07 janvier 2018

Vague de froid et de désinformation sur l’Amérique du Nord


l y a tous les ans, au Canada et aux États-Unis, des vagues de froid telles que la France actuelle, si elle en connaissait de semblables, serait entièrement et durablement paralysée. Celle qui sévit outre-Atlantique depuis quelques jours, pour remarquable qu’elle soit, n’est cependant pas sans précédent. Alors pourquoi un article sur un hiver hivernal sur un autre continent ? Parce que cet épisode météorologique prend place dans le cadre du "réchauffement climatique", que les médias aux ordres et les scientifiques dans le coup ont tenté de justifier le bien-fondé du réchauffisme en répondant bien maladroitement aux sarcasmes des sceptiques et que le président twitteur américain lui-même a malicieusement alimenté le débat.


Si l’information est arrivée jusqu’à Oïmiakon, en Iakoutie (Russie), elle a dû faire sourire les enfants : leur école ne ferme que lorsque les températures tombent à -52 °C. Il faut dire qu’ils vivent dans le lieu habité le plus froid du monde, avec un record homologué de -68 °C en 1933. La moyenne des températures maximales des mois de décembre et janvier y est de -42 °C. Celle des minimales en ce premier mois de l’année de -58 °C. La vague de froid qui touche depuis quelques jours l’Amérique du Nord peut donc prêter à sourire vue de Sibérie orientale. Vue depuis l’Europe occidentale, qui n’est somme toute, d’un point de vue strictement physique, qu’une petite péninsule de l’énorme masse asiatique, c’est au contraire assez époustouflant. Si d’aucuns prétendent que nous n’avons plus d’hivers en France, c’est qu’ils oublient que ceux-ci ne sont en moyenne pas bien froids, le pays étant dominé par les flux d’ouest, adoucis par la présence de l’océan. Qu’on en juge par la carte suivante, indiquant les températures minimales et maximales moyennes en France durant les trois mois hivernaux tels que définis par les météorologues (décembre-janvier-février).


Certes, les moyennes ont été un peu tirées vers le haut par le réchauffement ayant eu lieu durant les décennies 1980 et 1990, mais il suffit de soustraire 1 à 1,5 °C pour retrouver les normales de la période météorologique 1951-1980, la plus froide du XXe siècle (refroidissement d’après-guerre). Les vagues de froid en France sont l’exception, pour une moyenne hivernale en réalité très douce sous nos latitudes, et sans commune mesure avec ce qui a lieu de l’autre côté de l’Atlantique.

Or donc, une descente d’air polaire en Amérique du Nord. Qui se souvient de ses cours de géographie au lycée a en tête l’orientation nord-sud des reliefs, qui facilite de telles situations, avec alors des températures négatives jusqu’au golfe du Mexique.

Températures minimales du 31 décembre 2017

Le contraste avec l’Europe occidentale est saisissant. Les températures sont descendues jusqu’à -40 °C à Québec, localement jusqu’à -50 °C au Canada. Le zoo de Calgary a même dû rentrer à l’abri ses manchots royaux pour cause de froid trop intense. Il est vrai que cette espèce vit dans les îles sub-antarctiques à la différence de son cousin empereur capable d’endurer les vents catabatiques du continent austral. Dans le Montana (États-Unis), le thermomètre a indiqué jusqu’à -45 °C.

Températures enregistrées le 1er janvier 2018 à 13h40, heure de Paris (soit, selon la longitude, en début de matinée ou fin de nuit en Amérique du Nord). Source : meteociel.fr

Sur le front avant de cette coulée d’air froid, au contact avec un air plus chaud et plus humide (et plus encore au passage des Grands Lacs non englacés), les précipitations neigeuses ont été très abondantes, battant quelques fois des records, et nécessitant parfois l’instauration d’un état d’urgence par les autorités locales. Jusqu’à 150 cm de neige en moins de 48 heures. De quoi en effet paralyser, temporairement, des régions pourtant aguerries à de tels frimats et intempéries.

(Vidéo prise sur le plateau de Tug Hill, au sud du lac Ontario (États-Unis), connu pour ses fortes précipitations neigeuses à cause de L’effet de lac)

Puis vint le tweet de Donald Trump. On sait le président américain être un utilisateur assidu de Twitter, ainsi qu’un climatosceptique convaincu. Mais il n’avait rien publié sur le sujet depuis son élection.

