Pour introduire le phénomène, on parlera donc, pour être plus précis, de “paroxysme crisiques” simultané dans les trois pays concerné : crise à Washington, on le sait ; crise à Paris, nous en parlons peu sur ce site mais nous le savons tous ; et crise à Berlin, selon l’avis de deux excellents commentateurs, Alexander Mercouris et Tom Luongo. Chaque fois, c’est le pouvoir suprême qui est mis en cause, à l’heure où le pouvoir politique en général, tel que voulu par le Système, se heurte à de terribles obstacles de pressions et d’incontrôlabilité qui l’enferment dans ses contradictions très-internes, interdisent toute alternative contrôlée et accélèrent encore plus vivement un désordre interne déjà bien développé.
• Washington est dans l’état de crise endémique et paroxystique qu’on lui connaît depuis la campagne présidentielle et l’élection de 2016. Nous arrivons à un épisode particulièrement intense, un paroxysme hors de tout contrôle, opérationnalisé par la crise de la désignation du juge à la Cour Suprême Kavanaugh avec comme perspective l’affrontement sanglant, montant lui aussi vers le paroxysme au-delà de quoi rien ne peut être assuré, des élections midterm de novembre. (On a vu encore cette situation avec la chronique de PhG d’hier.)
• A Paris, les dernières péripéties entre Macron et son ministre de l’intérieur Collomb, après combien d’avatars de la sorte, montrent une situation sans précédent dans la Vème république, sinon dans le régime républicain depuis qu’il existe, où le pouvoir suprême s’est trouvé traité (plutôt que contesté) avec la plus complète dérision par une personnalité politique pourtant réputée comme extrêmement proche du président. C’est l’autorité du pouvoir suprême qui est complètement en crise, et par là même sa légitimité semble se dissoudre littéralement, dans un contexte délétère où une énorme majorité parlementaire du type-“Chambre introuvable” et une présidence dont la volonté d’autorité affirmée hautement devient sa caricature impuissante en se transformant en vaine arrogance.
• A Berlin, un événement récent a vu une mise en cause sans précédent de l’autorité d’un chancelier (de cette chancelières) au sein de son propre parti. Cela touche une pathétique Merkel dont l’autorité ne cesse d’être contestée et diminuée, notamment par son aile droitiste de la CSU, avec un ministre de l’Intérieur (Seehofer) qui, à sa façon, la traite comme Collomb traite Macron en France. Tom Luongo signale l’importance de l’événement en se référant notamment à l’analyse d’Alexander Mercouris du 30 septembre 2018, et en notant que les derniers sondages placent le parti d’extrême-droite AfD en deuxième position (18% [+2%]) derrière une CDU-CSU (28% [-1%])où les deux composants sont en position d’antagonisme proche d’une rupture.
« La semaine dernière, Merkel a subi ce qui pourrait bien être sa plus importante défaite politique au cours des deux dernières années. Elle a vu son candidat à la direction du groupe parlementaire de son parti, l'Union chrétienne démocratique (CDU), battu lors d’un vote interne au groupe. Comme l'a souligné Alex Mercouris de The Duran, c'est la première fois depuis plus de quarante ans qu'un chancelier allemand perd un vote interne du parti de cette ampleur. Et cela témoigne de la frustration croissante non seulement des membres du parti, mais de l'électorat allemand en général. »
• On ajoutera un dernier élément que souligne Luongo qui est la situation de l’UE. Avec la crise-Merkel (mais aussi la crise-Macron, que Luongo ne mentionne pas), c’est la direction de facto d’une UE qui est gravement touchée, occurrence qui se développe sur une situation générale de l’UE minée par l’offensive populiste qui se développe dans de nombreux États-membres : « L’instabilité politique en Allemagne représente à présent le pire scénario possible pour l’Union européenne. Merkel est la tête de facto de l'UE. Il s'agit de révoltes internes [Allemagne et France] et externes [populisme], qui tournent toutes autour des questions fondamentales de souveraineté des États membres. »
Il nous semble impératif, pour bien embrasser la situation générale et en tenant compte de la situation de l’UE avec les diverses crises internes mentionnées, de lier ces trois crises en une “transversale crisique” qu’on définira comme une manifestation majeure du tourbillon crisique qui affecte le Système dont le bloc-BAO est l’expression opérationnelle fondamentale. Avec l’élimination de facto du Royaume-Uni embourbée dans sa crise-Brexit du “directoire” de fait du bloc-BAO, c’est toute la direction politique du bloc qui s’enfonce dans sa crise structurelle. Cet aspect structurel est complété par un aspect conjoncturel paroxystique, impliquant une volatilité et une incontrôlabilité extrêmes qui se traduisent par un désordre considérable.
