03 mai 2018

Médiocrité ordinaire : Anne Hidalgo

 Anne Hidalgo pose avec des habitants du quartier Château Rouge, à Paris, le 10 mars 2018. (MICHEL STOUPAK / NURPHOTO / AFP)

Vélib', voies sur berges, stationnement, propreté... Les dossiers délicats se sont accumulés sur le bureau de la maire de Paris, cible de nombreuses critiques depuis le début de l'année. Après un véritable trou d'air, l'horizon commence à s'éclaircir pour l'élue PS.

"L'œil du cyclone est derrière nous", souffle-t-on dans l'entourage d'Anne Hidalgo. Après un premier trimestre 2018 marqué par plusieurs revers sur des dossiers symboliques de son mandat, des polémiques sur ses méthodes et des dissensions au sein de sa propre majorité, la maire de Paris retrouve un peu d'air. Mardi 10 avril, elle a réuni plus de 150 conseillers de Paris et d'arrondissements de la majorité à l'Hôtel de ville. Objectif : resserrer les rangs et assurer à ses alliés de gauche que la maire tient le cap du "contrat de mandature" pour lequel la majorité a été élue.

Hidalgo se sent fragilisée et elle semble avoir compris que La République en marche n'allait pas lui faire de cadeau pour 2020, donc elle se recentre sur ses alliés de 2014.Un conseiller de gauche de Parisà franceinfo

Il était urgent de ressouder ses troupes et de ne pas allumer un nouvel incendie. "Cap à gauche et on reste dans le cadre politique fixé au départ : la réalisation du contrat de majorité", se satisfait de son côté David Belliard, président du groupe écologiste au Conseil de Paris. Il faut dire que les partenaires de l'édile ont été échaudés, début mars, par ses déclarations dans Libération (article abonnés). Anne Hidalgo y annonçait une "candidature de coalition" pour les prochaines municipales de 2020, tendant clairement la main à LREM. De quoi faire bondir communistes, écolos et certains de ses amis socialistes qui n'ont pas fait le choix de rejoindre Emmanuel Macron.

Mais depuis, un sondage plaçant le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux devant Anne Hidalgo (32% contre 29%) et la multiplication des attaques des ténors de LREM contre sa politique semblent avoir fait disparaître les appels du pied à destination de la majorité présidentielle. L'heure est aux gages donnés à sa majorité municipale. "Il faut dédramatiser, nous sommes en accord sur le programme de 2014 à mettre en œuvre même si, au niveau national, on ne fait pas les mêmes choix", relativise Rémi Féraud, président du groupe socialiste au Conseil de Paris, qui salue une "réunion sereine et dynamique".

Une accumulation de couacs

Les nuages s'éloignent dans un ciel bien sombre pour Anne Hidalgo. Car depuis le début de l'année, la maire de Paris pouvait reprendre à son compte une formule de Jacques Chirac, qui a dirigé la capitale de 1977 à 1995 : "Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille." Fin décembre, dans un rapport sévère, la chambre régionale des comptes a pointé les "nombreuses faiblesses et irrégularités" dans les transactions sur les marchés de Noël et la grande roue de la place de la Concorde. Depuis le 1er janvier, la transition entre les deux gestionnaires de Vélib' – qui devait être rapide – a viré au fiasco : stations hors service, bornes désactivées, bugs techniques à répétition pour les utilisateurs...
 

Une station de Vélib' en travaux, le 12 mars 2018. (DAVID SEYER / CROWDSPARK / AFP)

Le 5 février, 40 millions d'euros de recettes se sont envolés avec l'annulation par la justice d'un marché publicitaire de la ville avec JCDecaux. Puis, le 20 février, le tribunal administratif de Paris a annulé la fermeture à la circulation des voies sur berges rive droite au centre de la capitale, une mesure-phare de l'équipe municipale pour lutter contre la pollution. Enfin, début mars, la ville de Paris a été contrainte de rappeler à l'ordre la société privée en charge du contrôle du stationnement payant, qui a dressé "près de 5 000" amendes illégales. Dans cette affaire, la municipalité a porté plainte pour faux, usage de faux et escroquerie contre son prestataire privé. Bref, une accumulation impressionnante de couacs, sans parler des polémiques récurrentes sur la propreté dans la capitale ou encore la prolifération de rats...

"Trop de com' tue la com'"

Florence Berthout, présidente du groupe Les Républicains au Conseil de Paris, voit dans ces mois compliqués un "effet boomerang d'une politique d'annonces". "Trop de com' tue la com'", analyse-t-elle.