"In the East, it could be the COLDEST New Year’s Eve on record. Perhaps we could use a little bit of that good old Global Warming that our Country, but not other countries, was going to pay TRILLIONS OF DOLLARS to protect against. Bundle up !"

— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 29 décembre 2017

« Dans l’Est, cela pourrait être le réveillon du Nouvel An LE PLUS FROID jamais enregistré. Peut-être pourrait-on utiliser un petit peu de ce bon vieux réchauffement climatique, pour lequel notre pays, mais pas les autres pays, allait payer DES TRILLIONS [milliers de milliards] DE DOLLARS afin de s’en protéger. Couvrez-vous ! »

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Le New York Times du 28 décembre en fournit une tout à fait représentative :

« Avec un temps inhabituellement froid qui saisit une grande partie de l’est des États-Unis cette semaine, le président Trump a twitté jeudi afin de jeter le doute sur la réalité du changement climatique, mais il semble ignorer le distinguo entre le temps et le climat. »


Il est certain qu’une vague de froid ne saurait invalider la thèse du réchauffement climatique, anthropique ou non. Nul doute que Donald Trump, qui n’est pas un sot, le sait aussi bien que n’importe quel journaliste. Mais gageons que Trump, dont l’électorat n’est pas précisément les bobos urbains des côtes Est et Ouest, a foi dans le bon sens des Américains. Car en effet, si l’air polaire déboulant sur son pays n’est pas en soi une réfutation des « travaux du GIEC », leur confirmation ne réside pas plus dans les sécheresses ou les cyclones tropicaux pouvant toucher les États-Unis. Les médias, de même que beaucoup de scientifiques auxquels on donne la parole, ne se gênent pourtant pas pour faire le lien dans ce sens-là. On peut fort bien imaginer Trump jouer ce coup en sachant pertinemment la réaction quasiment pavlovienne des médias et l’expression du bon sens populaire qui ne peut manquer de remarquer ce parti pris.
Anomalies de températures. En bleu, sous la moyenne, en rouge au-dessus. Un exemple de cherry picking, la cueillette de cerises, pendant laquelle on choisit les plus belles. Quand c’est froid, cela relève de la météo, quand c’est chaud, c’est le réchauffement climatique.

Par ailleurs, le commentaire de Trump n’est pas simplement l’exact symétrique de l’attitude des médias, et au-delà de tous ceux qui ont intérêt à vendre l’histoire du global warming. Car celui-ci est bel et bien censé diminuer ce genre d’événement météorologique. Les Britanniques avaient été prévenus de semblable théorie. The Independent titrait le 20 mars 2000 : « Les chutes de neige sont maintenant une chose du passé ». S’appuyant sur la haute autorité scientifique de l’Unité de recherche sur le climat (CRU) de l’université d’East Anglia, le quotidien expliquait que toute la culture britannique touchant à l’hiver : bonhommes de neige, batailles de boules de neige, luge, tout cela était dorénavant terminé, et ferait maintenant parti de l’imaginaire, mais plus des pratiques récréatives de cette saison. Et puis l’hiver 2009-2010 est passé par là et le journal a jeté son article à la corbeille, puisqu’il n’est plus accessible en ligne.

 
Image satellite du 7 janvier 2010. Événement rarissime, l’entièreté de la Grande-Bretagne est recouverte de neige

Il en est de même pour les États-Unis. Le rapport de 2014 intitulé « Le changement climatique dans l’État de New York », nuancé comme il se doit, affirme qu’en toute logique les chutes de neige devraient devenir moins fréquentes. Avec une incertitude sur leur intensité car, comme on l’entend souvent, un air chaud pouvant contenir plus de vapeur d’eau, on peut raisonnablement s’attendre à ce que les montants précipités soient en augmentation. Dans notre cas, les hauteurs de neige ont été considérables, mais dans un contexte de très grand froid. Par ailleurs, l’emprise au sol de la neige devrait aussi se réduire comme peau de chagrin. Voici ce à quoi les chercheurs mainstream disent s’attendre pour la fin du siècle dans la région du Nord-Est américain :

Étendue hivernale de la neige dans le Nord-Est américain durant la période de référence 1961-1990 (délimitée en rouge) et à la fin du siècle (taches blanches) [Source : Arthur de Gaetano, Cornell University]

Les récentes intempéries, en situation très froide, ont conduit les États-Unis à être recouverts par la neige sur presque la moitié de leur territoire (on parle ici des CONUS, les 48 États contigus, donc hors Alaska et Hawaï). Pas si mal, même si l’on est assez loin de la situation de janvier 2011, quand 71 % de ce même territoire était enneigé. Seule la Floride n’était pas concernée.

