Pourtant, bien que bon nombre d'entre nous se soient concentrés sur les inquiétudes au sujet du développement des jeunes, un article paru récemment dans le Wall Street Journal nous rappelle que les menaces touchent tous les âges, mais commencent par notre esprit. Depuis la sortie du premier iPhone en 2007, les chercheurs se sont penchés sur la façon dont les smartphones affectent notre intellect, ce qui implique en gros notre capacité à prêter attention, à retenir et à se rappeler de l'information, ainsi qu' à résoudre les problèmes et à justifier nos décisions. Bien que les publicités affirment que ces remarquables innovations technologiques ne feront que nous rendre plus intelligents et plus efficaces, les preuves indiquent tout le contraire. Selon l'auteur de l'article du Wall Street Journal, « la recherche suggère qu' à mesure que nous devenons plus dépendants d'eux, notre intellect s'affaiblit. »
Bien que l'article passe en revue de nombreuses constatations, les principaux thèmes abordés étaient les suivants :
La présence de smartphones, même lorsqu'ils sont éteints ou que l'on ne répond pas, est associée à une attention moindre, à un travail plus lent et à des symptômes accrus d'anxiété (par exemple à des pics de tension artérielle, à des pensées anxieuses).
Plus les appareils sont proches les uns des autres, plus la "puissance cérébrale" diminue. Par exemple, les personnes ont obtenu de meilleurs résultats lorsque les téléphones étaient hors de la pièce et moins bon lorsque les téléphones se trouvaient devant eux (et lorsqu'ils étaient dans la poche ou hors de vue, la performance était au milieu). Une étude récente a révélé que lorsque les écoles interdisaient complètement les smartphones, les résultats aux tests augmentaient le plus, surtout pour les élèves les plus défavorisés.
Même lors de conversations brèves (c'est à dire 10 minutes ou moins), la présence des smartphones empêche le développement d'un sentiment d'intimité, de confiance et d'empathie, surtout lorsque des sujets importants sont abordés.
Les smartphones et autres dispositifs empêchent l'encodage et la restitution des informations. Surnommée "l'effet Google", l'idée que l'information peut être recherchée sur Internet semble inconsciemment réduire la probabilité que les gens se souviennent des informations qui leur ont été données.
Les gens ne sont généralement pas conscients de la façon dont les smartphones créent des distractions qui entrainent "un épuisement du cerveau" ; les individus nient souvent que les appareils sont associés à des résultats moins bons même lorsque les données révèlent le contraire. Comme c'est le cas pour un certain nombre d'autres articles et études publiés dans de nombreuses revues et publications très respectées à travers le monde, nous pourrions nous attendre à ce qu'il y ait une réaction appropriée devant l'énorme quantité de preuves démontrant que nos manières d'utiliser la technologie doivent être modifiées ou que les conséquences ne feront que s'aggraver. Pourtant, au fur et à mesure que nous nous en savons plus, les tendances semblent aller à l'encontre de ce que les recommandations nous invitent à prendre en considération. D'un point de vue objectif et rationnel, il est difficile de comprendre comment c'est possible si nous tenons vraiment à notre santé, à notre bien-être et à celui de nos enfants.
Mais en ce qui concerne les smartphones, il semble que deux facteurs majeurs aient entravé les progrès en la matière dans le court laps de temps pendant lequel ils ont réussi à s'imposer. Premièrement, l'expérience immédiate, la commodité et la "perception de sécurité" qu'ils procurent semblent avoir prévalu sur toutes les autres considérations, y compris celle de savoir s'ils (et les habitudes d'utilisation connexes) sont réellement "préférables" pour notre santé et notre bien-être. Bien que des auteurs comme moi puissent à plusieurs reprises souligner de sérieuses inquiétudes au sujet de leur utilisation, le fait (comme indiqué dans l'article publié par le Wall Street Journal) est que l'utilisateur moyen d'iPhone regarde son appareil plus de 30 000 fois par an. Cela signifie que l'appareil dans votre main ou dans votre poche, finit par sembler plus important pour votre vie que des changements progressifs dans la façon dont vous pensez, ressentez, bougez, agissez et êtes en relation avec les autres. Autrement dit, plus nous utilisons nos appareils et plus nous en dépendons, plus nous avons l'impression de ne pas pouvoir nous en passer, même s'ils épuisent notre cerveau et notre corps.