La première année, ça marche. La deuxième, beaucoup moins. Et la troisième, ça casse car les résultats ne sont pas là et les décisions sont prises pour cliver mais sans tenir compte de la complexité du réel.Florence Berthout, présidente du groupe LR au Conseil de Parisà franceinfo

Une opinion pas loin d'être partagée par les membres de la majorité municipale. "Hidalgo a fait des coups d'éclat et une personnification de son action à outrance, au moment où tout allait très bien. Du coup, elle se prend le retour de bâton quand les difficultés sont là : tout le monde lui tombe dessus", confie un élu de gauche, sous couvert d'anonymat.

Certains élus dénoncent également la méthode Hidalgo, et notamment une "absence de concertation" : "On découvre parfois des décisions dans la presse ou la veille de leur annonce." D'autres rapportent un moment de tensions avec Bruno Julliard, le premier adjoint d'Anne Hidalgo, au sujet de la ligne politique à adopter. "Depuis, les choses se sont apaisées, raconte un conseiller de Paris. De toute façon, ils n'ont pas le choix : pour tenir jusqu'en 2020 et au-delà, il faut bien s'entendre."

Jardin aux Halles, nids-de-poule et Velib'

Dans l'entourage de la maire, on reconnaît une période "un peu rude" mais on relativise. "A mi-mandat, tous les chantiers sont en cours et cela suscite, assez logiquement, des désagréments et des mécontentements", explique un proche d'Anne Hidalgo. "Le mandat dure six ans, de nombreuses livraisons de chantiers sont prévues en 2018 et 2019", rassure-t-il. Ainsi, l'énorme chantier des Halles prendra fin en mai, avec l'inauguration d'un jardin, mettant un terme à une phase qui aura duré quinze ans, de l'idée à la mise en œuvre. Et sept grandes places (dont Bastille ou Nation) doivent également être réaménagées et livrées en 2019.

Il faut se souvenir de la tempête médiatique autour de Bertrand Delanoë, en 2005, lors de la construction des couloirs de bus.Un membre du cabinet d'Anne Hidalgoà franceinfo

Sur le terrain, les équipes municipales s'activent et le font savoir. Un millier de stations Vélib' seront disponibles fin mai (l'objectif initial était de 1 400 fin mars), notamment grâce à l'aide proposée par les services de la ville de Paris. Face aux "nombreuses réclamations", Anne Hidalgo a aussi lancé un "plan d'urgence" pour en finir avec les nids-de-poule sur la voirie causés par un hiver rigoureux. Equipes renforcées également pour assurer la propreté des rues, source régulière de mécontentement. "Il faut renforcer la dimension de proximité avec les Parisiens" avec "du concret, du quotidien, de l'espace public...", estime le président du groupe PS à Paris.

Sur son thème de prédilection, la lutte contre la pollution, Anne Hidalgo persiste et signe : elle fait appel de la décision de justice sur la piétonnisation de la rive droite de la Seine et elle a signé un arrêté municipal pour maintenir l'interdiction de circuler aux voitures. "C'est une victoire politique", se réjouit Rémi Féraud, qui cite "la pétition en faveur des voies sur berges piétonnes, l'événement qui a réuni des centaines de piétons et cyclistes, et le ralliement d'une grande partie de la droite parisienne au principe d'une piétonnisation."

L'heure est à la "remunicipalisation" de l'image de la maire, après une longue séquence internationale en 2017 : campagne pour les Jeux olympiques de 2024, reconquête des touristes refroidis par les attentats et présidence du C40, un réseau mondial de métropoles dont l'objectif est de lutter contre le "réchauffement climatique" (!!!).

Manifestation pour le maintien de la piétonnisation des voies sur berges, à Paris, le 10 mars 2018. (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP)
 
"Autoritaire, sectaire et hystérique"

Si le ciel commence à s'éclaircir, le cabinet de la maire surveille tout de même le "Hidalgo bashing", souvent "venu de la droite et de l'extrême droite". "Il y a une convergence d'attaques, portées essentiellement par la presse d'opinion et les réseaux sociaux", estime un proche, citant notamment les articles du Figaro, de Valeurs actuelles et de L'Opinion. "Dans un contexte national où toutes les figures de gauche ont disparu, elle se prend tous les coups."

Son équipe pointe aussi le "sexisme" des attaques qui la visent : elle est dépeinte comme "autoritaire, sectaire et hystérique, là où on estime que des hommes ont du caractère et savent trancher", déplore encore ce membre du cabinet d'Anne Hidalgo. Une "argumentation très faible" aux yeux de Florence Berthout. "Il y a toujours un fond de misogynie dans le monde politique mais si c'était le cas, je serais la première à dénoncer des critiques sexistes", assure la patronne des Républicains à Paris.

Après une cure de terrain, éloignée des polémiques, Anne Hidalgo devrait revenir sur le devant de la scène médiatique en juin, à l'occasion de la sortie d'un livre défendant son bilan, sa politique environnementale et ses mesures "anti-voitures". Initialement prévue en avril, la publication en a été décalée. Une manière de laisser passer la tempête.

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