Certes, ces quelques événements n’invalident pas en eux-mêmes l’évolution attendue de la disparition progressive de la neige. Mais ils prennent place dans une dynamique générale ne validant pas cette prévision des « experts ». Le total de la superficie enneigée n’est en baisse qu’au printemps. Sinon, que ce soit pour l’ensemble de l’hémisphère nord, pour l’Eurasie ou l’Amérique du Nord, la superficie recouverte par la neige augmente partout à l’automne et, pour ce qui nous occupe, en hiver.

Extension des surfaces enneigées en hiver pour l’hémisphère nord (en millions de km2)

Extension des surfaces enneigées en hiver pour l’Amérique du Nord (en millions de km2)

La discordance entre la théorie et les faits observés est trop importante pour être cachée, même si les médias sont là pour façonner un sens commun nouveau. Cela ne suffit pas, il faut bien encore mettre le nez dehors de temps à autre. On fait donc appel aux experts pour trouver une explication ad hoc, permettant de faire du réchauffement une théorie inattaquable (irréfutable ou infalsifiable), car au final jamais en contradiction avec la réalité observée par tout un chacun. Mais comme il est difficile de justifier l’injustifiable, on ne sera pas surpris de voir que les explications fournies ne peuvent convaincre que les crédules.

Passons sur ce qui a été pourtant dit, mais ne peut prêter qu’à sourire : lors de la vague de froid de février 2012 en Europe occidentale, d’aucuns ont affirmé que s’il n’y avait pas eu le réchauffement climatique, il aurait fait encore plus froid, ce qui est bien une preuve de l’existence du dit réchauffement… L’explication la plus élaborée aura été fournie par un grand ponte du milieu réchauffiste, l’océanographe et climatologue (car tout le monde est climatologue, désormais) Stefan Rahmstorf, de l’Institut de recherche de Postdam sur les effet du changement climatique.

Jusqu’aux vagues de froid de la fin des années 2000 et du début des années 2010, on pointait du doigt, parmi les nombreuses preuves du réchauffement climatique, la fonte de la banquise et la douceur de nos hivers, particulièrement épargnés par les descentes d’air polaire. Le contraste n’était pas négligeable avec les années d’après-guerre, jusqu’aux années 1990, quand l’extension de la banquise était plus importante et les vagues de froid un peu plus fréquentes et plus intenses que par la suite. Elles n’étaient pas la norme, mais marquaient les esprits et les moyennes hivernales. Pour expliquer ce regain de froid, l’hiver 2009-2010 et l’actualité du moment, le froid de février 2012, Rahmstorf justifia ces très basses températures par l’absence de banquise, là où elle a beaucoup reculé ces dernières décennies, dans les mers de Barents et de Kara (au nord de la Russie, de part et d’autre de la Nouvelle Zemble). Le chercheur, qui n’a pas froid aux yeux, a expliqué aux journalistes de The Independent : « les zones sans glace de l’océan Arctique réchauffent l’air, créant un système de hautes pressions près de la mer de Barents, qui dirige les vents polaires froids vers l’Europe ».

Ainsi, le froid s’expliquait autrefois par l’absence de réchauffement, puis le réchauffement permit de boucler la boucle en expliquant le froid. En plus du chaud quand le froid est aux abonnés absents. Rien que cela peut faire sourire qui n’a pas abandonné tout bon sens. Mais sur le plan physique, c’est cocasse aussi. Car S. Rahmstorf explique la création d’un anticyclone par réchauffement de l’air sur une mer non englacée. Ce qui est une grande trouvaille qui aurait dû trouver sa place dans les publications d’une Académie de renom. Car on connaissait les anticyclones thermiques, en contexte de grand froid, ainsi que les dépressions thermiques, en contexte d’intense réchauffement du sol (comme au Sahara), mais du chaud qui crée de hautes pressions, c’était bien la première fois que la climatologie en entendait parler. Le prestigieux Institut Alfred Wegener pour la recherche marine et polaire, en Allemagne, de même que le National Snow and Ice Data Center, aux États-Unis, arrivaient eux aussi à de telles conclusions, ce qui ne montre hélas pas la rigueur scientifique de l’analyse, mais la collusion de chercheurs bien placés, comme l’a très bien mis en évidence l’affaire du Climategate.