Le deuxième facteur est qu'avec cet accroissement de la dépendance, les recommandations officielles sont devenues insuffisantes (bien que motivées par de bonnes intentions) tout comme l'argument noble mais mal compris du "libre arbitre". En ce qui concerne le premier, il est facile d'oublier qu'il y a seulement dix ans, la plupart des gens n'avaient pas du tout de smartphone ; il y a seulement deux décennies, la plupart des gens n'avaient pas de téléphone portable (et vous devriez voir le choc sur le visage des étudiants quand je leur dis cela). Pour les générations d'aujourd'hui, il semble presque invraisemblable que la vie ait même pu perdurer avant l'aube d'Apple. Mais elle l'a fait et, selon de nombreuses normes, elle s'en est très bien tirée. Pourtant, la diffusion rapide et dramatique de la dépendance à la technologie a donné lieu à des recommandations qui étaient bien intentionnées, mais franchement faibles dans leur substance, c'est à dire en termes de moyens et de confrontation à la réalité. Par ailleurs, je n'ai pas encore encore vu un seul parent me donner une bonne raison pour expliquer que son enfant a besoin d'un smartphone et qu'il est en meilleure santé, plus heureux et plus saint avec. Je sais que certains parents pensent que je suis excessivement inquiet et ils aiment le confort qu'apportent ces appareils à leurs enfants. Mais pas un seul d'entre eux n'a réussi à me convaincre que le smartphone est ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Pourtant, de 80 à 85 % des élèves du secondaire en ont un et les enfants continuent de les avoir à un âge toujours plus jeune.
En ce qui a trait à l'argument du libre arbitre, j'ai entendu de nombreux auteurs dire que nous devons simplement nous ressaisir et prendre de meilleures décisions et ne pas laisser la technologie nous contrôler, que c'est nous qui devons prendre la technologie en main. Cela sonne bien, et ceux qui me connaissent seraient les premiers à dire que j'apprécie énormément la discipline personnelle, la maîtrise de soi et le contrôle sur nos machines. Mais j'ai une question. Comment fonctionne l'expérience d'autocontrôle sur le plan de la technologie, surtout pour les jeunes ? Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, la réponse est "de manière affreuse".
Il n' y a pas que moi et les recherches qui le disent. Ce sont les parents, les enseignants, les administrateurs, les conseillers et bien d'autres personnes avec qui j'ai parlé qui sont mis à rude épreuve pour tenter de régler les problèmes directement liés à l'utilisation de la technologie. La raison pour laquelle les problèmes se posent, ce n'est pas parce que beaucoup de gens n'ont pas de bonnes intentions ou ne souhaitent pas que leurs appareils soient des ressources, pas des systèmes drainants. La raison en est que nous sous-estimons LARGEMENT la puissance de notre inconscient et sommes beaucoup trop fiers de penser que nous pouvons tout avoir sous contrôle, et nous enseignons à nos enfants à faire de même. Peu d'entre nous croient que nos jeunes de 14 ans sont aptes à conduire. Pourquoi croyons-nous qu'ils sont prêts à gérer un dispositif qui est similaire à une conduite sur autoroute pour leurs esprits ? Comme vous le diront la plupart des personnes qui se sont débattues avec une substance ou une dépendance comportementale, si vous la ramenez à la maison et que vous vous promenez avec dans votre main ou dans votre poche, ce n'est qu'une question de temps pour que vous cédiez à la tentation. Les entreprises technologiques dépensent des milliards de dollars pour rendre leurs produits addictifs ; l'idée que les adultes (et les jeunes en particulier, avec des cerveaux encore au stade de la formation cérébrale) puissent simplement "faire appel à leur libre arbitre" et améliorer la situation sans apporter de changements substantiels et systémiques est le même raisonnement qui fait que la gestion de la crise des obèses échoue actuellement.
Cependant, en fin de compte, nous sommes confrontés à la question de savoir si nous sommes disposés à apporter des changements plus vastes qui permettent de réels progrès. Il s'agit de savoir si les parents renonceront à leurs inquiétudes et à leurs tracas concernant le fait de priver et de limiter les appareils de leur progéniture en faveur de leurs propres valeurs et des connaissances scientifiques. Il s'agit de savoir si les écoles examineront sérieusement les travaux de recherche et prendront des décisions en matière de technologie en se basant sur des données probantes plutôt que sur la facilité, le marketing et les craintes qu'elles ne soient pas à la hauteur et que les élèves quittent l'école. C'est une question de savoir si notre société dans son ensemble choisira sa santé ou ses désirs.
De façon ultime, c'est la question de ce qui nous tient le plus à cœur à tous et aussi de ce que nous n'apprécions pas. Le choix est pressant et les coûts de nos décisions (ou non) seront énormes. J'espère juste qu'une sorte de révolution, une véritable prise de conscience des besoins de la santé et de l'humanité est en route, parce que mes enfants et moi en avons assez de voir des publicités sur la technologie qui sont artificiellement promues à la télévision sans les petits caractères qui devraient aller avec.
Traduction : Sott
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