03 mai 2018

La génération des sans pères


Un bilan du comportement de Macron aux Usa n’a pas été fait. Pas seulement aux Usa d’ailleurs mais aussi ces derniers mois, en France, au Liban, en Roumanie, en Afrique, et dans d’autres pays. Pour peu qu’on garde les yeux ouverts, qu’on force notre mémoire à ne pas se contenter d’une suite d’images sans liens entre elles, qu’observe-t-on ? On voit se construire un personnage qui oscille en permanence entre deux pôles : la certitude que son autorité est légitime et fondée et le mépris affiché, discret ou ironique pour ceux qui ne pensent pas comme lui.

D’abord le mépris affiché pour qui est inférieur à son autorité. C’est l’épisode du chef d’état-major des armées limogé au début de son mandat à qui il rappelle qu’il est son subordonné. Inversement, l’autorité d’autrui peut être tournée publiquement en dérision. Ce fut le cas devant un auditoire de jeunes Maliens. Surpris par la panne des climatiseurs, il laisse entendre que le président, son ainé assis à côté de la tribune où il parle, devrait se charger des réparations. Éclat de rire général sauf que le président quitte la pièce devant ce que Macron a cru être de l’humour et qui n’était au fond que la manifestation de son autorité franç-africaine, insulte et absence de diplomatie pour son hôte. C’est, dans le même pays je crois, qu’il en appelle à une autre forme d’autorité plus ambigüe, celle de la Mère. Pas n’importe laquelle cependant, plutôt la femelle intemporelle qui, selon Macron, pour le bien-être général du monde, devrait devenir consciente que sa matrice est une arme de destruction massive. Trop d’Africains en 2050 sera la ruine du monde. Il pratique aussi ce que j’appellerai autorité de la commisération. Il l’inflige à ceux qui ne sont pas comme lui et ne le seront jamais. Ça se passe à Lunel, Hérault, où il reproche à son interlocuteur de ne pas travailler assez pour s’acheter un costume comme le sien. Ou bien, devant un groupe d’employés d’une entreprise du nord, il parle de ceux "qui sont quelque chose et de ceux qui ne sont rien". En Roumanie il renouvelle son autorité méprisante en fustigeant ceux qui pour lui sont des imbéciles et des fainéants parce qu’ils ne veulent pas des "réformes", pas des réformes de ceci ou cela, non, des réformes qui réforment sans préciser quoi. C’est aussitôt après son élection, voler à Berlin pour cette fois adorer l’autoritéet s’asseoir par terre au pied de la FEM, la Femem-Europe-Merkel comme devant l’Universelle Maman, Vénus de Brassempouy

Juste après il invite Poutine à Versailles mais pas à l’Élysée en s’imaginant que Vlad ne saisira pas la nuance et se gonflera d’être comparé à Pierre le Grand visitant Louis XIV. Cette fois il condamne l’autorité exercée par la Russie sur sa chaine d’information RT France en même temps qu’il l’accuse d’en abuser contre les homosexuels Tchétchènes. C’est enfin le fameux 14 juillet où voulant éblouir Papa Trump, il étale son autorité de chef des armées en montrant ses soldats à plumets, barbes et tabliers ainsi que du matériel militaire poussif.

Jusque-là, la presse prostituée s’était extasiée en feignant de trouver l’autoritarisme macronien révolutionnaire. Arrive enfin LE voyage, la conquête de l’Ouest. Dès son arrivée, petit Frenchie parle à Fox News avec assurance, s’improvise orateur en anglais devant le Sénat. Mais après, il est bien obligé de céder aux manières trumpiennes, se colleter à cet homme tonitruant, grimaçant, comédien en diable de soixante et onze ans, manager de son état, bateleur, père de famille nombreuse, client de prostituées (*)et qui doit avoir à peu près l’âge du sien, qui préfère rester discret. On le comprend.

Dans un crescendo relevé par les chaines d’informations, le malaise enfle. Que le lecteur ouvre cet article de Spoutnik-françaiset voit les photos qui ont fait le tour de monde. Les poignées de mains se font longues et ambigües, les embrassades se multiplient, des rires de connivences fusent, un baisage de main appuyé de madame Trump en chapeau blanc où notre président s’incline avec derrière lui le grand mâle Trump regardant la scène en connaisseur (**)et devant lui, sa femme, son épouse-mère Brigitte, la soixantenaire élégante, regardant aussi son incliné d’époux, et enfin, le scoop des pellicules époussetées par le grizzly blond sur l’épaule du gamin dont l’élégante a maman ne fut pas capable de vérifier si son Homme-Petit-Garçon-Président-des-Français était impeccable avant de le conduire à la Maison Blanche!... etc. Tous ces moments craquants, ces happenings révèlent beaucoup de Macron.

Un homme qui à quinze ans s’amourache de sa professeure de français, la poursuit de sa passion jusqu’à ce qu’elle succombe à ce à quoi elle voulait succomber : épouser son fils. Ce penchant pro-maman supposant mécaniquement une détestation de papa. Pas seulement de papa d’ailleurs puisque sa biographe nous explique qu’à cette époque charnière, il décide d’aller vivre chez grand-mère. Il faut au sensible jeune homme un milieu strictement féminin et si possible âgé pour s’épanouir. La famille, au sens d’union d’un homme et d’une femme en vue de procréer n’est pas ce qu’il a de plus cher, ne correspond pas à sa vision du monde. A cette époque de sa vie, seules les femmes le comprennent, l’attirent, le valorisent, le rassurent. Les hommes doivent faire peur à cet homme si peu sûr d’en être un. L’ex-président Hollande bien que mal placé pour juger, vient d’indiquer dans un tweet facétieux qu’aux Usa il avait eu "le rôle passif"… ce que Benjamin Griveaux, le porte parole du président a bien interprété dans son commentaire en en soulignant l’allusion homosexuelle doublée d’homophobie inexprimée, ce qui pour le père du mariage homo ne manque pas de sel et d’humour ! Qui à cette époque, ne serait pas tombé amoureux du beau jeune homme formé par les Jésuites?

