21 octobre 2018

Voitures électriques : fin de la puissance automobile européenne au profit de la Chine

Le patron de PSA veut interroger sur l'écosystème global de cette technologie qui pourrait ne pas être aussi vertueux qu'on le croit. Désireux de dérouler un ambitieux programme autour de la voiture électrifiée (voiture électrique, hybride...), Carlos Tavares a également insisté sur l'aspect industriel stratégique pour l'Europe qui est en jeu face à la puissance chinoise dans ce domaine.


Carlos Tavares ne souffle pas le chaud et le froid sur l'électrification automobile... Le PDG du groupe PSA a insisté pour être très clair sur cet aspect-là lors d'une conférence de presse donnée mardi au Mondial de l'automobile de Francfort.

Au contraire, il a rappelé que l'objectif de son groupe était bien d'électrifier 80% de sa gamme à horizon 2022. Une heure auparavant, le chef de l'ingénierie de PSA, Gilles Le Borgne expliquait que le groupe allait accentuer la modularité des nouvelles plateformes qui seront partagées avec les quatre marques du groupe (Peugeot, Citroën, DS et Opel), afin que celles-ci puissent accueillir une diversité de motorisations : de l'hybride rechargeable aux moteurs thermiques classiques en passant par le 100% électrique ou encore le 48 volts.

L'enquête de la DGCCRF

Le contexte est particulièrement tendu pour le constructeur automobile français. Celui-ci est au cœur d'une enquête judiciaire instruite par la DGCCRF qui l'accuse d'avoir installé un dispositif qui contrôle à des fins frauduleuses, les émissions de polluants. Une accusation démentie par PSA qui a tenté une opération de désamorçage de crise en convoquant la presse à y voir plus clair sur cette affaire. Gilles Le Borgne a commenté des extraits du rapport de l'IFPEN, un organisme d'experts, qui exonère PSA de toute action frauduleuse. Quant à Carlos Tavares, il a exprimé sa tristesse et sa colère quand une administration émet un avis scientifique qui va, selon lui, à l'encontre de l'avis déposé par une autorité scientifique.

Au-delà, c'est tout le contexte du secteur qui pousse les constructeurs à être plus ambitieux sur les voitures dites électrifiées. C'est d'ailleurs le thème incontournable de l'édition 2017 du Mondial de Francfort où les principaux groupes jouent la surenchère des effets d'annonce.

Un écosystème pas si vertueux...

Mais pour Carlos Tavares, les constructeurs ainsi que les autorités publiques auraient bien tort de faire de l'électromobilité l'alpha et l'oméga d'une automobile écologiquement vertueuse. Selon lui, de nombreux sujets n'ont pas été résolus sur la question de la voiture électrique si on se place du point de vue de l'écosystème et pas seulement de l'objet.

« Qui aujourd'hui est en train de se soucier de traiter de la question des mobilités propres dans leur globalité ? Quelles solutions pour la fabrication de batteries, le recyclage des batteries, l'exploitation mais également l'approvisionnement en terres rares, la nature de la production d'électricité... Etc », s'est-il ainsi interrogé.

Inquiet, il a estimé que l'emballement autour de l'électromobilité risquait de revenir comme un boomerang au visage des citoyens. Carlos Tavares a ironiquement imaginé sa position s'il devait revenir dans dix ans avec l'électromobilité au banc des accusés, au même titre que les moteurs thermiques aujourd'hui.

L'aspect environnemental n'est pas le seul à avoir soulevé les réserves de Carlos Tavares. Celui-ci s'est rangé aux côtés de son homologue de chez Mercedes qui a prévenu que l'avènement de l'électromobilité allait probablement rogner les marges des constructeurs automobiles. Dieter Zetsch a estimé que la marge dégagée sur une voiture électrique serait au moins « deux fois moins » élevée que celle des motorisations classiques. Le groupe Mercedes pourrait alors être contraint de chercher 4 milliards d'euros d'économies s'il veut préserver ses marges. 

La fin du règne européen sur les motorisations ?

Carlos Tavares partage cette analyse ajoutant que la question des subventions publiques sur l'électromobilité ne durerait pas, ce qui contraindra les constructeurs à se substituer à la puissance publique pour soutenir les ventes, soit un coût lourd à supporter.

Enfin, le patron de PSA juge que l'avènement de l'électromobilité pourrait signer la fin de la puissance automobile européenne au profit d'une puissance chinoise qui a d'ores et déjà acquis une position de force. « Nous sommes à la veille d'un point de rupture qui conduira l'industrie automobile chinoise à imposer au 21 eme siècle à l'Europe ce que celle-ci lui avait imposé au 20 éme siècle dans les motorisations thermiques », a-t-il ainsi prophétisé.

L'annonce, lundi, par Pékin d'en finir avec les motorisations essence, a encore ajouté de la pression sur les constructeurs. Cette annonce qui méritera d'être précisée pas seulement sur son aspect temporel, devra surtout l'être sur son périmètre puisque les voitures électrifiées englobent les motorisations hybrides qui restent encore en partie thermiques, et donc émettrice de gaz polluants...

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