25 septembre 2018

Chine : la bombe à retardement des panneaux solaires

Le pays installe à tour de bras de gigantesques fermes solaires pour faire face à ses besoins énergétiques. Mais d’ici 30 ans, ces montagnes de panneaux arriveront en fin de vie et absolument rien n’a été prévu pour leur collecte et leur recyclage.

Sur le plateau tibétain de la province du Qinghai, au centre de la Chine, les panneaux solaires s’étendent à perte de vue. Sur 27 kilomètres carrés, le parc solaire du Longyangxia, inauguré l’an dernier, couvre 13 fois la surface de Monaco et produit une électricité représentant la consommation de 200.000 foyer. À plusieurs centaines de kilomètres au nord, dans le désert de Tengger, se trouve le plus grand parc solaire du monde avec ses 1.500 MW. Le pays s’est également illustré avec la mise en service de la plus grande ferme solaire flottante, d’une capacité de 40 MW, et même d’un parc solaire en forme de panda.
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La Chine est incontestablement la championne mondiale du solaire. Elle détient un quart des capacités mondiales et fabrique la moitié des panneaux solaires vendus dans le monde, d’après le rapport 2017 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le pays a atteint avec trois ans d’avance ses objectifs de production d’énergie solaire fixés pour 2020. D’ici 2040, sa capacité devrait encore être multipliée par dix, passant de 77 GW à 738 GW.

Jusqu’à 20 millions de tonnes de déchets vont s’entasser d’ici 2050

La course en avant du gouvernement chinois pour couvrir le pays de panneaux solaires cache cependant l’énorme défi auquel le pays sera confronté d’ici quelques années : celui des déchets engendrés par toutes ces installations. D’ici une trentaine d’années, des millions de panneaux solaires arriveront en fin de vie. En 2050, le pays se retrouvera avec plus de 13,5 millions de tonnes de déchets issus des vieux panneaux, prédit l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena). L’équivalent de ceux des États-Unis, du Japon et de l’Allemagne cumulés. En interne, le chiffre de 20 millions de tonnes est même avancé. « Notre industrie solaire est une véritable bombe à retardement », s’inquiète ainsi Tian Min, le directeur d’une entreprise chinoise de collecte de panneaux usagés.

Et aussi incroyable que cela puisse paraître dans un pays aussi obsédé par la planification, rien n’a été prévu à ce jour pour gérer cette montagne de déchets. Alors que l’Europe s’est dotée, dès 2012, d’une réglementation pour la collecte et le recyclage des panneaux en fin de vie, la Chine ne dispose d’aucune filière spécifique et la recherche à ce sujet est encore balbutiante. La plupart des fabricants se concentrent sur le développement de panneaux plus performants et ne se soucient guère du devenir de leurs produits.

Une filière de recyclage complexe et onéreuse

Aujourd’hui, 92 % des panneaux solaires installés sont en silicium cristallin, constitué à 76 % de verre, 10 % de polymère, 8 % d’aluminium (essentiellement pour le cadre), 5 % de silicium, 1 % de cuivre et 0,1 % d’argent. Des matériaux facilement recyclables, pour peu que l’on dispose des usines adaptées. En France, on arrive ainsi à valoriser 90 % des déchets issus des vieux panneaux.

Mais ces derniers contiennent aussi des métaux toxiques (brome, cadmium, plomb…) beaucoup plus difficiles à séparer et à éliminer. Leur traitement nécessite un processus coûteux et l’utilisation de produits chimiques polluants. Autant dire que les fabricants n’ont pas vraiment envie de s’embarrasser avec ça. « Le cadmium et le plomb représentent à peine 0,1 % des matériaux des panneaux, donc c’est négligeable », minimise ainsi Trina Solar, un des principaux fabricants. Sauf que 0,1 % de 20 millions de tonnes, cela représente tout de même 20.000 tonnes de produits toxiques à gérer à l’horizon 2050.

Exporter ses vieux panneaux… au Moyen-Orient

L’autre problème, c’est que la majorité des centrales solaires sont installées dans des régions pauvres et isolées comme le désert de Tengger, le Tibet ou la Mongolie intérieure, alors que les rares usines de recyclage se situent dans les provinces industrielles de la côte Pacifique. « Transporter autant de matériel lourd sur de si grandes distances sera très coûteux », met en garde Tian Min. Selon lui, le recyclage n’est tout simplement pas assez rentable : un kilogramme de silicium coûte environ 13 dollars et le prix devrait encore chuter de 30 % dans la prochaine décennie.

Le directeur d’une autre entreprise, cité par le South China Morning Post, a lui sa petite idée pour se débarrasser des anciens panneaux peu performants : les refourguer à des clients au Moyen-Orient. « Ces pays disposent de vastes espaces inoccupés pour y installer des panneaux solaires pas forcément très performants mais peu coûteux », suggère-t-il. « Cela arrangerait finalement tout le monde. »

Céline Deluzarche
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