Le beau jeune homme grandit et, à trente neuf ans devient président de la république française en soulevant l’espoir de la classe moyenne supérieure des centres villes amoureuse de start up et folle d’uberisation. L’année suivante, il a le privilège d’être le premier chef d’État à rencontrer officiellement non un "père fondateur" des Usa mais l’auto-proclamé grand curateur du swamp washingtonien, the Donald himself. Quelle aubaine pour ce garçon fâché de père et adorateur de mères ! Cet évènement est le tournant métaphysique de cet homme de 40 ans plébiscité par la France des retraités et la France des bobos trentenaires, qui va rencontrer un vieux de 71 ans pour lui proposer sa jeunesse et son intelligence. (JFK élu à 43 ans n’avait pas fait mieux.) Cette fois, il ne moque pas l’autorité mais propose celle fondée sur Trump-Macron en même temps. Aux dires des journalistes admiratifs, il va aux Us pour conseiller le Vieux, lui expliquer les arcanes du mondialisme, les secrets de la diplomatie à base de missiles furtifs, lui dont les frégates n’ont pu en tirer aucun !... A l’issu de ce voyage, la plupart des observateurs – je parle de ceux qui observent vraiment –, ont vu le contraire. C’est pas le Donald qui est venu sur les positions de Macron, mais bien Macron qui défend l’accord avec l’Iran tout en se préparant à défendre en même temps l’idée trumpiste de le renégocier.

Ici, le questionnement sur le personnage s’approfondit. Est-ce parce qu’il est porté à la fonction suprême qu’il sent obscurément que son penchant vers la mère, son évitement du père a été une erreur de jeunesse ? Est-ce parce qu’arrivé au sommet il voit bien que c’est le Père qui règne, du moins en apparence ? Où en est-il Macron de sa perception du Père ? Quel Père est en train d’effracter sa conscience ? Le vrai qui analyse froidement ou le faux qui trépigne et vocifère ? Celui genre de Gaulle, genre Poutine ou celui de Froid Delanoë qui ne fut pas moins efficace dans son règne à la mairie de Paris ? Fait-il amende honorable en se rapprochant du Père des pères, celui qui aime les femmes, l’atout maitre du monde actuel ? Ce père qui dans d’autres langues et dans d’autres cultures s’appelle Xi Ping, Rohani, Erdogan, Netanyahou ? Vire-t-il sa cuti ? Les journalistes restés sur leur perception féminisante du bonhomme n’étaient-ils pas dans la vérité lorsqu’ils disaient qu’Emmanuel allait voir papa Us pour le conseiller et qu’il en était capable ! Macron fait-il le pari que Trump n’est que transitoire tandis que l’Amérique restera ? Mesure-t-on jusqu’où son discours en anglais devant les sénateurs a été reçu ? A-t-il été ce bouffon devant le Bouffon en chef ou le nouveau marquis de La Fayette, préparant l’avenir par une analyse géopolitique imprévue, quitte, en même temps, discours achevé, à continuer à taper amicalement l’épaule de Papa-Président, à rire des pellicules chassées de son épaule, comme si de rien n’était ? Le banquier de chez-Rothschild plaidant pour une libre circulation de l’acier, de l’aluminium et des technologies tout en laissant entendre à son homologue que le traité de 2015 avec l’Iran pourrait être renégocié même si les Européens s’y opposent, est-ce totalement farfelu ? Prendre la position américaine ou plutôt américano-israélienne sur cette question n’est-ce pas une manière de se poser en leader d’une Europe nouvelle, celle qui veut relativiser, voire diminuer, le rôle de l’Allemagne ? Y a-t-il une lucarne pour cela comme le pense Caroline Galactéros dans son article ? L’homme est-il à la hauteur de cette effraction diplomatique qui changerait la face du monde ? Est-il ce père juvénile, d’un seul coup maturé, qui serait prêt à remplacer tous les séniles qui se sont succédés sur le trône de France depuis qu’un certain jour de novembre 1970 le plus intelligent et le plus solide nous a quittés ? La France n’a plus de père depuis cette date. La fonction est allée décroissant de Pompidou en Giscard, de Giscard en Mitterrand, de Mitterrand en Chirac, de Chirac en Sarko et de Sarko en Hollande. Macron est-il le cancer, la métastase qui va emporter le malade ou la cellule pluripotente extraite par un bon génie du placenta maternel ?

Marc Gébelin


Note

(*) Les affaires sexuelles de Donald Trump n’ont pas fini de livrer tous leurs petits secrets ! Après la multiplication des révélations effectuées par l’actrice pornographique Stormy Daniels au sujet de leurs ébats, de l’argent qui a circulé pour son silence, et des menaces proférées à son encontre ; Après l’accusation d’une ancienne playmate au sujet d’une autre coucherie présumée, une ancienne affaire dont on avait oublié l’existence vient de refaire surface, et pas de n’importe quelle manière !

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