La justification de la vague de froid sur l’Amérique du Nord est un peu différente et s’inscrit plus dans les explications habituelles, conformes à ce que l’on trouve dans les manuels pour météorologues. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a rien à redire, encore une fois. Le grand coupable serait le jet stream, ou courant-jet en français, dont les ondulations provoqueraient des descentes d’air froid venu des hautes latitudes. Le Figaro du 27 décembre, qui reprend cette explication, en donne l’illustration suivante :
 
Situé vers 60 degrés de latitude nord, vers 9.000 ou 10.000 mètres d’altitude, le courant-jet ondule parfois peu, parfois plus et ces ondulations seraient à l’origine des descentes d’air froid vers les basses latitudes (il a neigé dans le nord de la Floride ce 3 janvier !). Comme le montrait très justement le climatologue Marcel Leroux (1938-2008), il y a là un paradoxe physique de premier plan, qui ne peut conduire qu’à rejeter ce type d’explication. Pour le dire crûment en des termes qui n’étaient pas les siens, cette histoire de hautes couches qui dirigent les basses couches de l’atmosphère, c’est un peu la queue qui remue le chien. Car comment croire que ce sont les mouvements d’air à des altitudes où la pression est de l’ordre de 300 hPa qui influent sur ce qui se passe là où elle est en moyenne supérieure à 1 000 hPa ?

« Il faudrait alors, pour valider cette hypothèse dynamique, un extraordinaire “miracle physique” pour que des niveaux où l’atmosphère est raréfiée puissent engendrer des anticyclones de basses couches aux fortes pressions et aux températures basses, voire fortement négatives, sachant que des mouvement subsidents ne peuvent créer que des anticyclones chauds et de faible puissance (faible densité de l’air chaud). L’air de cet anticyclone serait ainsi inapte à provoquer la formation d’un front (“froid” par définition). » [1] Et donc à générer d’abondantes chutes de neige.

L’explication, on le voit, ne tient pas la route. Mais même en laissant de côté ces « miracles physiques », en mettant dans une boîte noire la tambouille interne de cette théorie que l’on ne peut que difficilement remettre en cause si l’on ne s’intéresse pas de près au sujet, il reste un point que le bon sens encore une fois peut mettre en lumière.
L’article du Figaro, qui bien sûr donne la parole à un "expert météorologue" [2] explique que le réchauffement des hautes latitudes, prétendument plus important que la moyenne du globe, entraîne plus de sinuosités du courant-jet. Encore une incohérence, car moins de différences entre hautes et basses latitudes ne peuvent conduire qu’à moins d’échanges méridiens et donc moins de descentes d’air froid. Mais le plus drôle est que juste après cette justification du froid polaire par le réchauffement, l’expert explique malgré tout que le modèle développé par le centre de recherche de Météo-France prévoit « une diminution généralisée de sinuosité dans un contexte de climat globalement plus chaud ».

Mince ! Après tant d’efforts pour faire accroire que c’était bien le réchauffement qui nous faisait battre des records de froid et de neige, autrement dit, foi de Shadok, qu’« avec un escalier prévu pour la montée, on réussit souvent à monter plus bas qu’on ne serait descendu avec un escalier prévu pour la descente », voilà que le scientifique semble se saborder. L’explication réside peut-être dans la fin de l’article. Depuis quelques mois, apprend-on, a commencé l’Année de la prévision polaire… qui durera deux ans. Les régions polaires « sont très importantes et on dispose encore de trop peu de données ». Et, justement, il est question d’étudier le lien entre les températures des régions de moyennes latitudes et les changements dans l’Arctique. « Pour l’heure, les études ne sont pas toutes convergentes. Cela confirme la nécessité de poursuivre les recherches en la matière. » Et d’avoir les fonds pour le faire. De notre côté, pour permettre aux experts de continuer à nous expliquer le réel tel qu’il n’est pas, soyons convaincus qu’« il vaut mieux pomper même s’il ne se passe rien que risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas ».

Notes

[1] Leroux M. (2000) : La dynamique du temps et du climat, Dunod, 367 p.

[2] Météo France s’occupe bien sûr aussi du climat maintenant, lors même qu’à une époque pas si lointaine, y être climatologue signifiait avoir la charge peu glorieuse, au regard de la prestigieuse prévision météo, des archives climatiques.

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