26 octobre 2018

Macron ouvre la chasse à la France Insoumise


Il faut revenir sur les perquisitions dont ont été victimes Jean-Luc Mélenchon et les insoumis. Bien des choses ont été dites à leurs sujets. Cette opération politique, car il ne faut pas se voiler la face, c’est bien de cela qu’il s’agit, fait partie de l’entreprise systématique de démolition de la France Insoumise.

Cela ne devrait pas étonner. Après tout, ce que le pouvoir, et le Président de la République, à montré dans l'affaire Benalla indique bien que ce pouvoir n'est pas et ne sera pas à court de barbouzeries de tout ordre, de coup tordus et d'instrumentalisation honteuse de la justice. A peine peut-on s'étonner que Jean-Luc Mélenchon en ait été surpris.

Les relais trouvés par le pouvoir dans le milieu d'un journalisme de complaisance ne sauraient eux non plus surprendre. Nous sommes en présence, pour certains, de journalistes à gages comme l'on dit des tueurs du même nom; de sicaires qui utilisent la plume ou le clavier là où leurs homologues usent d'armes à feu ou d'armes blanches. Mais, l'ensemble de l'opération nous en dit long sur la décomposition de la macronerie (1), tout comme sur les méthodes qu'elle est prête à utiliser.

Les perquisitions du 16 octobre

Revenons donc sur ce qui s'est passé. Nous sommes en présence d'une opération politique de première grandeur. Les 15 perquisitions du 16 octobre n'ont pu être organisées sans que le pouvoir exécutif soit non seulement au courant, mais qu'il ait pris lui-même la décision. De nombreux indices permettent de l'affirmer et notamment, le fait qu'une opération de cette ampleur ait eu lieu le jour même de l'annonce du remaniement (2). Cette opération a été menée par le parquet en mobilisant 100 policiers (excusez du peu). C'est sans doute la première fois que l'on a eu recours à un grand nombre de perquisitions simultanées, une pratique qui est plutôt réservée aux enquêtes liées au terrorisme ou à la grande criminalité dans le cadre du flagrant délit ou de l'information judiciaire et non de l'enquête préliminaire (article 76 du CPP) (3), et ce sans le consentement exprès et écrit des responsables ou propriétaires des lieux. Pourquoi avoir excipé des nécessités de l'enquête auprès du juge des Libertés pour se passer de ces consentements? Les a-t-on seulement sollicités? On est en droit de s'interroger sur la légalité de la procédure. En effet, dans l'article 76 du CPP, cette possibilité offerte au procureur vient après un paragraphe qui précise qu'il convient d'obtenir, préalablement, l'assentiment exprès et écrit du propriétaire ou de l'occupant des lieux. Cela n'a, visiblement, pas été fait…
Cette opération visait un des premiers partis d'opposition. Comment peut-on penser que cette opération ait pu être décidée, tant dans le fond que dans la forme et dans le choix de la date, sans que les services de la place Vendôme et notamment le Garde des Sceaux, voire Matignon ou l'Elysée, aient été au courant?

Il est donc probable que la décision de l'ouverture de l'information judiciaire et la saisine d'un ou plusieurs juges d'instruction ait été prise avant même le déclenchement de cette opération, et que les magistrats instructeurs aient été judicieusement choisis par le pouvoir. Lors du déclenchement de l'affaire Fillon en 2017 par le Parquet National Financier, le monde judiciaire savait à l'avance qui serait le juge d'instruction désigné. Il savait aussi que le candidat LR serait immédiatement mis en examen (4). Bien sûr, il sera plus difficile, en fin de compte, de trouver du fond. Les surfacturations reprochées à Mme Chikirou sont loin d'êtres évidentes dans les milieux de la communication. Les prix pratiqués restent largement inférieurs aux prix des agences de communication travaillant soit pour l'ancien candidat « socialiste », M. Benoit Hamon, soit pour le candidat Emmanuel Macron.

La question des assistants parlementaires européens, elle, peut probablement prêter plus à une mise en examen. Mais, tout comme dans le cas du MODEM ou du Front National, ce sera au prix d'une immense hypocrisie. Les assistants, et tout le monde le sait, travaillent pour des députés européens qui sont membres de partis. Il est logique et naturel qu'ils aient aussi des attributions dans les partis pour lesquels ils travaillent en définitive. Nous ne sommes pas là dans le cas reproché à François Fillon, ou la réalité du travail peut être mise en doute. De plus, les députés européens sont élus au scrutin de liste et non au scrutin uninominal d'arrondissement. Cela implique un engagement du parti qu'ils représentent bien plus important que pour les députés de l'Assemblée nationale.

