L’audition du juge Kavanaugh est pour certains auxquels je ne suis pas étranger un tournant, le dernier tournant du bout de la course de la fin des États-Unis comme nous les avons connus. « Kavanaugh est le point de basculement du déclin et de la chute des États-Unis » écrit le 1eroctobre 2018 Martin Armstrong sur son site, en titre du texte qu’il consacre à cette “crise dans la crise”, – crise du cœur de la crise, à la fois d’une violence sans retour, symbolique, infiniment lourde de sa profonde signification.
Quelques extraits de son texte...
« L’audition de Kavanaugh a mis en lumière le fait fondamental que le Congrès des États-Unis est devenu trop polarisé pour prétendre seulement gouverner. [...]
« Le vote sur Kavanaugh s’est fait strictement selon les lignes partisanes et cela démontre le problème. La haine et le degré de violence de l’attaque contre les personnes sont tels qu’ils touchent gravement les familles et les proches de cette personne. [...]
« Le Congrès est désormais complètement étranger sinon hostile aux notions de Dieu, de vérité et de justice pour tous. [...]
« Il y a un effondrement complet de tout ce qu’il peut y avoir de civilisé dans ce pays au service duquel ils [les parlementaires] prétendent être. [...]
« Un tel Congrès ne serait JAMAIS capable de rédiger quelque Constitution que ce soit. S’il avait existé en 1776, les États-Unis d’Amérique n’aurait jamais existé. [...]
«Il n’y a aucun doute que les historiens qui étudieront cette audition la considéreront comme le point de rupture dans ce pays, où le Déclin et la Chute des États-Unis furent mis en évidence, et certains y verront même le point final à cet égard. [...]
« Nous avons été beaucoup trop loin pour espérer jamais revenir à la normalité. »
Les divisions sont plus que jamais tranchées, antagonistes et effectivement, il faut l’envisager, – sans retour. Tout le monde a sa part de responsabilités et personne ne veut se reconnaître responsables. Les sénateurs républicains sont accusés par leurs propres observateurs d’être « une bande de poules mouillées » pour avoir laissé, par crainte des féministes, les démocrates manœuvrer avec un témoin transformée en une « une réincarnation de Jeanne d’Arc ». Les démocrates et les anti-Trump tirent à boulets rouges contre les républicains qu’ils accusent d’irresponsabilité politique parce qu’ils ne capitulent pas suffisamment et suffisamment vite à leurs injonctions sociétales : « La délégitimation de la Cour Suprême ? Le désordre d’une possible destitution [après les élections]d’un juge élu à la Cour Suprême ? Ils y penseront un autre jour. »
J’ai donc observé, avec tous ces constats à l’esprit et ayant lu les conclusions qu’en tire Armstrong qu’il s’agit de “la tragédie en soi pour la fin des États-Unis d’Amérique”. On m’opposera divers arguments comme le dollar (ce qu’il en reste), Wall Street et ses $trillions d’escrocs, les résidus de la “plus grande puissance militaire de tous les temps” réduite aux porte-avions en radoub, les sanctions dans toutes les directions et contre tous les concurrents étrangers, mais qui se heurtent à des résistances de plus en plus vives et efficaces. Enfin et surtout, il faut saisir la dimension symbolique de ce texte, – d’ailleurs un parmi d’autres, tous dans le même état catastrophique de l’esprit, – pour bien embrasser l’effet effectivement catastrophique et dévastateur que ce cirque de l’audition-Kavanaugh a produit sur les psychologies déjà accablées par des années de crise intérieure dévastatrice.
Le symbole repose sur les questions extraites plus haut d’un article du Washington Post, qu’il s’agit de nommer un juge à la plus haute instance de l’autorité légitime du pays, dans un climat de “guerre civile de la communication” comme les USA n’en ont jamais connu d’aussi intense, d’aussi durable et d’aussi insoluble, et cela un gros mois avant des élections législatives qui seront nécessairement sanglantes. Les conditions de l’audition au Sénat, les mises en cause par avance des conditions de l’enquête du FBI sur Kavanaugh cette semaine, les actions qui se préparent déjà pour après le résultat (positif ou négatif) de cette bataille, sont également sans précédent, et font croire qu’effectivement « Nous avons été beaucoup trop loin pour espérer jamais revenir à la normalité ».
Il est vrai qu’on pourrait être tenté, gagné par la fatigue de ces grossières batailles d’invectives et de débats nihilistes, de minimiser l’événement comme un affrontement de plus entre ces bandes de voyous conformistes et corrompus qui représentent le pouvoir à “D.C.-la-folle”. Mais il est vrai également et surtout, je crois que l’on va le réaliser de plus en plus clairement, qu’il s’agit de la Cour Suprême et du risque de « délégitimation de la Cour Suprême » ; il s’agit du risque de la délégitimation de la juridiction qui est le fondement même des États-Unis d’Amérique. Au-delà, il n’y a plus rien que le vide laissé par le désordre et la fureur impuissante devant les ruines de la splendeur passée.
L’exceptionnalisme de la nation américaine concerne aussi bien son destin que l’achèvement brutal de son destin, comme le suggérait Lincoln ; cette sorte de réflexion qui faisait écrire à Valéry, il y a exactement un siècle et six mois : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »... Cela serait finalement la dernière indulgence accordée aux États-Unis en phase terminale d'agonie, – leur laisser croire qu’ils furent une civilisation...
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