16 septembre 2018

Macron et les "pauvres"


Avec une côte de popularité en chute libre, il apparaît normal que notre président tente de colmater la brèche qui vide son réservoir électoral à une vitesse croissante. Pensant, peut-être avec raison, que le qualificatif « président des riches » attribué par les médias pouvait être la cause principale de cette impopularité, il se devait de réagir.

Cibler les derniers de la cordée

Emmanuel Macron sort de l’ENA. C’est un fait. Philippe de Villiers disait de cette école (dont il est lui-même issu) : « on y rentre avec 300 mots et on en ressort avec 40 ! » Il va donc analyser la situation sur un plan « mécanique » Les riches ont fait l’objet de ses largesses, il est normal que les pauvres soient un peu jaloux. Il convient de « les caresser dans le sens du poil » sans perdre pour autant le gain auprès des premiers. Toujours le fameux « Et en même temps » ! Dans sa vision de l’humanité, qui s’apparente à une pyramide, il y a « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas ». Ayant pris l’image d’une cordée d’alpinistes pour en valoriser les premiers, il reprend ce thème pour montrer qu’il se préoccupe également du sort des derniers. Il sait que, électoralement parlant, le poids de « ceux qui ne sont rien » peut lui coûter cher. Le moment est venu de les cajoler.

Un territoire inconnu

Malheureusement pour lui, il n’a jamais réellement eu de contacts avec ces gens-là et doit supputer leurs réactions en les imaginant. Exercice périlleux s’il en est, car la plupart d’entre eux ne marchent pas « au pas » et sentent très bien la différence entre la sincérité et la flagornerie.

Giscard nous avait déjà le coup, sur un autre registre, en organisant des dîners faussement imprévus chez des français réputés moyens. Il nous avait également joué de l’accordéon en prenant le métro et partagé les croissants d’un petit déjeuner avec une équipe d’éboueurs parisiens… Or, « la populace » – terme qu’ils utilisent entre eux – n’est pas une classe sociale facile à comprendre pour nos élites. Et cela se sent bien dans les mesures annoncées par Emmanuel Macron. L’une d’entre elles me paraît très significative de cette incompréhension.

De vieilles idées éculées qui se veulent innovantes

 
La bataille contre la pauvreté est médiatique. Encore faut-il se donner les moyens de la gagner, ce qui ne semble guère être le cas. Il y a quelque temps, j’avais publié un article sur un rapport resté confidentiel et qui traitait le l’éventualité d’une période de paix prolongée. Ce rapport, publié sous un nom d’emprunt en 1967 est connu sous le nom de « Rapport de la montagne de fer ».

Dans l’édition française de ce rapport, intitulé « La paix indésirable », on trouve, page 33, au § « pauvreté » :

« Pauvreté. Élimination authentique de la pauvreté, définie par les critères correspondant à la productivité actuelle, élimination obtenue par un revenu annuel garanti, ou par tout autre système de distribution susceptible d’accomplir cette réalisation. »

Du même tonneau venait cette proposition formulée à la fin des années 60 par Milton Friedman, considéré comme un des pères du néolibéralisme. Il s’agissait de distribuer directement à la population des billets imprimés par la Banque Centrale, qu’il appelait « la monnaie-hélicoptère » pour reprendre l’image de l’argent tombant du ciel

Mais ces propositions datent néanmoins de plus de soixante ans. Difficile donc de parler de mesures « progressistes ou novatrices ». Et ces mesures ont été appliquées, certes dans un cadre restreint, aux États-Unis dans certaines réserves indiennes, où le gouvernement fédéral payaient les indiens pour l’unique raison qu’ils étaient indiens… L’expérience, loin d’être concluante, a souvent tourné au drame, ces populations s’étant repliées sur elles-mêmes avec tout ce que cela comporte…

Il n’y a pas que l’argent qui compte

Emmanuel Macron, dans son discours annonce comme une mesure « phare » la création de ce revenu universel. Il est difficile de croire que cette mesure satisfasse ceux qui, écartés souvent malgré eux de la vie professionnelle, ont également besoin de cette dignité que leur confère le fait de pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Quelle que soit la façon dont on aborde ce problème, pèse sur nos épaules la culture de la responsabilité sociale. Le « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » apparaît comme une valeur essentielle. Certains se réjouiront peut-être d’être « payés pour ne rien faire », mais ce sera loin d’être la majorité. Ne vous y trompez pas, monsieur le Président, si l’absence de revenus est à l’évidence une cause de pauvreté, distribuer des billets fraîchement imprimés par la BCE ou tout autre organisme ne sera pas la solution. Cela peut régler certains problèmes immédiats, mais ne saurait perdurer.

Comme dit un proverbe chinois :

« Si tu donnes un poisson à quelqu’un, tu le nourris une journée. Si tu lui apprends à pêcher, tu le nourriras toute sa vie. »

Jean Goychman

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