(Par conséquent, non, Trump n’est ni un fou, ni un imposteur, ni un génie, il est « symptôme et détonateur, sinon “démonstrateur” » de la volonté d’autodestruction du Système. « Trump est une conséquence, pas une cause... » de cette volonté d’autodestruction du Système. Ainsi soit-il et reste-t-il.)
Dans le texte de John Laughland ci-dessous, c’est la partie de l’“immense désordre” lancé par Trump au sein de l’UE par sa décision de sortir du traité JCPOA qui est détaillée. Laughland, Britannique diplômé de philosophie de l’université d’Oxford, enseigne les relations internationales dans une université parisienne, au cœur de cette Europe en crise. C'est par conséquent un esprit anglo-saxon trempé dans la culture française, et donc, parce qu’il réunit deux pôles historiques de la culture européenne, parfaitement placé pour bien comprendre l’essence même de cette crise européenne.
En effet, son constat est que la décision de Trump plonge l’Europe dans toutes ses formidables, ses folles contradictions, et donc ouvre une crise majeure au sein du Système, à la fois crise européenne comme on l’a vu, crise transatlantique comme on le comprend aisément, enfin crise de la confrontation de deux crises, celles de “D.C.-la-folle” déjà bien avancée par elle-même et en elle-même, et celle de l’Europe-UE qui prend une tournure inédite et pressante.
Laughland énumère donc les innombrables contradictions auxquelles l’Europe-UE est désormais confrontée, qui se résume par ce dilemme insoluble : la nécessité de réagir de façon contrôlée à la situation grotesque et insupportable où la place la décision de Trump et l’impossibilité de réagir de façon contrôlée à cette même situation grotesque et insupportable. La conclusion que nous en tirons est par conséquent que nous entrons dans une terra incognita où les actes contrôlées d’une politique que l’on voudrait à la fois ferme et arrangeante deviennent absolument impossibles, et donc que la terra incognita est un territoire hors de tout contrôle. C’est d’ailleurs dans sa nature même : par définition, on ne peut contrôler ce qui est inconnu...
Laughland détaille les diverses contradictions radicales qui caractérisent l’Europe en butte aux conséquences catastrophiques de la décision de Trump. Elles sont aisément compréhensibles quand on mesure ce qui à la fois sépare aujourd’hui radicalement l’UE des USA, et ce qui à la fois lie radicalement l’UE et les USA. L’aspect de cette terra incognita le plus séduisant est certainement les relations de l’UE avec la Russie. Il est évident que l’attitude US doit pousser l’UE à se rapprocher de la Russie pour toutes les raisons du monde, alors que l’UE, opérant de conserve avec Washington et bien aussi fou-Russiagate que Washington (sans meneur nécessaire, les deux avançant du même pas) insulte et sanctionne la Russie depuis au moins quatre ans (“coup de Kiev” de février 2014) et même depuis 2011-2012 (début de l’affrontement en Syrie et alentour). Qu’importe, madame Merkel était à Moscou hier pour parler avec monsieur Poutine.
Il faut dire que l’Europe-UE a en face d’elle, à Moscou, un redoutable joueur d’échecs, expert dans l’art des arrangements avec vision à long terme, et l’art de la séduction au moment qu’il faut. Au lieu de l’accueillir avec arrogance et mépris comme a fait Trump deux semaines plus tôt, Poutine a accueilli Merkel hier avec de doux et chaleureux sourires, et même un bouquet de fleurs, – si bien que la séduisante Kaiserin a dû vraiment se sentir comme chez elle avant d’entamer des discussions où de nombreux sujets auraient dû être abordés mais où l’on parla essentiellement de la nouvelle situation créée par la décision de Trump :
« La façon dont Poutine a accueilli Merkel a peut-être rappelé à la chancelière les pourparlers de nouvelle coalition allemande. Après la finalisation de l'accord et son élection définitive au parlement à la mi-mars, Angela Merkel a reçu des fleurs de la part des autres membres de la coalition. De même, le président russe a également offert à son invité un bouquet lors de sa rencontre sur le porche de sa résidence à Sotchi, avant de s'entretenir à trois avec le Premier ministre Dmitri Medvedev, dont le remaniement ministériel vient d'être achevé. »
Horreur, donc ! Le Russe, déjà coupable de tout et de bien d’autres choses encore, poursuivrait-il à coups de bouquets de fleurs face à une faible femme sa stratégie de chercher à séparer les deux grands blocs de vertus réciproquement démocratiques à l’intérieur de la cathédrale de valeurs civilisatrices que représente le bloc-BAO que l’on ne serait pas autrement étonné... Impossible, diront les connaisseurs, l’Europe est pieds et poings liés ! Qu’importe, dirons-nous, puisque le désordre est dans le fruit, et que voilà la seule chose qui nous importe, à nous. Terra incognita, vous dit-on... Que se passera-t-il à la prochaine occasion où l’on parlera des sanctions contre la Russie, absurdes en temps normal de ces temps si étranges, et absurdes jusqu’à être surréalistes dans ce temps anormal de ces temps si étranges ? Oui, que se passera-t-il avec ce nouveau gouvernement italien, fait de deux partis populistes, eurosceptiques et partisans inconditionnels de la levée immédiate de ces sanctions, alors que l’Europe-UE effectue l’hyper-grand écart de tenter de plaire à Moscou tout en tentant de rester cohérent avec tout ce qu’elle a fait et tout ce qu’elle est ?
