29 janvier 2018

«Quand on vend un litre d’eau minérale plus cher qu’un litre de lait, ce n’est plus décent»

(Photo, Le Monde)

Notre avenir est intimement lié à celui des paysans locaux.

L’industrie agroalimentaire globalisée et certaines de ses pratiques hégémoniques mettent en danger la présence même de ces agriculteurs indépendants.

Inutile de dire que les canaux de collecte-transformation-distribution sont aux mains du marché financier international et la financiarisation que celui-ci a réussi à imposer au monde agricole, via le monde politique.

Pour faire simple, les agriculteurs peuvent mourir à la tâche sans pouvoir couvrir leurs frais à la fin de l’année. C’est d’ailleurs ce qui se produit depuis de trop nombreuses années.

Bilan, ils doivent vendre leurs exploitations pour le plus grand bonheur des promoteurs immobiliers, eux aussi liés au marché financier. Et là, dans le cas de la Suisse, Berne les attend au niveau fiscal. Même si le canton de Vaud essaie d’offrir des bouffées d’oxygène, la tendance reste à la destruction du secteur avec la bénédiction centralisée des plus hautes instances du pays.

Cette transformation effrénée des terres agricoles en blocs de béton (Lausanne a réussi l’exploit d’installer une série de terrains de foot avec du revêtement synthétique sur des près au nord de la ville! ) est un drame écologique, sociétal, mais aussi et surtout une mise à mort de notre indépendance alimentaire (collective et individuelle).

Essayez de manger du béton, ou de forcer les multinationales à vous vendre du beurre si elles ont décidé d’aller le produire en Inde et de le vendre en Chine…

Cela revient à dire que si rien ne devait inverser la tendance, à terme notre sort sera lié au bon vouloir des Monsanto et autres Syngenta et Bayer.

Voici une vidéo qui vulgarise la construction systémique et hautement concentrée de l’outil de production agricole.

Cette vidéo est un outil didactique supplémentaire pour réveiller les consciences. Elle vous montre comment nos paysans sont harcelés et écrasés par un rouleau compresseur tentaculaire financier …

L’heure n’est même plus aux initiatives, mais à des mesures économiques et structurées concrètes du genre d’associations de soutien, et d’un boycott généralisé des commerces non respectueux des coûts de production des paysans locaux. Ainsi, nous pouvons créer par exemple un label qui certifie que le distributeur prend bien en compte la réalité économique des travailleurs du secteur…

Efficacité probablement redoutable car immédiate…

Liliane Held-Khawam
Les paysans meurent dans l’indifférence/ GHI

par Fabio Bonavita

Manque de reconnaissance, bureaucratie en hausse, coûts de production qui flambent. La situation des agriculteurs genevois s’est nettement dégradée ces dernières années. Politiques et spécialistes de la branche tirent la sonnette d’alarme.

La situation des agriculteurs genevois se détériore au fil des mois. GETTY IMAGES/NICOLASMCCOMBER

«Quand on vend un litre d’eau minérale plus cher qu’un litre de lait, ce n’est plus décent» Francis Egger, responsable du département économie et politique au sein de l’Union Suisse des paysans
Les paysans genevois vont-ils disparaître? Paul*, la cinquantaine bien avancée, en est convaincu, sa profession est quasiment condamnée: «Si on continue comme ça, je vais tout simplement arrêter. Mes collègues sont dans la même situation, certains sont à deux doigts de la dépression, les autres survivent tant bien que mal.»


François Erard, directeur d’AgriGenève, la chambre genevoise d’agriculture, confirme l’urgence de la situation: «Il ne reste que cinq producteurs de lait dans le canton, c’est le secteur le plus touché par la pression sur les prix. A Genève, comme ailleurs, les revenus s’érodent, la bureaucratie et les heures de travail explosent. Il existe aussi un manque de reconnaissance de la profession. C’est alarmant!»

