu la plus forte baisse de salaire réel enregistrée depuis la crise dans tous les pays de l’OCDE à l’exception de la Grèce.
“Les gens savent qu’ils ne sont pas rémunérés de façon juste et beaucoup n’ont que des contrats à durée déterminée, alors la motivation pour améliorer la productivité n’est tout simplement pas là”, explique-t-elle. L’augmentation du nombre de CDD a également entraîné moins de formation sur le terrain.
Sandra Polaski ajoute :
Les travailleurs ne se sentent pas assez valorisés, et comme ils sont moins bien formés, la productivité et l’efficacité diminuent.”
Éloge de la souplesse
Pour Magdalena Bak-Maier, neuroscientifique et conseillère en productivité, l’absence de sécurité de l’emploi rend les travailleurs improductifs :
Derrière les statistiques, il y a un sentiment d’incertitude et de peur, déclare-t-elle. Les conditions d’emploi et les bas salaires font naître un sentiment d’insécurité. C’est une peur primaire : si les gens craignent de ne pas pouvoir payer leurs factures le mois prochain, ils ne peuvent pas se concentrer sur leur travail.”
Que doivent faire les entreprises pour accroître la productivité ? L’une des solutions est d’encourager la souplesse. Une étude du Massachusetts Institute of Technology a montré que les salariés qui ont eu la possibilité de travailler à leur domicile pendant six mois ont vu leur productivité augmenter de manière significative et leur stress diminuer. “Mais cela n’a fonctionné que lorsque les employeurs avaient également laissé aux travailleurs davantage de liberté pour organiser leur temps de travail, par exemple en ne les obligeant pas à se connecter à une certaine heure ou à dire à leur supérieur ce qu’ils étaient en train de faire, souligne Magdalena Bak-Maier. Ce genre de contrôle à la Big Brother peut être très éprouvant.”
Revoir les espaces de travail
"Naturellement, ce type d’organisation demande beaucoup de confiance de la part des patrons. Pour l’instant, ils ont plutôt peur que les gens utilisent mal leur temps. Mais, poursuit Magdalena Bak-Maier, vu l’effondrement de la productivité au Royaume-Uni, il est absolument nécessaire de changer de culture. Les entreprises vont devoir mettre l’accent sur les résultats plutôt que sur le présentéisme.”
La conception de l’espace de travail est également un facteur qui peut nuire à la productivité. “Les bureaux sont conçus par des extravertis pour des extravertis, explique Graham Allcott, fondateur de Think Productive. Ils ne sont pas adaptés aux personnes qui ont besoin d’être dans des endroits calmes pour se concentrer.” Encore une fois, montrer davantage de flexibilité, par exemple en proposant au salarié de travailler chez lui, permet aux gens de choisir l’environnement dans lequel ils seront plus productifs.
Les leçons d’une expérience suédoise
Le Royaume-Uni pourrait apprendre une ou deux choses de la Suède. A Göteborg, une maison de retraite a testé la journée de travail de six heures. Résultat : au bout d’un an, le nombre d’activités réalisées par le personnel soignant avec les pensionnaires avait augmenté de 64 %.
Graham Allcott en est sûr :
Nous travaillons trop au Royaume-Uni. Un temps de repos insuffisant entraîne de moins bonnes performances, tandis que travailler moins d’heures améliore l’état d’esprit des gens.”
Une conclusion intéressante de l’expérience de Göteborg était que la productivité journalière avait augmenté. Pour Graham Allcott, c’est peut-être parce que les employés consacraient moins de temps aux relations interpersonnelles. “Ils savaient qu’à la fin de leur journée ils auraient du temps à consacrer à leur vie sociale. La séparation entre-temps de travail et vie sociale était donc plus nette qu’au Royaume-Uni.”
La formule du succès
En fait, le secret de la productivité est d’alimenter la motivation, affirme Irene Wennemo, du ministère de l’Emploi suédois. “La stratégie généralement appliquée dans le monde du travail a été celle du fouet, explique-t-elle. On pensait qu’en ‘fouettant’ les gens, par exemple en augmentant leur charge de travail et en les mettant sous pression, ils abattaient plus de travail. Mais le fouet ne fonctionne pas.”
Bien que les employeurs soient enclins à penser qu’il vaut mieux avoir une main-d’œuvre peu coûteuse et jetable, pouvoir compter sur des travailleurs permanents, suffisamment payés, autonomes et désireux d’améliorer l’entreprise permet d’augmenter la productivité, l’efficacité et les bénéfices sur le long terme.
Pour Sandra Polaski,
"cela a été la formule du succès dans les décennies de réussite économique qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Et ce sera également la formule des succès de demain.”
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