Buvant son petit lait anglo-français, Laughland termine son analyse de l’incohérence des fous pris au piège de leur propre folie avec cette remarque : « En d'autres mots, ce que Trump a fait est de faire apparaître les Européens pour les fous qu’ils sont. Dans ces circonstances où l'UE a placé tous ses œufs dans le même panier que Trump vient de renverser avec une brutalité inouïe, il lui sera impossible de se rassembler en une union bien ordonnée. Au contraire, l’UE est bien partie pour se désintégrer. »
Son texte ci-dessous a été publié par RT, au milieu de l’habituel encombrement de FakeNews caractérisant ce réseau bien connu des godillots-surveillants des flics des salons parisiens, — cela, le le 18 mai 2018.
dedefensa.org
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Trump made Europeans look like the fools they are
The attacks by European leaders against US President Donald Trump are getting sharper by the day.
On the day Trump announced that he was ripping up the Iran deal, and that the US would impose sanctions on European companies trading with that country, the French finance minister Bruno Le Maire said that European states refused to be treated like "vassals" of the US.
At Aachen on 11 May, Emmanuel Macron effectively accused the US of blackmail. On 17 May, the president of the European Council, Donald Tusk, asked, "With friends like that (i.e. Trump), who needs enemies?"
The temperature only rose further when the French energy giant Total announcedthat it would pull out of a multi-billion dollar gas deal with Iran unless European diplomacy succeeds in obtaining a specific waiver from US sanctions. Other European behemoths including Allianz and Siemens have also announced either that they will wind down operations in Iran or that they will not start any new ones.
These statements show that Trump's decision is a slap in the face for the EU politically, economically and – perhaps above all – ideologically. Politically, because both Emmanuel Macron and Angela Merkel made special trips to Washington to plead with Trump, to no avail whatever. Moreover, the EU is itself a signatory to the Iran deal, which it regards as a major diplomatic triumph from which it draws credibility: its disavowal by Trump is a deep insult to the diplomatic status of the EU as such.
Economically, because of the gigantic contracts which European companies could lose. For years, following the nearly $9 billion fine imposed by the US on Paribas in 2015, European companies and banks have been terrified of engaging in any business activity likely to attract the ire of the Americans. Deals with Russia, for instance, are shunned. The effect of this latest decision could be like many Paribas situations at once.
Ideologically, because the EU draws its entire legitimacy from the belief that by pooling sovereignty and by merging its states into one entity, it has advanced beyond the age when international relations were decided by force. It believes that it embodies instead a new international system based on rules and agreements, and that any other system leads to war. It is impossible to exaggerate the importance of this belief for European leaders; yet Donald Trump has just driven a coach and horses through it.
The angry statements by European leaders might lead one to think that we are on the cusp of a major reappraisal of trans-Atlantic relations. However, the reality is that the EU and its leaders have painted themselves into a corner from which it will be very difficult, perhaps impossible, to extricate themselves.
First, the links between the EU and the US are not only very long-standing, they are also set in stone. NATO and the EU are in reality Siamese twins, two bodies born at the same time which are joined at the hip. The first European community was created with overt and covert US support in 1950 in order to militarize Western Europe and to prepare it to fight a land war against the Soviet Union; NATO acquired its integrated command structure a few months later and its Supreme Commander is always an American.
Today the two organizations are legally inseparable because the consolidated Treaty on European Union, in the form adopted at Lisbon in 2009, states that EU foreign policy "shall respect" the obligations of NATO member states and that it shall "be compatible" with NATO policy. In other words, the constitutional charter of the EU subordinates it to NATO, which the USA dominates legally and structurally. In such circumstances, European states can only liberate themselves from US hegemony, as Donald Tusk said they should, by leaving the EU. It is obvious that they are not prepared to do that.
Second, EU leaders have burned their own bridges with other potential partners, especially Russia. Angela Merkel traveled to Russia on Friday but only a few weeks ago more than half of the EU member states expelled scores of Russian diplomats and encouraged non-EU European states like Ukraine and Montenegro to do the same, in retaliation for the poisoning in Salisbury of Sergei and Julia Skripal.
How is Mrs Merkel going to convince Mr Putin to join her in keeping Iran's nuclear program under control if she officially thinks that Mr Putin is guilty of secretly stockpiling and using chemical weapons for assassinations in the West ? Only a few weeks later, in mid-April, Britain and France, together with the US, attacked Syria on the basis that its army had used chemical weapons at Douma with Russian backing. If they try to turn on the charm now in Sochi or in Moscow, do they really expect the Russians can take them seriously ?
Third, how can EU leaders complain about US sanctions against their companies when they themselves have applied sanctions against Russian companies causing major economic disruptions in that country? EU states have also introduced punitive sanctions against Syria since 2011, one of the biggest programs of sanctions ever, whose effect and purpose is to disrupt the activities of the Syrian state including its ability to provide public goods like health.
Britain and France, who are, with Germany, the European signatories of the Iran deal, have been pursuing regime change in Syria for half a decade. By what right do they protest now that the US administration is taking decisions whose goal is to provoke regime change in Iran?
As if these external issues were not bad enough, the EU is currently riven by internal divisions too. Donald Tusk may say "Europe must be united economically, politically and also militarily like never before ... either we are together or we are not at all" but Europe is indeed not "together" at all. The Brussels commission is hounding Poland and Hungary on what are clearly internal political matters beyond the Commission's remit; the EU is about to lose one of its most important member states; and a new government is going to take power in Rome whose economic policies (a flat tax at 15%) will blow the eurozone's borrowing rules out of the water and perhaps cause Italy to leave the euro.
The Italian 5-Star / League government also wants an end to the EU sanctions against Russia; these are voted by a unanimity which, although fragile, has held until now but which, if the new power in Rome keeps its word, will shortly collapse. In other words, what Trump has done is to make the Europeans look like the fools they are. In circumstances in which the EU has placed all its eggs in one basket, a basket which Trump has now overturned, it will be impossible for it to come together. On the contrary, it is falling apart.
John Laughland
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