Suicides en hausse


Symptôme de cette réalité, le suicide des paysans est un sujet qui occupe le devant de la scène médiatique depuis quelques mois. En France, chaque jour, un agriculteur met fin à sa vie. En 2016, pour le seul canton de Vaud, ils étaient huit à se donner la mort. Etonnamment, aucun chiffre officiel n’existe sur ce phénomène inquiétant, ailleurs en Suisse: «Nous ne disposons pas de statistiques sur les suicides, pointe Francis Egger, responsable du Département économie et politique au sein de l’Union Suisse des paysans. Cependant, d’après les informations recueillies, ils sont en augmentation, ce qui est très inquiétant.» François Erard tient cependant à nuancer: «L’agriculture dans notre canton est périurbaine, les gens sont plus proches les uns des autres, ils peuvent plus facilement se confier.»

Soutien financier

Au niveau politique, diverses mesures ont été prises afin de sauver un métier en détresse: «A travers le label Genève Région-Terre Avenir (GRTA), par exemple, le canton s’est donné les moyens de s’engager et soutenir une politique ambitieuse pour manger local, sain et équitable, le tout en favorisant une agriculture de proximité, note Luc Barthassat, conseiller d’Etat chargé du Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture. Nous disposons aussi de fonds pour soutenir les agriculteurs devant faire face à des difficultés financières.»

Prise de conscience

Pour Esther Alder, conseillère administrative en charge de la cohésion sociale et de la solidarité en Ville de Genève, il convient de favoriser une prise de conscience citoyenne, politique, mais aussi d’agir sur le plan financier: «Le marché ne doit plus être le seul maître, il faut favoriser une société durable et solidaire, pour que les agriculteurs locaux se sentent respectés dans leur travail et dans leur volonté de promouvoir une alimentation de qualité.» Et Francis Egger de conclure: «Quand on vend un litre d’eau minérale plus cher qu’un litre de lait, ce n’est plus décent.»

*prénom d’emprunt connu de la rédaction
 
La fiscalité agricole a été modifiée en 2011 par un jugement du Tribunal fédéral. Image: Christian Brun-A

De nombreux agriculteurs vaudois ont reçu un parpaing sur la tête en décembre 2011. Le Tribunal fédéral (TF) rendait un jugement modifiant illico les pratiques fiscales en cours depuis des décennies en Suisse, lors de la cession d’un domaine situé en zone à bâtir. Grosso modo, la plus-value réalisée n’est plus taxée via l’impôt sur le gain immobilier mais via l’impôt sur le revenu (lire ci-contre). Signifiant de facto un important alourdissement de la charge fiscale, auquel les concernés ne s’étaient pas préparés. Depuis six ans, la soudaineté de la décision et son impact parfois très dur étaient atténués par l’espoir d’un changement de loi salvateur. Espoir qui s’est éteint mercredi, sous les lambris du Palais fédéral.

«Je suis amer. On ne change jamais un régime fiscal sans prévoir une période transitoire»

La Commission de l’économie et des redevances du Conseil national (CER-CN) a jeté l’éponge, elle qui défendait encore l’introduction d’une «période transitoire» pour ménager les paysans jusqu’en 2020. Mais impossible d’arriver à un compromis avec l’organe homologue du Conseil des Etats, pour qui la jurisprudence du Tribunal fédéral doit désormais faire loi. En principe, la Chambre du peuple va donc, mi-juin, se ranger à cet avis. Très impliqué dans ce combat au sein de la CER-CN, le PLR Olivier Feller accuse le coup. «Je suis amer. On ne change jamais un régime fiscal sans prévoir une période transitoire. Cela fait des années qu’on se bat et on était vraiment proche du but, il y a une année.»

Le vent a tourné

Début 2016, en effet, le Conseil fédéral, contraint par la motion d’un élu lucernois, propose à contrecœur une loi correctrice. Le Conseil national l’accepte. A partir de là, les choses vont se gâter pour les agriculteurs. L’«affaire Parmelin» révélée par Blick fait grand bruit – le conseiller fédéral a appuyé le projet auprès de ses collègues alors que sa famille est concernée par la question. Outre-Sarine, une certaine hostilité devient palpable contre le monde agricole, à qui l’on reproche de savoir trop bien défendre ses intérêts.