Il est possible par conséquent que l’on se trouve à un développement majeur où les événements internes, par leur puissance et les contraintes formidables qu’ils imposent, prennent décisivement le pas sur les événements externes qui formaient jusqu’ici le simulacre derrière lequel on tentait épisodiquement de dissimuler cette situation interne. Cette politique externe, très agressive, fondée effectivement sur le simulacre de situations complètement faussaires (tension avec la Russie, soutien de groupes terroristes en Syrie, manipulation de l’Ukraine totalement aux abois pour entretenir la tension, etc.), n’a plus assez de souffle au regard des crises internes de ceux qui prétendent l’opérationnaliser. Il faut d’ailleurs aussitôt rappeler et préciser que cette politique externe se trouve elle-même en cours d’éclatement du fait de la politique de guerre commerciale et de mise en cause des structures internationales de la globalisation développée par les USA.
Littéralement et plus que jamais, le désordre règne en maître suprême et fondamentalement capricieux, et aucune force, dans aucun des trois pays concernés, n’est capable d’intervenir pour imposer une stabilisation dans un sens ou l’autre. Il s’agit de la crise structurelle par excellence, qui est l’expression au niveau des pays concernés de la crise du Système elle-même... Cette crise du Système se manifeste d’ailleurs quasiment d’une façon directe, les directions nationales n’étant même plus des éléments intermédiaires mais de simples courroies de transmission directe de la crise du Système s’exprimant dans chacune des entités. Trois éléments sont particulièrement remarquable, qui renforce l’hypothèse selon laquelle il s’agit de la crise du Système arrivant à un moment de vérité :
• La rapidité du développement de ces crises internes, et leur constante aggravation sans qu’aucune issue n’apparaisse, au contraire puisque cette rapidité est la clef du blocage politique, et l’aliment de sa radicalisation. On doit même admettre que cette rapidité est l’essence même de ces crises, et nous disons “essence” parce que ces événements semblent avoir une ontologie propre, qui les détache de l’histoire courante. Ils sont spécifiques à la métahistoire qui est le domaine où évolue la crise d’effondrement du Système.
• La simultanéité des trois crises, – encore une fois “paroxysmes de crise” dans des crises endémiques mais déjà elles-mêmes paroxystiques... Cette simultanéité pourrait être classée au rayon des “hasard”, comme le reste en général, par les “experts” qui se sont aperçus de la chose (il y en a peu), selon l’argument de type Bouvard-Pécuchet énonçant sentancieusement que “le hasard fait bien les choses”. Pour nous, au contraire, la simultanéité dans ce cas est un signe de l’unicité de l’évolution de la crise, c’est-à-dire qu’il se passe un même événement à Washington, à, Paris et à Berlin, et qu’il s’agit bien du processus de l’effondrement du Système. Les scientifiques disent bien “les mêmes causes provoquent les mêmes effets” … Au-delà des différences nationales et exotiques, puisque le Système réduit les nations à l’exotisme, il y a donc une structure unitaire dans cette déstructuration des pseudo-structures entretenues par le Système
• Leur caractère principiel dans la mesure où ce qui est mis en cause, plus qu’une politique, plus qu’une idéologie, ce sont les principes de la légitimité et de l’autorité. La cause en est que ces principes sont depuis longtemps des simulacres de principes, déjà représentés par des situations faussaires dues à des systèmes politiques eux-mêmes bâtis sur le simulacre de tout ce qu’ils prétendent représenter.
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