Une opération illégale?

Il faut alors revenir au fond de l'argument dont s'est servi la justice dans cette opération de basse police. En ce qui concerne les attachés parlementaires et les frais de campagne électorale, les lois de 1988 et de1990 (5), qui furent prises pour éviter les abus et le discrédit de la vie politique qui en découlait ont mis en place un système de financement public de la vie politique.
Ce système repose alors sur trois principes qui sont le financement par l'État en fonction des résultats électoraux, la limitation des dépenses pendant les campagnes électorales (pour éviter des déséquilibres mettant en cause le choix démocratique) et le contrôle financier à posteriori qui est exercé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Ce contrôle porte notamment sur les recettes des partis afin d'éviter les dons interdits (et dans l'esprit du législateur cela devait éviter que des entreprises ne portent à bout de bras certains candidats), et sur les dépenses de ces derniers en période électorale. Le contrôle des dépenses, ce point est essentiel, ne doit porter que sur la réalité de ces dernières afin de vérifier l'absence de minoration pour empêcher le dépassement du plafond. C'est ce qui fut reproché à Nicolas Sarkozy dans sa campagne de 2012. Mais, la stratégie électorale est ici libre et la commission ne doit pas déterminer à la place du candidat, ou de son parti, les dépenses réputées bonnes pour sa stratégie. Ce point est essentiel. La Commission ne vérifie ici que la forme, et de plus elle vérifie dans le but d'éviter un dépassement du plafond légal. Cela veut dire que l'accusation de surfacturation portée contre Mme Chikirou n'a pas lieu d'être. Elle est même contraire à l'esprit comme à la lettre de la loi puisqu'une surfacturation aurait rapproché en fait la campagne de J-L Mélenchon de son plafond autorisé. C'est le droit le plus strict de Mme Chikirou de ne pas se faire rémunérer plus, et c'est le droit le plus strict de la France Insoumise de choisir ce prestataire. Tout le reste relève d'une comptabilité inventive et d'une interprétation plus que douteuse de la lettre comme de l'esprit de la loi de la part des juges.

La réalité politique: un pouvoir aux abois chasse le Mélenchon

L'opération politique se révèle ici. Le dossier semble bien vide en matière de dons interdits (au contraire de la campagne d'Emmanuel Macron) et de minoration des dépenses. On doit ajouter que le déchaînement d'une certaine presse contre Mme Chikirou et contre M. Mélenchon le confirme. Le fait qu'une certaine « gôche » ait décidé de joindre sa voix à la meute des macronistes, de Hamon à Médiapart, n'y change rien. Ou plutôt, cela confirme la déliquescence morale de ces personnages et institutions.
On peut considérer que Mélenchon n'a pas su trouver le ton juste face cette attaque. C'est une affaire de point de vue. On peut aussi penser qu'il a été ulcéré par le comportement d'un pouvoir qui lui avait dit qu'il était un adversaire et non un ennemi (6), et qu'il a été scandalisé, à juste titre, par les insinuations grossières et de caniveau de certains journalistes. J'aurai donc tendance à trouver normale la réaction de Jean-Luc Mélenchon.

Mais, ce qui n'est pas normal, c'est qu'il ait cru sur parole le Président et, au-delà, la structure oligarchique que Macron représente. Si Mélenchon a pu imaginer qu'il était un adversaire et non un ennemi de ce pouvoir, il a grandement et gravement erré. Ce pouvoir, dont on mesure chaque jour d'avantage la déliquescence tant morale que politique, ne reculera devant rien pour abattre la France Insoumise. Il a d'ailleurs trouvé des rabatteurs complaisants dans les rangs d'un P « S » moribond. On s'en souviendra en temps utile…

Il est urgent que Mélenchon comprenne qui est son ennemi et quels sont ses adversaires dans le contexte et la situation actuelle. Car, on ne traite pas des adversaires comme il faut traiter son ennemi…


(2) C'est notamment la thèse de l'avocat Régis de Castelnau dans Causeur, http://www.vududroit.com/2018/10/melenchongate-demandez-programme/

(3) Voir l'article 76 du code de procédure pénale, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&idArticle=LEGIARTI000006575124&dateTexte=&categorieLien=cid

(4) Idem.

(5) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000321646. Ces lois ont été consolidée par une loi de 2013:

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028056315

(6) Déclaration d'Emmanuel Macron lors de sa rencontre « impromptue » avec Jean-Luc Mélenchon à Marseille…

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