«Le climat politique a changé», témoigne Olivier Feller. Le PLR est partagé sur le sujet, le clivage étant assez marqué entre Romands et Alémaniques. Globalement, la gauche s’oppose à la modification de la loi. Le Conseil des Etats la rejette aussi. Hier, la CER-CN, divisée elle aussi, baisse finalement pavillon.

«Il faut aussi reconnaître que le monde agricole ne s’est pas assez mobilisé, du fait que les conséquences de l’arrêt du TF ne sont pas les mêmes dans tous les cantons, variant selon le régime fiscal en vigueur», analyse le directeur de Prométerre, Luc Thomas. «Et la plus-value immobilière n’est pas la même quand on vend un terrain sur l’arc lémanique ou dans la campagne appenzelloise, par exemple.» Très active dans ce dossier, l’Association vaudoise de promotion des métiers de la terre va maintenant travailler avec les autorités cantonales «afin d’atténuer l’effet de la jurisprudence».

Abattement fiscal à l’étude

Car une petite marge de manœuvre existe pour les cantons. Mercredi, le Conseil d’Etat a communiqué ses «regrets» qu’un compromis n’ait pas été trouvé à Berne. En indiquant qu’il chercherait des solutions pour les cas «les plus difficiles». Selon le grand argentier Pascal Broulis, plus de 200 dossiers sont «gelés» depuis 2011 au sein de l’Administration cantonale des impôts, dans l’attente que la saga politique se termine.

Un mécanisme d’abattement fiscal va être étudié d’ici à la fin de l’année: «Evidemment, on ne pourra agir que sur la perception de l’impôt cantonal, pas sur l’impôt fédéral direct ou les cotisations AVS», avertit le ministre, qui ne digère toujours pas le jugement de 2011. «Sa brutalité est une chose. Mais il y a aussi une question de principe. Le tribunal a fait de la politique en rendant cette décision relevant du jacobinisme.»

Pascal Broulis veut encore croire à un sursaut du Conseil national, qui, en juin, devra se prononcer définitivement sur la question. Mais vu de Berne, la cause est entendue. «Un gros travail nous attend pour l’accompagnement et l’appui aux nombreux exploitants concernés», commente Luc Thomas. (TDG)

Des plus-values taxées comme un revenu

Jusqu’en 2011, le bénéfice résultant de la cession d’un immeuble agricole sis en zone à bâtir était soumis à l’impôt sur le gain immobilier, dont le taux est de 7%. Bouleversement fin 2011! Par équité avec les autres travailleurs indépendants, le Tribunal fédéral estime qu’il doit être taxé via l’impôt sur le revenu, progressif. Le choc est violent: entre les cotisations AVS (10%), l’impôt fédéral direct (IFD), qui peut atteindre le taux de 11,5%, et ceux cantonal et communal, qui ensemble peuvent grimper jusqu’à 30%, la douloureuse est salée. Certains cas sont dramatiques. L’an dernier, un couple vaudois témoignait dans nos colonnes: le fisc lui réclamait 200 000 francs d’impôts, plus les intérêts, alors qu’il avait remis l’exploitation du domaine à son fils et n’avait pas touché un kopeck. Les dossiers sont toutefois gelés par l’Administration cantonale des impôts. Une quinzaine de cantons sont particulièrement touchés par ce revirement à cause de leur système fiscal.

Pour la Confédération, l’arrêt du tribunal est une aubaine en cette période où les finances sont moins bonnes. Il lui permet d’encaisser 200 millions de francs supplémentaires au titre de l’IFD, et autant de recettes pour l’AVS/AI/APG. Un argument qui a aussi pesé en défaveur d’un compromis au parlement fédéral.

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